Réflexions de l’Observatoire sur la réouverture des écoles et des services de garde éducatifs
Entretien avec notre directrice, Fannie Dagenais.
L’Observatoire ne prend pas position quant à la décision annoncée par le gouvernement, comme notre équipe n’est pas experte en matière de gestion de pandémie. Notre rôle est plutôt d’apporter un éclairage sur les conditions qui peuvent affecter le développement et le bien-être des jeunes enfants. Or, bien que les tout-petits sont moins susceptibles d'être très malades s'ils attrapent le virus, plusieurs d’entre eux sont tout de même à risque actuellement. En effet, la pandémie et le confinement influencent les conditions dans lesquelles ils vivent et génèrent du stress chez les adultes qui en prennent soin, ce qui peut avoir un impact considérable sur leur développement et leur bien-être.
Plusieurs facteurs de risque comme la pauvreté, l’insécurité alimentaire, la fragilisation du soutien social, le stress et la santé mentale des parents, ainsi que la maltraitance, sont à surveiller de près et devront continuer de l’être. La réouverture des écoles et des services de garde, ou les mesures de déconfinement graduelles, ne les feront pas tous disparaître. Certains parents ne retrouveront pas leur emploi. La réouverture des écoles et des services de garde peut générer d’autres sources d’inquiétude pour les parents, et nécessitera une nouvelle adaptation tant pour les enfants que leurs parents. Le tissu social ne pourra être totalement reconstruit, comme le retour à la normale se fera de façon graduelle et que certaines mesures de protection continueront d’être de mise.
La réouverture des écoles et des services de garde éducatifs, tout comme le déconfinement graduel, pourraient avoir des effets positifs à deux niveaux. Le fait de fréquenter de nouveau les services de garde ou les écoles fera que ces situations seront plus susceptibles d’être détectées, comme les enfants seront exposés au regard extérieur, ce qui n’était pas le cas en période de confinement. D’ailleurs, les DPJ ont déclaré avoir remarqué une baisse des signalements reçus depuis le début de la période de confinement.
De plus, la réouverture de ces services pourra contribuer à diminuer le stress au sein des familles qui ont vécu difficilement la période de confinement. Le fait de reprendre contact avec les enseignants, les éducatrices ainsi que les autres ressources de ces milieux peut apporter un soutien précieux tant aux parents qu’aux enfants, et faire baisser la pression. Pour des familles où les parents se sentent dépassés et où le comportement et l’humeur de l’enfant sont affectés par le confinement, la réouverture des services pourrait avoir l’effet d’une bouffée d’oxygène. Cela pourra contribuer à diminuer le risque de maltraitance.
Toutefois, comme d’autres sources de stress continueront d’être présentes au sein de nombreuses familles, comme des conditions économiques difficiles ou de l’insécurité alimentaire, le risque que des parents se sentent dépassés et que des enfants subissent de la maltraitance continuera d’être présent. Il faudra donc continuer d’être vigilants et ne pas hésiter à signaler si l’on est témoin d’une situation.
Comme le contexte et les réalités sont très différents d’une famille à l’autre, nous croyons que chaque parent devrait être libre de prendre la décision qui lui semble la meilleure pour son enfant et sa famille. Chacun devrait être respecté dans ce choix. Pour certaines familles, le retour à l’école ou au service de garde éducatif présentera des avantages importants, alors que pour d’autres, il sera associé à du stress et des risques que la famille préférera éviter.
Par exemple, la période de confinement et de fermeture des écoles et des services de garde a été très difficile pour plusieurs familles, notamment celles qui ont des enfants ayant des besoins particuliers. Dans bien des cas, ce fut difficile tant pour les parents, qui ont dû gérer le quotidien sans le précieux soutien des services qui leur sont habituellement offerts, que pour les enfants : routine perturbée, perte des repères et des contacts sociaux auxquels ils sont habitués. On peut penser également aux familles où le télétravail en présence des enfants s’est avéré difficile. Au sein de ces familles, il se peut que les parents aient besoin de reprendre leur souffle, et que pour l’enfant, le fait de retrouver ses repères et sa routine ait des effets bénéfiques, notamment sur son sentiment de sécurité.
Pour d’autres familles, il se peut que le retour de l’enfant à l’école ou au service de garde à l’heure actuelle représente un stress et un risque qu’elles préfèrent éviter. Par exemple, une famille pourrait vivre beaucoup d’anxiété à l’idée d’un retour, parce que l’enfant a une maladie chronique et est donc considéré à risque de complications s’il contracte la COVID-19. Cela pourrait aussi être parce qu’un autre membre de la famille est à risque ou parce qu’un aîné a besoin de leur soutien et qu’ils ne souhaitent pas le mettre à risque.
Nos collègues de Naître et grandir ont fait un excellent guide pour aider les parents à prendre leur décision. Pour les parents qui ont besoin de soutien, LigneParents et la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille ont aussi créé Priorité Parents, un nouveau projet permettant d’offrir un filet de sécurité supplémentaire aux parents du Québec en cette période particulière.
En bref, chaque famille a une réalité qu’il est important de considérer pour prendre la meilleure décision!
Les impacts se font sentir à différents niveaux, et les familles qui étaient déjà vulnérables avant la crise sont celles qui sont le plus à risque. Plusieurs familles ont dû composer avec des pertes d’emploi ou de revenus au cours des dernières semaines. Une très forte demande a été observée au sein des banques alimentaires, ce qui peut indiquer qu’un plus grand nombre de personnes et de familles vivent cette problématique, qui touchait déjà 10 % des familles avec des tout-petits avant la crise. Enfin, les familles étant fragilisées sur le plan économique peuvent aussi avoir des difficultés à payer leur loyer, ce qui ajoute une autre source de stress.
Le contexte de confinement est particulièrement difficile pour les familles qui vivent dans des logements trop petits, sans espace extérieur. Certains parents ont du mal à concilier le télétravail avec le fait de prendre soin de leurs enfants, un défi qui est encore plus grand chez les parents de très jeunes enfants. Ajoutons à cela la crainte de contracter le virus, ou qu’un proche soit infecté, on peut aisément comprendre que de nombreuses familles se retrouvent sous pression. Ces différentes sources de stress s’accumulent et peuvent influencer la santé mentale des parents, le climat dans la maison, la qualité des interactions entre les membres de la famille et l’enfant ainsi que la disponibilité des adultes pour s’occuper de celui-ci. L’accumulation de ces sources de stress peut également augmenter le risque de maltraitance et de violence au sein des familles.
Depuis le début de la crise, les Québécois redoublent de créativité et d’ingéniosité pour mettre en place des mesures en réponse aux différents enjeux. Nous avons pu voir se mobiliser au fil des semaines des leaders, des organismes, des entreprises, des intervenants et des citoyens en provenance de tous les secteurs de la société : santé, communautaire, municipal, affaires, éducation, petite enfance. Chacun peut apporter sa contribution. C’est sans doute grâce à cet élan de solidarité que nous réussirons à passer au travers de la crise et à atténuer ses effets sur l’ensemble de la société.