COVID-19 : la situation difficile des familles sans assurance-santé
En contexte de pandémie, l’accès à des soins de santé est primordial. Pourtant, plusieurs familles migrantes habitant au Québec doivent toujours payer pour recevoir des soins de santé. Une situation inquiétante selon l’organisme Médecins du Monde.
Au Québec, certaines personnes ayant un statut de résident temporaire ou étant en attente d’une décision concernant leur statut migratoire n’ont pas accès à des soins couverts par la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ). Il en est de même pour les résidents permanents pendant les 3 premiers mois après leur arrivée.
Dans le contexte actuel, cette situation est un enjeu pour la santé publique puisque certaines personnes pourraient se voir refuser des tests de dépistage de la COVID et les soins nécessaires pour en guérir. Pour éviter que ces dispositions nuisent aux efforts pour limiter la propagation du virus, la RAMQ a modifié certaines de ces règles.
En effet, Marie-Louise Harvey du ministère de la Santé et des Services sociaux explique que les personnes sans statut ou sans papier, incluant les femmes enceintes et les enfants dans cette situation, sont maintenant couvertes pour le test de dépistage de la COVID-19. Elles sont aussi couvertes pour les soins médicaux et hospitaliers en lien avec la maladie. Cette couverture est toutefois en vigueur si aucune autre couverture n’est offerte par le pays d’origine de la personne, par un programme fédéral ou par un contrat d’assurance privée.
Un sondage mené par Médecins du Monde révèle toutefois que certains membres du personnel administratif et soignant des hôpitaux connaîtraient peu cette nouvelle couverture. Certains médias ont d’ailleurs rapporté que des personnes sans carte d’assurance maladie se sont fait facturer des soins liés à la COVID-19.
De plus, comme le précise Mme Harvey, les autres soins non liés à la COVID ne sont toujours pas couverts. Un établissement hospitalier pourrait donc facturer une personne qui se présente à l’urgence si elle reçoit des soins qui ne sont pas associés à la COVID. Cette position est critiquée par le collectif Soignons la justice sociale. « Dans un contexte de transmission communautaire du virus, comment savoir si une personne qui se présente à l’urgence avec des symptômes respiratoires est atteinte d’une maladie “liée à la COVID-19”? », se questionne-t-il. Des personnes immigrantes malades pourraient donc décider de ne pas consulter, de crainte de souffrir d’une autre maladie que la COVID et de se retrouver avec une facture qu’ils n’auront pas les moyens de payer.
C’est d’ailleurs à cette conclusion qu’est arrivé le gouvernement ontarien selon le Huffington Post. Dans une directive datant du 20 mars, le ministère de la Santé de l’Ontario demande donc aux hôpitaux d’offrir tous les soins médicaux nécessaires à toutes les personnes qui se rendent à l’hôpital, peu importe qu’elle soit couverte ou non par une assurance-santé publique.
Il n’est pas seulement question ici de répondre aux besoins de soins en santé primaire d’une sous-population, mais d’adopter une approche de santé préventive sur tout notre territoire », souligne Dr Nicolas Bergeron, président de Médecins du Monde Canada.
Dégradation de la situation des familles migrantes
Selon les estimations de Janet Cleveland et Jill Hanley, chercheuses à l’Institut universitaire Sherpa, ce sont entre 40 000 et 70 000 personnes qui seraient sans aucune couverture d’assurance-santé publique au Québec. Parmi ces gens, on retrouve des femmes enceintes et des enfants.
Cette situation pourrait avoir des répercussions sur la situation économique des familles migrantes. En effet, selon un dossier publié par l’Observatoire des tout-petits, les frais à payer pour un suivi de grossesse et un accouchement sans assurance-maladie varient entre 9 000 et 17 000 $ et le coût d’une visite à l’urgence est de 700 $, sans compter les honoraires du médecin.
« Dans le contexte actuel de l’impossibilité de revenus de petits emplois ou de programme d’aide gouvernementaux, le paiement ou l’endettement pour des soins de santé est une situation intolérable que nous jugeons à haut risque », déplore donc Médecins du Monde dans une lettre envoyée à la ministre McCann. En d’autres termes, le fait de ne pas avoir accès à des soins de santé payés par la RAMQ en contexte de pandémie risque d’augmenter la précarité de ces familles.
Les familles migrantes sans assurances médicales sont en effet déjà très vulnérables, tel que l’ont démontré deux enquêtes réalisées à Montréal.
Parmi les femmes enceintes sans assurance médicale interrogées :
- 36 % disposent de moins de 1 000 $ par mois pour vivre avec leur famille;
- Le tiers ont un revenu insuffisant pour subvenir à leurs besoins fondamentaux (alimentation, logement, transport, soins de santé);
- 68 % se situent à un niveau élevé ou très élevé de détresse psychologique;
- 16 % disent n’avoir personne avec qui elles peuvent partager leurs préoccupations.
Parmi les parents interrogés avec des enfants de moins de 6 ans qui n’ont pas accès à la RAMQ :
- 48 % peuvent subvenir seulement un peu ou pas du tout aux besoins de base de leur famille;
- 45 % sont en détresse psychologique élevée ou très élevée.