COVID-19: quels impacts pour les communautés culturelles montréalaises?
Dans un rapport publié récemment, l’Institut universitaire SHERPA s’est penché sur les impacts de la COVID-19 sur les « communautés culturelles » montréalaises. Leurs observations révèlent une plus grande vulnérabilité de ces groupes face à la pandémie pendant la première vague.
Selon des études provenant des États-Unis et de la Grande-Bretagne, le risque d’infection par la COVID-19 et le taux de mortalité associée sont plus élevés chez les minorités racisées que dans le reste de la population. C’est aussi le cas à Montréal où les données de la santé publique indiquent que les personnes infectées par la maladie sont 2,5 fois plus nombreuses dans les secteurs très défavorisés de l’Ile de Montréal où la population est majoritairement racisée ou issue de l’immigration.
Selon les auteurs du rapport, les communautés culturelles seraient surreprésentées parmi les cas de COVID-19 en raison d’inégalités structurelles. «Lorsqu’on tente de comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les « communautés culturelles » de Montréal, l’identité ethnoculturelle n’est qu’un facteur parmi d’autres, et pas le plus important », soulignent-ils toutefois.
Par exemple, les personnes les plus touchées par la crise sont les personnes qui ne parlent ni français ni anglais, les personnes avec un faible niveau de littératie, les immigrants avec un statut temporaire ou sans statut, les personnes établies depuis peu au Québec et les travailleurs à risque d’être exposés au virus. Au contraire, les membres des communautés culturelles avec un niveau économique et d’instruction aisé, un statut permanent et une bonne maîtrise du français ou de l’anglais ne vivraient pas plus de difficultés que le reste de la population.
Des conséquences pour les tout-petits
Les personnes issues de l’immigration sont nombreuses à travailler dans les secteurs essentiels (ex.: préposés aux bénéficiaires dans un CHSLD, préposés à l’entretien ménager, éducateurs en petite enfance, ouvriers des usines de transformation alimentaire). Pendant la première vague, la pandémie a donc causé un certain casse-tête pour ces familles qui devaient trouver quelqu’un pour surveiller leurs enfants en raison de la fermeture des écoles et de l’accès restreint aux services de garde éducatifs.
En effet, selon les intervenants qui côtoient ces familles, certains travailleurs du milieu de la santé hésitaient à envoyer leurs enfants dans les services de garde de crainte qu’ils soient infectés. Par ailleurs, les travailleurs d’autres secteurs que le réseau de la santé n’y avaient pas droit.
Selon les auteurs, plusieurs enfants d’âge préscolaire de familles défavorisées ont ainsi été privés de la stimulation nécessaire à leur développement pendant la première période de confinement.
« Chez plusieurs familles de demandeurs d’asile récemment arrivés, par exemple, les enfants n’avaient pratiquement aucun jouet, en plus d’être enfermés dans de petits logements, souvent sans accès à une cour. »
Le fait d’être isolées dans un petit espace avec de jeunes enfants a été particulièrement difficile pour les mères monoparentales. Certaines d’entre elles qui recevaient un soutien psychosocial avant la pandémie se sont soudainement retrouvées sans aide extérieure. Cette situation a généré beaucoup de détresse chez ces femmes, ce qui augmentait le risque de sous-stimulation pour les tout-petits.
Des obstacles à l’application des consignes
Les auteurs du rapport notent que les membres des communautés culturelles respectent les mesures sanitaires, mais qu’ils se heurtent parfois à des obstacles liés à la défavorisation socio-économique. Par exemple, le type d’emploi peut avoir un effet sur la capacité à demeurer à la maison, les travailleurs essentiels pouvant difficilement faire du télétravail.
Pour les employés du réseau de la santé ou les ouvriers en usine, le manque d’équipement de protection ou des installations qui ne permettent pas de respecter la distanciation ont également contribué au non-respect des consignes sanitaires. Ces employés étaient ainsi plus à risque d’être exposés au virus et hésitaient à porter plainte.
De plus, ces travailleurs essentiels sont aussi susceptibles d’infecter leur famille ou leur entourage lorsqu’ils reviennent à la maison. En effets, plusieurs habitent des blocs-appartements avec des espaces communs (ex.: ascenseurs, salle de lavage, etc.) ou vivent en situation intergénérationnelle. Ce risque est d’autant plus grand pour les familles avec un logement surpeuplé et insalubre. Dans ce contexte, il peut être compliqué d’appliquer certaines consignes comme l’isolement des personnes infectées.
Enfin, le rapport souligne qu’il était plus difficile pour les personnes qui ne parlent ni français ni anglais de bien comprendre les consignes ou d’obtenir des services du réseau de la santé. En effet, jusqu’au mois de mai, peu d’information du gouvernement du Québec était disponible dans d’autres langues. La faible littératie numérique et le non-accès à l’Internet constituaient également des obstacles pour ces familles.
Source : Cleveland, Janet et collaborateurs. (2020) Impacts de la crise de la COVID-19 sur les « communautés culturelles » montréalaises - Enquête sur les facteurs socioculturels et structurels affectant les groupes vulnérables. Institut universitaire SHERPA, 82 p.