COVID-19 : effets de la crise sur les familles et le développement des tout-petits
Outre les conséquences de la COVID-19 sur notre système de santé, l’émergence de ce nouveau virus a des effets néfastes sur la situation des familles québécoises. Les mesures de confinement et de distanciation sociale ont notamment entraîné une hausse des fermetures d’entreprises, des mises à pied et des demandes d’assurance-emploi.
La pandémie risque de fragiliser la situation financière de plusieurs ménages. En effet, une analyse de la firme Aviseo Conseil révèle que les travailleurs québécois perdront plus de 9 milliards de dollars en salaire et traitement pendant le prochain trimestre. Le choc causé par la pandémie pourrait entraîner la perte de 689 211 emplois. Par ailleurs, les gens atteints de la COVID-19 pourraient voir leurs revenus diminuer pendant leur confinement obligatoire.
« Si, dans un contexte normal, un nombre non négligeable de personnes ne parvient pas à couvrir ses besoins de base et assurer son droit au logement, la crise actuelle renforce davantage la vulnérabilité de ces personnes », s’inquiète le Réseau québécois des OSBL d’habitation. Toujours selon le sondage Léger, 21 % des Canadiens croient que la crise actuelle aura un impact direct sur leur capacité à payer leur hypothèque ou leur loyer. Par ailleurs, selon un sondage réalisé auprès des propriétaires et gestionnaires de logements locatifs du Québec, 46 % des propriétaires de logements n’avaient pas encore reçu tous leurs loyers du mois en date du 6 avril.
Lorsqu’une famille consacre une proportion importante de son revenu au logement, cela a pour effet de réduire sa capacité à répondre à d’autres besoins essentiels tels que se nourrir. « Pour mettre les choses en perspective, pendant la Grande récession de 2008, les banques alimentaires du Canada avaient indiqué une augmentation mensuelle de 200 000 clients, ce qui représentait une hausse de 28 % à l’époque, explique Banques alimentaires Canada. Nous prévoyons une augmentation encore plus importante des besoins en raison de la crise du coronavirus. » Selon Centraide du Grand Montréal, 50 % des appels fait actuellement au 211 concernent l’alimentation. De plus, les demandes d’aide alimentaire dans les banques explosent. D’ailleurs, les banques alimentaires de la MRC de Memphrémagog, de Pointe-Saint-Charles et de l’Outaouais ont déjà vu une hausse dans le nombre de demandes d’aide depuis le début de la pandémie.
Une augmentation de la détresse chez les parents
De plus, la pandémie de COVID-19 a malheureusement pour effet d’amplifier les difficultés de conciliation famille-travail, notamment en raison de la fermeture des services de garde éducatifs à l’enfance. Certains parents doivent aussi apprendre à conjuguer télétravail et présence de jeunes enfants. Selon l’Observatoire québécois des inégalités, « la fermeture des écoles et des garderies ainsi que la nécessité de planifier davantage les achats du ménage pour réduire les sorties pourraient ajouter un poids supplémentaire sur les épaules des femmes qui, règle générale, s’occupent davantage de la gestion domestique et des enfants ».
La crise de la COVID-19 pourrait donc augmenter la détresse des parents. En effet, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) souligne que les effets néfastes sur la santé mentale en cas de pandémie sont nombreux et peuvent perdurer dans le temps.
Les mesures de confinement mises en place pourraient également accentuer les sentiments d’anxiété, de peur et de panique. Selon Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, les personnes déjà aux prises avec un problème de santé mentale peuvent être plus à risque de souffrir de détresse psychologique lorsqu’elles sont isolées. Le Réseau québécois des OSBL d’habitation ajoute pour sa part que le confinement au domicile peut représenter un risque pour certaines familles, par exemple dans le cas d’un ménage comportant un conjoint ou des parents violents.
Enfin, selon le Gouvernement du Canada, certaines mesures visant à diminuer la propagation du virus pourraient avoir comme conséquence d’interrompre les services de soutien social. L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) mentionne d’ailleurs que les personnes atteintes d’un trouble mental pourraient avoir plus de difficultés à accéder aux services dont ils ont besoin. De plus, les parents d’enfants ayant des besoins particuliers pourraient vivre de la pression et du stress puisqu’ils n’ont plus accès aux mesures de soutien qui leur sont normalement offertes. Par exemple, Radio-Canada rapportait que les familles avec un enfant autiste ne peuvent plus utiliser certains services d’aide, comme l’hébergement de fin de semaine.
Des conséquences pour le développement des tout-petits
Les nombreux effets de la pandémie sur la situation socioéconomique des familles québécoises peuvent avoir des conséquences pour le développement des tout-petits. Des études révèlent en effet que les enfants vivant dans la pauvreté seraient plus à risque de développer des difficultés scolaires dès leur entrée à l’école et tout au long de leur parcours scolaire. Par exemple, selon des données de l’Institut de la statistique du Québec, ces enfants sont plus susceptibles d’être vulnérables lors de leur entrée à l’école et ils ont un rendement scolaire plus faible en moyenne en première année.
Certaines études ont aussi révélé que les enfants qui souffrent d’insécurité alimentaire risquent davantage de présenter des retards en ce qui a trait à leur développement cognitif, moteur et neurophysiologique. L’insécurité alimentaire est également un prédicteur de maladies chroniques durant la petite enfance.
Enfin, d’autres études ont également démontré un lien entre les caractéristiques d’un logement (ex. : bruit, surpeuplement, nombreux va-et-vient) et certains aspects de la parentalité, comme la façon dont le parent s’adresse à son enfant, sa sensibilité pour répondre aux besoins du tout-petit et son sentiment d’être compétent comme parent.
Un contexte propice à la maltraitance ?
Parce qu’elles augmentent le stress des parents, les conditions socio-économiques défavorables peuvent donc être associées à la maltraitance. Selon l’Étude d’incidence québécoise sur les signalements évalués en protection de la jeunesse en 2014, 65 % des enfants évalués par les services de protection vivaient avec un ou des parents n’ayant pas de revenu d’emploi au moment du signalement. De plus, pour 15 % des enfants évalués, les intervenants de la protection de la jeunesse notaient que le ménage manquait régulièrement d’argent pour satisfaire les besoins fondamentaux.
De plus, les troubles de santé mentale des parents ont des répercussions sur le bien-être des tout-petits. Par exemple, selon certaines études, la dépression maternelle modifie les interactions entre la mère et son enfant. Une enquête de l’Institut de la statistique du Québec a démontré que les tout-petits dont la mère présente des symptômes modérés à graves de dépression sont plus susceptibles d’être victimes de violence physique mineure.
Dans un communiqué publié le 23 mars, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s’inquiétait d’ailleurs des impacts de la crise du Coronavirus sur les enfants plus vulnérables, demandait au gouvernement une grande vigilance et appelait chaque Québécois à devenir protecteur d’un enfant.
Il est possible d’agir !
Tous les secteurs de notre société peuvent aider les familles québécoises à traverser la crise de la COVID-19 :- Les gouvernements fédéraux et provinciaux ont mis en place certaines mesures économiques : prestation d’urgence, hausse des allocations pour enfant, programmes d’aide temporaires, délai accordé pour la production des déclarations de revenus, etc.
- L’Office municipal d’habitation de Montréal a développé une page d’informations pour les locataires des HLM et dresse la liste de leurs recours s’ils éprouvent des difficultés de paiements.
- Le Jardin botanique de Montréal doublera sa production de légumes pour les offrir aux banques alimentaires et l’initiative Les cuisines solidaires a permis de remettre plus de 800 000 repas aux Banques alimentaires grâce au soutien d'entreprises de restauration.
- La LigneParents et la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille ont créé Priorité Parents, un projet permettant d’offrir un filet de sécurité supplémentaire aux parents pendant la crise de la COVID-19.
- La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a lancé une gamme de services d’aide psychologique pour soutenir ses membres qui comprennent un soutien individuel par téléphone et l’accès à des webinaires.
- Le Carrefour action municipale et famille (CAMF) souligne les bienfaits du voisinage en période de pandémie et sensibilise les municipalités et les citoyens à l’entraide entre voisins.
- Le Groupe St-Hubert et sa fondation ont annoncé que 10 000 repas seront offerts par ses franchisés à des organismes communautaires locaux, la Banque TD a réduit de 50 % le taux d’intérêt de ses cartes de crédit et Bell Cause pour la cause a annoncé de nouveaux financements pour cinq organismes offrant du soutien de première ligne en santé mentale.