La transition scolaire pour les enfants à besoins particuliers commence bien avant la maternelle
La transition scolaire peut jouer un rôle important pour les enfants vivant avec des besoins particuliers. Une adaptation non réussie au préscolaire pourrait même perturber toute leur trajectoire scolaire. De plus, les enfants avec des besoins particuliers peuvent vivre davantage d’anxiété et de problèmes d’ajustements si la transition n’est pas bien planifiée. Ces enfants seraient donc plus à risque de vivre une transition difficile vers la maternelle. Voici un témoignage inspirant qui démontre à quel point une transition réussie peut être déterminante pour un tout-petit.
Sandra est la maman d’un jeune garçon, William, qui souffre du syndrome Gilles de la Tourette.1 « Nous avons reçu le pré-diagnostic à l’hôpital Ste-Justine à 2 ans et demi, se rappelle Sandra. Nous avons alors pris la décision de traiter William immédiatement comme si c’était un syndrome Gilles de la Tourette en espérant qu’il puisse rattraper ses retards de développement avant l’entrée à l’école. » La préparation à la transition scolaire a donc commencé très tôt pour William et sa famille. « À partir de ses trois ans, mon objectif était l’école. De quoi mon enfant avait-il besoin pour aller à l’école et avoir du plaisir? »
Un an avant l’entrée à l’école de William, sa famille a choisi d’avoir recours à une éducatrice spécialisée. « Nous avons commencé un an avant l’entrée à l’école et cette professionnelle a fait des activités avec lui pour évaluer où il en était rendu dans les différents aspects de son développement », raconte Sandra. Cette éducatrice a également suggéré différentes activités pour préparer William aux défis qui l’attendaient à l’école. Les observations de cette éducatrice ont aussi permis aux professionnels du CHU Sainte-Justine de faire une recommandation officielle pour obtenir de l’accompagnement à l’école.
William fréquentait déjà un CPE depuis l’âge de 3 ans, où il pouvait compter sur une subvention pour enfant handicapé lui permettant d’obtenir des périodes de travail pour développer sa motricité fine. Sandra et le père de William ont ensuite choisi de faire appel aux services d’un psychologue scolaire. « Il a commencé la transition au CPE en suivant William dans son milieu de garde mais aussi à domicile, explique Sandra. Il nous a ensuite accompagnés aux rencontres avec le CPE et avec l’école. Il était là pour nous conseiller, mais aussi pour défendre les intérêts de notre enfant et expliquer les besoins de William. Il connaissait bien William et pouvait conseiller les gens qui intervenaient auprès de notre enfant. »
D’ailleurs, selon un rapport réalisé par l’équipe de Julie Ruel, chercheuse au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec en Outaouais, les pratiques transitionnelles pour soutenir l'accueil des enfants à besoins particuliers devraient mettre à contribution toutes les personnes qui connaissent l'enfant et ainsi personnaliser les mesures pour ces enfants.
Enfin, Sandra a également mis en place des mesures pour aider son fils à bien vivre la transition.
« Je me suis rendue à l’école avec mon fils avant la rentrée et j’ai pris des photos de ces personnes avec leur permission. Deux semaines avant le début des classes, j’ai montré régulièrement la photo de l’enseignant à mon enfant de même que celles du personnel du service de garde. Cela l’a beaucoup aidé car la transition était déjà amorcée dans sa tête. Si l’école pouvait prendre d’elle-même ce genre d’initiatives pour les enfants à besoins spéciaux, cela diminuerait beaucoup le stress des familles. »
Le confinement et les enfants avec des besoins particuliers
Selon Claudine Jacques, spécialiste de l’autisme au Département de psychoéducation et de psychologie de l’UQO, le confinement représente un défi supplémentaire pour les enfants avec des besoins particuliers. Leur routine est chambardée et ils vivent beaucoup d’inconnu. Leurs parents sont aussi affectés par la perte du soutien des spécialistes. Pour les enfants qui entrent à la maternelle, il peut s’agir d’un stress supplémentaire.
Peu de ressources disponibles
Car il faut le dire, le milieu de garde et le milieu scolaire n’avaient pas grand-chose à proposer à William et à sa famille. En fait, toutes ces mesures pour faciliter la transition de William ont été mises en place par ses parents. Ceux-ci ont dû également débourser pour payer tous les services offerts par les professionnels. « Il n’y a jamais vraiment d’offre de services, déplore Sandra. Il faut se débrouiller et comprendre comment fonctionne le système pour obtenir des services. De plus, à cause de mon emploi et de celui du père de William, les gens assument que nous avons beaucoup d’argent. Au CLSC, on m’a même dit d’aller au privé, car ils ne pourraient jamais nous offrir de services. Je crois donc que ce serait définitivement plus difficile pour une famille avec des revenus plus modestes d’avoir des services à l’école pour la transition.
D’ailleurs, le rapport de Julie Ruel révèle que malgré une augmentation des pratiques spécifiques à l’accueil des enfants à besoins particuliers entre 2011 et 2013, ces mesures demeurent peu nombreuses. En fait, selon les parents interrogés, la pratique la plus implantée est la signature d’un formulaire de consentement permettant le partage d'informations entre les services de garde et l'école. Les autres pratiques comme la planification conjointe de la rentrée avec le réseau de la santé et des services sociaux et l'école, l'aide du réseau de la santé et des services sociaux ou de l'école pour la rédaction d'un portfolio, la planification d'un plan d'intervention avant la rentrée ou le personnel des services de santé et services sociaux à échanger sur l'enfant sont encore peu fréquentes.
De plus, bien que les enseignants et les directions croient à l’importance de planifier spécifiquement l’accueil de cet enfant et qu’ils croient que cela doit se faire avec la participation active de l’enseignant et le soutien des services de garde, ils ont également l'impression que l'école est moins prête à accueillir ces enfants que les autres.
Des résultats impressionnants
Pourtant, les mesures de transition font leurs preuves. « Nous avons eu une très belle année, se réjouit Sandra. William a évolué pour l’aspect psycho-social. Il a gagné en autonomie et nous avons réussi à le responsabiliser davantage. Dans le dernier bulletin qu’on vient d’avoir, il a eu des B partout, ce qui est vraiment bien parce que c’est un petit garçon qui ne connaissait pas ses couleurs au début de sa dernière année de CPE. Surtout, il a hâte d’aller à l’école. William a même été invité à jouer chez des amis d’école. Cela ne se serait pas produit si on avait pas mis en place des moyens d’aider William. »
Selon Sandra, il y a malheureusement un écart entre les services donnés en petite enfance et ceux offerts par l’école. « Chaque milieu est un système à part et il faudrait aider les gens à comprendre comment cela fonctionne et comment se diriger là-dedans », croit Sandra.
Le message de Sandra aux autres parents est donc d’agir tôt et d’aller chercher de l’information et de l’aide partout où cela est possible.
J’espère que le gouvernement emboîtera le pas et donnera plus de soutien aux familles. Il faut reconnaître l’importance de la transition et encourager les gens de tous les milieux à se parler. C’est ce qui va aider des enfants comme William.
1. Sandra et William sont des noms fictifs pour conserver l’anonymat de la famille.