Des projets innovants pour accompagner les futurs pères
La Maison de Quartier Vimont, à Laval, a mis en place plusieurs initiatives pour soutenir les pères en période périnatale. Conférences dans les écoles, collaboration renforcée avec les services de santé et les organismes communautaires de la région, rencontres prénatales adaptées aux préoccupations des hommes… l’équipe agit sur plusieurs fronts pour contribuer à faire de la paternité une expérience positive.
Stéphane Thouin, intervenant paternité à la Maison de Quartier, a beaucoup appris des projets dont il a la charge. En février dernier, cet ancien enseignant au secondaire a partagé son expérience à la Su-Père conférence, l’événement annuel du Regroupement pour la valorisation de la paternité.
L’occasion pour les participants de glaner des conseils sur la façon d’entrer en contact et d’interagir avec les pères dans un moment si particulier de leur vie.
Rejoindre le plus grand nombre de pères
Inspiré par un projet mis en place au Saguenay-Lac-Saint-Jean, « La route de la paternité », Stéphane Thouin a souhaité le transposer à Laval.
L’objectif est de rejoindre le plus grand nombre possible de futurs pères avec l’aide des professionnels qui les côtoient dans le cadre du suivi de grossesse. Intervenants ou infirmières peuvent ainsi leur proposer qu’un organisme communautaire les contacte en vue de partager des ressources. La Maison de Quartier Vimont obtient également des références de pères via l’outil Ma Grossesse, proposé par le ministère de la Santé et des Services sociaux [1].
« Au départ, je les appelle et je les invite à visiter l’organisme », explique Stéphane Thouin. « La plupart viennent me rencontrer. Après ça, je les invite dans des activités de pères, pour garder le lien. »
La Maison de Quartier Vimont met aussi à leur disposition un guide (« Coffre à outils à usage des pères, de la grossesse à 2 ans ») pour les aider à s’impliquer et à développer un engagement paternel.
Au fil des mois, le projet pilote est devenu un programme ouvert à toute la population, qui regroupe sept organismes communautaires lavallois auxquels les futurs pères peuvent être référés. Appuyé par la Direction régionale de santé publique de Laval, il a permis de rejoindre à ce jour une centaine de personnes.
Dans une prochaine étape, Stéphane Thouin aimerait travailler plus étroitement avec les médecins.
« Si tous les médecins pouvaient donner un rendez-vous au père pour s’assurer de comment il va, avant et après [la naissance], ce serait magnifique », confie-t-il.
Des conversations prénatales ciblées
La Maison de Quartier Vimont s’est aussi associée à l’organisme Mieux-Naître à Laval pour accueillir des séries de huit rencontres prénatales avec les futurs parents. Stéphane Thouin y apporte un contenu paternité, tout en ménageant du temps seul avec les pères, une séance sur deux.
« Je pars avec eux une heure, on peut jaser de toutes sortes de choses : préoccupations, retour à la maison, allaitement », explique-t-il.
Parmi les autres sujets abordés : la présence des pères à l’accouchement, avec son lot d’émotions fortes et de jambes qui lâchent. Un gynécologue est d’ailleurs venu parler aux participants de la naissance de son propre enfant : il lui était impossible ce jour-là d’agir en médecin.« Je leur dis souvent ‘c’est un gros rush d’adrénaline aussi pour toi, prévois-toi un lift de retour’ », explique Stéphane Thouin.
L’intervenant encourage les participants à se projeter dans leur future vie de père, par exemple en préparant la chambre du bébé. Il leur conseille de demander de l’aide (épicerie, lavage) aux visiteurs qui voudront venir voir le nourrisson.
Il aborde aussi des sujets plus sensibles, tels que la sexualité, le sentiment d’être délaissé, ou les manières de créer un lien d’attachement avec son bébé.
Prévenir dès l’adolescence
Avant de monter le volet paternité de la Maison de Quartier Vimont, Stéphane Thouin s’occupait d’activités jeunesse. C’est donc naturellement que l’intervenant a mis sur pied un atelier de prévention pour les adolescents et jeunes adultes.
L’équipe est allée à la rencontre de quelque 600 élèves dans plusieurs établissements scolaires. Armée de chips et de chocolat, elle leur a d’abord soumis des questions, à la fois sur la demande d’aide des hommes (« Ton ami n’a pas l’air de bien aller. Que fais-tu? ») et sur leurs réactions face à une hypothétique grossesse (« Ta copine est enceinte et désire garder l’enfant. Est-ce que tu saurais quoi faire? »).
Les intervenants ont aussi proposé une présentation dans les classes, abordant différents aspects de la grossesse (avortement, garde de l’enfant, ressources, etc…), qui n’a pas suscité les discussions espérées. En ajustant leur approche pour la centrer sur le cas concret de deux adolescents attendant un enfant, ils ont pu mieux prendre le pouls des jeunes.
« Il y avait beaucoup de déni face à une grossesse possible. Pas juste trois, quatre jeunes, mais une bonne majorité des gens », souligne Stéphane Thouin. « On s’est dit qu’il y a encore un certain travail de prévention à faire. »
Faire face à des défis multiples
Tout au long de sa présentation, Stéphane Thouin a partagé ses défis et les solutions qui ont fonctionné pour lui, notamment dans la façon d’accompagner de futurs parents haïtiens demandeurs d’asile qui avaient connu un parcours migratoire douloureux.
Après avoir observé la réticence des mères à participer aux rencontres, il est parvenu à faire tomber des barrières lors d’une soirée d’information en se faisant épauler par des personnes parlant créole. La présence d’une représentante de Femmes en Emploi, un organisme lavallois dirigé majoritairement par des Afro-Canadiennes, ainsi que le témoignage d’un père haïtien, ont permis de détendre l’atmosphère, a-t-il expliqué.
Il a également abordé les codes traditionnels de la masculinité (p. ex. être stoïque, invincible, nier sa douleur, etc…), qui peuvent s’inscrire en contradiction avec l’intention des intervenants. Le choix des mots est alors particulièrement important.
« Je n’accueille pas un gars en disant ‘Je peux t’aider?’ », souligne-t-il. « Je lui dis ‘De quelle manière je peux t’être utile?’ »
Pour aller plus loin
En apprendre plus sur la Maison de quartier Vimont
Visionner la vidéo Accueillir les pères immigrants dans laquelle on en apprend plus sur la Maison de quartier Vimont et ses services
Parcourir notre dossier Web sur l’engagement paternel
[1] Le service Ma Grossesse a été créé par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour faciliter l’accès des personnes enceintes qui vivent au Québec à l’information et aux professionnels dont elles ont besoin durant leur grossesse.