COVID-19 : les effets sur la santé mentale des parents et des tout-petits
Nous sommes plongés dans la crise de COVID-19 depuis maintenant plus de six mois. Dès le début de la pandémie, des experts s’inquiétaient des impacts de celle-ci sur la santé mentale des parents et sur les tout-petits, et rappelaient l’importance des mesures pour lutter contre l’effritement du tissu social des familles. De nouvelles données sur les effets de la pandémie sont aujourd’hui disponibles et permettent de mieux comprendre le phénomène. Nous faisons ici l’état des connaissances scientifiques récentes sur le sujet.
Selon la dernière étude de Morneau Shepell, la santé mentale des Canadiens est jugée précaire pour un 6e mois consécutif. L’indice de santé mentale global des Canadiens chute de 10 points en septembre 2020, comparativement aux scores de référence antérieurs à la pandémie. Une telle diminution signifie que la santé mentale de la population, dans son ensemble, est aujourd'hui comparable aux 4% qui étaient les plus en détresse avant la pandémie.
De manière constante depuis le mois d’avril 2020, les parents obtiennent un indicateur de santé mentale beaucoup plus faible que les personnes sans enfant, et ce, qu’ils aient un seul enfant ou plusieurs.
La situation s’avère encore plus critique pour les jeunes, les femmes, les non blancs, ainsi que ceux qui vivent des incertitudes financières ou de l'isolement. Les données récentes démontrent que les défis de concentration au travail, la fermeture des services de garde et le sentiment d’isolement sont, entre autres, au cœur des enjeux de santé mentale des parents depuis le début de la pandémie.
Les travaux de Mélissa Généreux, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke, démontrent qu’il y a trois fois plus de cas de dépression au Québec depuis le début de la pandémie. Dans l'ensemble, 17% de la population québécois souffre actuellement de dépression majeure et 13,1% d'anxiété.
La situation est encore plus critique en ville, notamment à Montréal, où 25 % de la population souffre présentement d’anxiété ou de dépression. L’isolement et les impacts financiers dus à la pandémie en sont les principales causes, augmentant d’environ 50% le risque d’anxiété généralisée et de dépression. Le recours aux réseaux sociaux comme source régulière d’information sur le coronavirus influence également la santé mentale des Canadiens, parce qu’ils peuvent susciter de la confusion, de la méfiance et de la mésinformation.
Malgré cette augmentation drastique des enjeux de santé mentale, près du quart de la population est plus réfractaire à consulter en santé mentale qu’avant la pandémie. Ces nouvelles données sont également préoccupantes pour le bien-être et le développement des tout-petits puisque la santé mentale des parents a un impact direct sur le bien-être de ceux-ci. Par exemple, selon certaines études, le fait de vivre une dépression pour la mère peut influencer la qualité de ses interactions avec son enfant et peut amener l’enfant à développer des problèmes de comportement. De plus, la dépression chez la mère peut aussi augmenter les risques pour les tout-petits d’être victimes de violence physique mineure, selon une enquête de l’Institut de la statistique du Québec.
Comment soutenir les familles ?
Selon le dernier rapport de Morneau Shepell, le bilan de l’Institut national de santé publique du Québec, ainsi que les résultats de l’étude menée par l’équipe de Mélissa Généreux de l’Université de Sherbrooke, voici les éléments nécessaires pour que les organisations, tant publiques que privées, apportent un soutien adéquat aux familles et aux communautés :- Discuter ouvertement et sans stigma de santé mentale et reconnaître les enjeux liés à la pandémie.
- Sensibiliser tous les acteurs à la nécessité de veiller à sa propre santé mentale ainsi qu’à celle des autres.
- Réagir dès maintenant et être particulièrement à l’écoute afin de mieux cerner les besoins et de s’assurer que les efforts d’aide sont efficaces. Faire notamment preuve de souplesse et être sensible aux signes d’épuisement professionnel.
- Veiller à la cohérence des discours : la désinformation, la confusion et la méfiance sont intimement liées aux problèmes de santé mentale. En effet, il est essentiel de donner accès à de l’information de qualité afin de permettre à la population de comprendre, de donner sens et de connaître les ressources existantes pour les aider.
- Diffuser clairement l’information relative aux ressources disponibles. Par exemple : ressources publiques, programmes d’aide aux employés et ressources numériques, telles que les thérapies cognitivo-comportementales en ligne.
- Reconnaître que les réductions d’heures et de salaire augmentent énormément le stress mental et l’incertitude. Un effort conséquent doit être fait pour maintenir un sentiment d’appartenance et une valorisation au travail.
- Mettre sur pied une aide financière, par exemple en donnant accès à un fond d’urgence.
- Soutenir avec empathie tous ceux qui en manifestent le besoin, notamment les personnes endeuillées.
- Porter une attention particulière aux personnes plus vulnérables dont les non-blancs, les parents, les femmes, les jeunes et les personnes à faibles revenus ou isolées.
- Améliorer les services de première ligne et le soutien aux travailleurs essentiels.
- Encourager la vie communautaire et la participation citoyenne.
- Améliorer l’aide alimentaire et pour l’hébergement pour les groupes en situation de vulnérabilité.
Ressources d’aide immédiate pour les parents
LigneParentsService d’intervention accessible jour et nuit, gratuit, confidentiel et offert à tous les parents d’enfants âgés de 0 à 20 ans
1 800 361-5085
Info-Social
Pour joindre rapidement un professionnel en intervention psychosociale
Composez le 811
Priorité Parents
Service de soutien confidentiel, personnalisé et adapté aux besoins des parents :
fqocf.org/parents/priorite-parents
Naître et grandir
Source d’information pour les parents fiable et validée scientifiquement:
naitreetgrandir.com
Vivre avec le stress parental en temps de crise
Références :
Couillard, Kathleen, COVID-19 : prendre soin de la santé mentale des parents, Observatoire des tout-petits, 15 avril 2020.
Couillard, Kathleen, COVID-19 : lutter contre l’effritement du soutien social des familles, Observatoire des tout-petits, 27 avril 2020.
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), COVID-19 : La résilience et la cohésion sociale des communautés pour favoriser la santé mentale et le bien-être, juin 2020.
McDevitt, Neale, COVID-19 Q&A: Tina Montreuil on helping children cope with anxiety, McGill Reporter, 14 mai 2020.
Millette, Valérie, Enquête internationale sur les impacts psychosociaux de la pandémie à COVID-19, 17 juin 2020.
Morneau Shepell, Rapport de l’indice de santé mentale, septembre 2020.
Nouvelles FMSS, Enquête de l’Université de Sherbrooke sur les impacts psychosociaux de la pandémie, 29 septembre 2020.