Les employeurs: des partenaires essentiels de la conciliation famille-travail
Les premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont été marqués par des défis majeurs pour les familles avec de jeunes enfants et pour les organisations. Malgré le soutien important habituellement offert par les services de garde éducatifs et le congé parental, les deux pièces maîtresses de la politique familiale québécoisei, la conciliation famille-travail, que les autrices de ce texte préfèrent nommer "emploi-familleii ", est demeurée un enjeu encore plus criant avec la crise sanitaire. 
Dans un contexte incertain où les parents ne peuvent même plus se tourner vers les grands-parents pour jongler avec les responsabilités professionnelles et familiales, l’employeur devient un partenaire important pour amenuiser les conflits emploi-famille.
L’enquête a permis de révéler quatre constats importants en lien avec le soutien de l’employeur et la conciliation emploi-famille.
Premier constat : une forte majorité d’hommes (88%) et de femmes (86%) ont jugé que leur employeur avait été compréhensif à l’égard des défis de conciliation engendrés par la crise sanitaire.
Le soutien offert sous forme d’empathie ne diffère donc pas selon le sexe, ce qui implique que les employeurs reconnaissent, du moins implicitement, les responsabilités familiales des hommes. Toutefois, les données ne permettent pas de savoir si le contexte de pandémie s’est traduit par une situation exceptionnelle, amenant une plus grande égalité de traitement ou si, de façon générale, les employeurs manifestent le même niveau d’empathie envers les pères et les mères.Deuxième constat : les employeurs ont fait preuve de beaucoup d’empathie envers les salariés durant la crise.
Contrairement à ce qu’indiquait les recherches précédentes, le niveau de compréhension offert par les employeurs ne varie pas selon la catégorie d’emploi. Même si les professionnels de bureau ont proportionnellement été les plus nombreux à estimer que leur employeur avait fait preuve de compréhension (92%), les travailleurs non-spécialisés ont aussi largement qualifié leur employeur comme étant compréhensif (80%), même si c’est dans la plus faible proportion des cas.Troisième constat : les attentes de l’employeur en termes de productivité sont restées les mêmes pour la très grande majorité des salariés, quelle que soit leur catégorie professionnelle ou leur sexe.
Autrement dit, même si les employeurs ont manifesté de l’empathie à l’égard de leurs employés, ils n’ont pas diminué leurs attentes pour autant : seulement 22% des répondants – hommes ou femmes – rapportent que leur employeur a diminué leurs attentes. Toutefois, cette proportion est légèrement plus élevée chez les répondants avec des enfants de 5 ans ou moins (29%). Il est donc probable que les parents de jeunes enfants aient bénéficié plus souvent d’une baisse des attentes de la part de leur employeur, sans doute en raison de leur situation familiale.Quatrième constat : les données révèlent que le soutien organisationnel sous différentes formes pourrait être un élément-clé dans la rétention du personnel dans les prochains mois.
39% des répondants ont en effet affirmé qu’ils auraient besoin d’accommodements plus fréquents au travail pour des raisons de conciliation emploi-famille, comparativement à la situation qui prévalait avant la crise sanitaire, une proportion qui grimpe à 55% chez les parents d’enfants d’âge préscolaire. Aussi, 88% des répondants avec des enfants de 5 ans ou moins ont affirmé que l’ouverture de leur employeur face à leurs besoins de conciliation auraient un impact sur leur motivation au travail, 60% des parents de ce même groupe étant même prêts à changer d’emploi pour obtenir de meilleures conditions de conciliation emploi-famille.Pour aller plus loin
Tremblay, Diane-Gabrielle et Sophie Mathieu. 2020. Concilier emploi et famille en temps de pandémie : les résultats d’une recherche au Québec, Les politiques sociales, Bruxelles, 3-2020, novembre.
Ce texte a été écrit par Sophie Mathieu, PhD, chercheuse postdoctorale, Université Téluq et Diane-Gabrielle Tremblay, PhD, professeure, Université TÉLUQ, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir et directrice de l’ARUC (Alliance de recherche université-communauté) sur la gestion des âges et des temps sociaux.
Notes:
i Mathieu, Sophie. 2019. « La transformation de l’offre de services de garde au Québec : une brèche dans la collectivisation du travail de reproduction sociale ? », Revue canadienne de sociologie, 56 (2), 145-291.
Mathieu, Sophie et Diane-Gabrielle Tremblay. 2020. « Évolution et transformation de la politique familiale québécoise depuis 1997 », Enfances, Familles et Générations, 35. [En ligne], Article sous presse.
ii Les autrices de cet article privilégient ici l’utilisation de l’expression « emploi-famille » plutôt que « travail-famille », puisqu’elles considèrent la notion de travail comme étant plus vaste que celle de l’emploi. Le terme « travail » inclut en effet les notions de travail rémunéré (l’emploi) et de travail gratuit (les soins aux enfants et les tâches ménagères).
iii Réseau pour un Québec Famille. 2020. Besoin des familles en conciliation famille-travail post-crise covid-19.
iv Tremblay, Diane-Gabrielle. 2019. Conciliation emploi-famille et temps sociaux. (4e édition). Québec: Presses de l’Université du Québec.
Tremblay, Diane-Gabrielle. 2012. Articuler emploi et famille : Le rôle du soutien organisationnel au cœur de trois professions (infirmières, travailleuses sociales et policiers). Québec : Presses de l’Université du Québec.
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Vivre avec le stress parental en temps de crise
