COVID-19: Comment s’adaptent les mères d’enfant autiste?
Le quotidien des familles composées d’un enfant ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) est parsemé de petits et de grands défis. La pandémie a forcé ces familles à s’adapter à de nombreuses situations nouvelles: deux études menées par des chercheuses québécoises se penchent actuellement sur le sujet.
Parmi les particularités des enfants autistes, la résistance aux changements, le besoin d’une routine prévisible, le traitement sensoriel différent (hypersensibilité ou hyposensibilité), les difficultés au niveau du sommeil, de l’alimentation et de la régulation des émotions ont un impact sur le quotidien des parents, et plus encore sur les mères qui sont, dans la majorité des cas, identifiées comme la figure de soins principale*.
Le projet «Maman s’adapte»
Du 15 au 19 mars 2021, le Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) organisait son premier symposium, sur le thème de l’adaptation des enfants et des parents lors du premier confinement. Delphine Périard-Larivée, candidate au doctorat en psychologie, y présentait le projet « Maman s’adapte » qu’elle mène en collaboration avec Eve-Line Bussières (chercheure principale) et ses collègues.
Des entrevues qualitatives auprès de 17 mères d’enfants de 2 à 7 ans ont permis de dégager certains constats. Tout d’abord, la pandémie a apporté plusieurs changements et stresseurs dans la vie de ces mères (perte d’emploi ou télétravail, présence des enfants en permanence, perte de services et difficultés chez l’enfant). Elles ont alors traversé une période de hauts et de bas, avant de retrouver, pour la plupart, un certain équilibre.
Cependant, pour les mères d’enfant autiste, ce processus d’adaptation semblait être un chemin bien connu; certaines ont même souligné qu’elles avaient déjà, avant la pandémie, le sentiment de vivre de l’isolement social.
À certains égards, la COVID n’a pas changé grand-chose dans le quotidien des mères d’enfant autiste: dans un sens, elles étaient déjà confinées, car il leur était difficile de faire des sorties avec les enfants. - Delphine Périard-Larivée, membre du CEIDEF
Le rythme plus lent du premier confinement a été vécu comme des «vacances» pour certaines mères, grâce à la réduction considérable des rendez-vous et des exigences sociales vécues par l’enfant. Les mères en ont profité pour passer plus de temps de qualité avec leur enfant, mettre en place certaines stratégies et consolider des apprentissages.
La chercheuse remarque que plusieurs mères ont tout de même vécu beaucoup d’émotions et de colère face à l’interruption des services. Certaines ont souligné que l’âge préscolaire est vu comme une période charnière en autisme, où les interventions précoces peuvent avoir un impact sur leur fonctionnement à l’âge adulte. Elles ont aussi vécu de l’inquiétude par rapport aux apprentissages à la maison et au risque que leur enfant perde ses acquis sociaux durement gagnés.
Sur le plan de leur santé mentale, plusieurs mères ont trouvé très exigeant de s’occuper de tout dans la même case horaire; le travail, les enfants et les tâches ménagères, sans avoir de temps pour soi. Elles ont également perdu le réseau qui leur permettait d’avoir du répit à l’occasion.
La chercheuse conclut que les mères d’enfant autiste ont perçu le premier confinement comme étant à la fois bénéfique et difficile – une perception similaire aux mères d’enfant neurotypique – mais avec une intensité plus grande. Elle soulève également l'hypothèse selon laquelle les services, bien que désirés et appréciés, prennent une place considérable dans la vie des mères en termes de temps et de charge mentale. Ils représentent donc aussi une source de stress et de fatigue, une situation qui mériterait qu'on s'y intéresse.
* Des Rivières-Pigeon, C. et coll. (2015) Le travail domestique et de soin réalisé par les mères et les pères d’enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) au Québec. Office des personnes handicapées du Québec.
Sources
Nadine Chapdelaine, Catherine des Rivières-Pigeon et Marie-Hélène Poulin (Ph.D.) ont également recueilli en mars 2020 de nombreux témoignages pertinents auprès des personnes touchées par le TSA (adultes ayant un TSA, mères d’enfant ayant un TSA et psychoéducatrices travaillant avec cette clientèle).
Ces témoignages et leur analyse ont été publiés dans l'édition Printemps 2021 de L’EXPRESS, la revue de la Fédération québécoise de l’autisme: Des familles « confinées tout le temps » : une brève analyse qualitative des réalités de mères d’enfants ayant un TSA en temps de pandémie.
Pour aller plus loin
Prévalence des troubles du spectre de l’autisme au Québec chez les enfants âgés de 1 à 5 ans