Carte blanche de Marie-France Raynault : De la beauté peut-elle émerger du chaos?
Marie-France Raynault est professeure émérite à l’École de santé publique - Département de médecine sociale et préventive et chef du département de santé publique et médecine préventive du CHUM.
Un nouveau virus né en Chine quelque part à la fin de 2019 chamboule les vies de la planète entière depuis plusieurs mois. D’abord en transmission soutenue dans la province du Hubei, le virus a rapidement occasionné une épidémie à l’échelle de la planète. Au Québec, le virus a été introduit principalement par les personnes qui rentraient de voyage, en provenance de pays où la transmission a explosé dans les jours qui ont suivi la fin de la semaine de relâche.
Ce virus est très contagieux. Pas autant que la rougeole, mais certainement plus que la grippe saisonnière. Les gouvernements ont donc dû mettre en place des mesures pour contenir l’épidémie. Le confinement à la maison, la fermeture des commerces et industries non essentielles de même que l’interdiction des rassemblements sont autant de moyens d’y arriver. Une pause généralisée pour permettre au système de santé de tenir le coup et de se préparer au pire.
La révolution sanitaire actuelle nous rend avides d’information. Le point de presse quotidien du premier ministre amène un nouveau vocabulaire et de nouvelles inquiétudes : taux de mortalité, contagion, pertes d’emploi, crise, etc. Plusieurs observateurs s’inquiètent des conséquences sur la santé mentale des Québécois. Certains parlent même d’une catastrophe anticipée.
Bien sûr, la crise actuelle accentue et continuera d’accentuer les vulnérabilités déjà bien ancrées, que ce soit en santé mentale ou par rapport aux conditions socioéconomiques des familles. Certaines inégalités sociales encore plus grandes seront aussi créées suite aux nombreuses pertes d’emploi. L’économie est durement touchée et les plus vulnérables auront besoin d’un soutien social plus fort que jamais. Plusieurs études ont d’ailleurs fait des liens entre les taux de chômage élevés et une hausse des dépressions et des suicides. Il faudra surveiller la situation de près dans les prochains mois et les prochaines années. Nous devrons être à l’affût à la fois des signes d’une deuxième vague d’éclosions et des signes de détresse de la population.
Pas que du négatif sur la santé mentale
Les dernières semaines ont amené certaines réflexions concernant un possible stress post-traumatique et des troubles de stress et d’anxiété comparables à ceux vécus lors de tragédies comme celle de Lac-Mégantic ou des inondations catastrophiques du printemps 2018.
Plusieurs témoignages venant de la Chine et d’Europe laissent croire que la crise actuelle pourrait aussi avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale de plusieurs, contrebalançant les effets négatifs de la crise.
Des récits de citoyens des pays qui ont amorcé le déconfinement semblent indiquer que la majorité s’en sort plutôt positivement, notamment avec un goût renouvelé pour la culture et pour les plaisirs de la vie. Plusieurs productions artistiques issues de ces régions du monde sont plutôt joyeuses et festives. Ici même au Québec, des productions culturelles et initiatives citoyennes de toutes sortes ont démontré la capacité des Québécois de faire preuve de gaieté, de créativité et de solidarité, et ce malgré l’adversité. Ce sera encore plus vrai quand les gens pourront sortir un peu plus, à condition d’assurer le sentiment de sécurité à travers la population en maintenant les mesures de protection et de distanciation sociale partout. Parce que quel que soit le calendrier de déconfinement, il faudra continuer à pratiquer l’étiquette respiratoire et la distanciation physique tant que nous ne pourrons pas bénéficier d’un vaccin ou d’un traitement efficace pour prévenir les complications de la COVID-19.
Les qualités d'une vie plus simple
Nous avons plusieurs belles leçons à tirer de cette crise. En soutenant financièrement les gens, leur permettant ainsi de ne pas aller travailler, le gouvernement canadien a certainement contribué à sauver des milliers de vies dans les dernières semaines. Ce soutien devra se poursuivre afin d’amoindrir les défis auxquels les personnes vulnérabilisées par la crise seront confrontées. Ce soutien social accru est l’une des leçons à retenir. Un retour à une vie plus lente et l’importance de prendre du temps de qualité en famille en sont d’autres. Cette pandémie aura entraîné d’énormes contraintes et de nombreux deuils, mais elle nous aura fait redécouvrir toutes les qualités d’une vie simple. Des leçons très utiles pour l’après-crise!