La coparentalité solidaire, clé d’une paternité épanouie
Comment les pères québécois vivent-ils leur parentalité? De quelle façon la relation avec leur coparent influence-t-elle cette expérience? Si un partage égalitaire des tâches est une des clés d’une paternité sereine, le soutien entre parents s’avère tout aussi essentiel, révèle une analyse de la professeure Tamarha Pierce, du département de psychologie de l’Université Laval.
À la demande du Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP), qui l’a invitée à présenter ses conclusions lors de sa Su-Père Conférence le 22 février dernier, Tamarha Pierce s’est plongée dans les données de l'Enquête québécoise sur la parentalité. En décortiquant les réponses des 9 051 pères (sur un total de 19 127 parents), la chercheure a confirmé l’importance, pour leur bien-être dans ce rôle, de développer et maintenir une relation coparentale solide.
« La relation coparentale est la pierre angulaire de la famille. Si les parents arrivent à travailler ensemble, cela fonctionne mieux », explique la chercheure.
Le pouvoir de l’encouragement
Les discussions sur la coparentalité se concentrent souvent sur la répartition des responsabilités, au risque d’oublier la notion d’écoute et de solidarité entre parents, ajoute-t-elle. Les études ont pourtant montré que le soutien et l’encouragement des mères envers les pères sont essentiels à l’engagement paternel, dit-elle.
« Savoir qu’on peut compter sur l’autre, qu’on a la confiance de l’autre, est une ressource importante pour le parent », ajoute Tamarha Pierce.
L’analyse des données montre qu’un père qui se sent peu soutenu et fréquemment critiqué par l’autre parent vit plus de stress et de difficultés à relever les défis parentaux, et s’impose aussi plus de pression. L’expérience est pour l’essentiel similaire quand un père dit partager les tâches de façon inégalitaire, quel que soit le parent qui en assume le plus.
« Quand il y a un déséquilibre, d’un côté ou de l’autre, on voit tout de suite l’effet sur les pères », note Raymond Villeneuve, directeur général du RVP.
« On parle très peu souvent de la coparentalité du point de vue des pères, alors qu’on aurait tout intérêt à le faire. Si le père se sent mieux, la mère va se sentir mieux, les enfants vont se sentir mieux. » Raymond Villeneuve, directeur général du RVP
La séparation, un défi de coparentalité
La coparentalité, qui se réfère à la façon dont les adultes responsables d’un enfant interagissent ensemble dans leurs rôles parentaux, se distingue de la relation de couple. Elle implique une difficulté supplémentaire pour les parents séparés, qui doivent travailler en équipe tout en faisant le deuil de leur lien amoureux, explique Tamarha Pierce.
Une des richesses de l’enquête est justement de donner accès à l’expérience des pères séparés, qui représentent environ 1 participant sur 6.
Bonne nouvelle : la majorité d’entre eux (55 %) se sentent rarement ou jamais critiqués par l’autre parent, un niveau comparable aux pères en couple. Cette impression se confirme avec un second chiffre : 59% disent s’entendre avec leur ex-conjointe ou conjoint sur la façon d’intervenir auprès de leurs enfants.
« Souvent, nous portons notre attention sur les personnes qui vivent des défis ou des situations familiales conflictuelles », rappelle Tamarha Pierce. « L’enquête donne une voix à ceux qui arrivent à bien s’entendre, qui vivent une expérience plus positive, ce qui nous montre que c’est présent dans la société, que c’est possible. »
Valoriser le travail d’équipe
À peine plus du quart des pères séparés, cependant, disent recevoir des bons conseils, des informations qui les aident (27 %) ou se sentent encouragés, rassurés (26%) par leur ex-conjointe ou ex-conjoint, contre plus des deux tiers chez les pères en couple.
Après une rupture, l’autre parent ne sera pas nécessairement la première ressource des pères, reconnaît la chercheure. Mais les résultats rappellent la nécessité, notamment pour les intervenants auprès des familles, d’accompagner les parents dans l’apprentissage de la gestion du conflit et de la collaboration.
« C’est important de valoriser ce travail d’équipe, et aussi, quand ça ne va pas bien, de souligner aux parents le coût de cette mauvaise collaboration, pour leurs enfants, mais aussi pour eux », explique-t-elle.
Un partage des tâches variable
L’analyse explore également le partage des responsabilités parentales, tel que rapporté par les pères. Pour certaines tâches de la routine quotidienne, comme l’aide aux devoirs (56 %) ou la conduite des enfants à leurs activités de loisirs (56 %), on note une proportion plus élevée parmi les pères séparés qui estiment les assumer de façon égalitaire. Une différence qui peut s’expliquer par les réalités de la garde partagée, mais qui montre aussi que les pères séparés assument leur rôle, souligne la chercheure.
Partage des responsabilités parentales
Source : Institut de la statistique du Québec, Enquête québécoise sur la parentalité 2022.
Tableau extrait du communiqué émis par le Regroupement pour la valorisation de la paternité en date du 22 février 2024.
« C’est très encourageant car c’est par [cette implication] qu’ils ont un lien avec leurs enfants. On sait que pour les enfants c’est important, après une séparation, de maintenir le lien. » Tamarha Pierce, professeure au département de psychologie de l’Université Laval
Les données obtenues lors de l’enquête ont encore des choses à révéler sur l’expérience paternelle. Le ministère de la Famille poursuit actuellement ses analyses sur le thème de la paternité et planifie une publication sur ce sujet au cours de la prochaine année.
Pour en savoir plus
Lire le communiqué publié par le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité au sujet des résultats de l’Enquête québécoise sur la parentalité
Accéder aux résultats complets de l’Enquête québécoise sur la parentalité 2022
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