COVID-19 : des répercussions sur la violence conjugale et la violence envers les enfants
La pandémie et les mesures sanitaires qui en découlent ont causé un stress supplémentaire pour les familles. Dans un article publié récemment, des chercheuses québécoises discutent des impacts de cette crise sur les cas de violence conjugale et de violence envers les enfants. Elles proposent également des pistes de prévention pour l’avenir.
Tout comme c’est le cas ailleurs dans le monde, la violence conjugale est en hausse au Québec depuis le début de la pandémie. Par exemple, la ligne SOS violence conjugale rapporte une augmentation de 15% du nombre d’appels reçus.
Étrangement, une baisse des signalements à la DPJ pour maltraitance envers les enfants est plutôt observée. Selon les chercheuses, cette diminution pourrait être attribuable aux fermetures d’écoles et d’organismes de soutien qui feraient en sorte que plusieurs cas passent sous le radar. Les intervenantes rencontrées dans l’étude mentionnent par ailleurs que les signalements se font quand même, mais plus tard. « On était souvent rendu un peu plus loin dans la gravité de la situation », déplorent-elles.
Les données ailleurs dans le monde semblent toutefois indiquer une hausse des cas où la violence envers les enfants est accompagnée de violence conjugale.
« Au Québec, une analyse montre qu’il y a effectivement eu une baisse significative des signalements aux services de protection situés à Montréal durant les premières semaines du confinement, à l’exception des cas d’exposition à la violence conjugale ou familiale, pour lesquels il y a eu une augmentation de 7% du nombre d’enfants signalés .»
Des explications multiples
Selon les chercheuses, le confinement a nui à la situation économique de certains ménages en entraînant des pertes d’emploi et des baisses de revenu. Cette précarisation sociale a ainsi généré un stress susceptible d’augmenter les risques de violence conjugale et de violence envers les enfants de même que la gravité des cas. Les intervenantes ont en effet remarqué que des familles vulnérables ont vu leur situation déjà précaire empirer. « Les gens n’en pouvaient plus », racontent-elles.
Les mesures de distanciation ont également diminué l’accès aux lieux de répit et aux ressources de soutien pour les victimes. Par ailleurs, les organismes d’aide en violence conjugale se sont retrouvés avec moins de ressources et de personnel à leur disposition, d’où une réduction des services. En fait, selon les intervenantes, seules la DPJ et la police étaient toujours disponibles au début de la pandémie. Dans ce contexte, il n’était pas possible pour les victimes d’échapper au climat de tension présent à la maison et de demander de l’aide. Cet isolement donnait également plus de contrôle à leur agresseur.
De plus, la pandémie a amplifié les défis liés à la parentalité, expliquent les chercheuses. Pendant le confinement, les parents devaient, tout en travaillant, s’occuper à temps plein de leurs enfants et pour certains, prendre en charge leur scolarisation. Ces conflits travail-famille ont contribué à augmenter le stress parental. C’est pourquoi certains parents pouvaient alors être moins disponibles émotionnellement pour leurs enfants et même adopter des pratiques parentales coercitives. Les enfants eux-mêmes pouvaient devenir irrités et désobéissants.
Comment prévenir?
Dans leur article, les chercheuses proposent différentes pistes de solution pour prévenir la hausse de la violence conjugale et de la violence envers les enfants en temps de crise.
D’abord, il est essentiel de renforcer le filet de sécurité sociale grâce à des programmes universels d’assistance financière et matérielle pour les familles. L’article insiste aussi sur l’importance d’accroître le financement des organismes communautaires spécialisés en violence conjugale qui peuvent offrir du soutien aux familles.
Par ailleurs, les chercheuses mentionnent la nécessité de soutenir les intervenantes sur le terrain. « [Elles] se sont retrouvées dans des situations plus graves de violence, tout en ayant moins de moyens pour intervenir », soulignent-elles. Par exemple, les tribunaux étaient fermés et il y avait moins de places disponibles dans les maisons d’hébergement. Elles ont dû faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions pour aider les familles.
« La pandémie a mis en évidence les difficultés de collaboration qu’on a avec les services de première ligne des différents CIUSSS. »
Enfin, il faut adapter l’organisation des services et éviter de travailler en vase clos. Les intervenantes ont d’ailleurs souligné la lenteur à réagir des institutions au début de la crise. Dans leurs recommandations pour l’avenir, les chercheuses suggèrent entre autres de développer des stratégies pour rejoindre les familles vulnérables et entrer en contact avec elles en toute confidentialité et en conservant les mesures sanitaires mises en place.
Source: Chantal Lavergne, Rosita Vargas Diaz, Geneviève Lessard et Myriam Dubé. La COVID-19 et ses impacts sur la violence conjugale et la violence envers les enfants : ce que nous disent la recherche et la pratique. Intervention 2020, Hors série, nº 1 : 27-35