Un nouveau projet-pilote pour aider les pères à mieux concilier famille, travail et études
Le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (RVP) amorce un grand chantier pour mieux comprendre quels sont les obstacles, les freins et les stratégies à mettre en place pour améliorer la conciliation famille-travail-études (CFTE) dans les milieux à prédominance masculine.
Le Secrétariat à la condition féminine (SCF) a octroyé en février dernier une subvention de plus de 120 000 $ au RVP afin de lancer le projet-pilote nommé « Accompagner des entreprises de certains secteurs à prédominance masculine dans l’acquisition de bonnes pratiques en matière de conciliation famille-travail- études ».
Les travaux sont menés par le RVP en collaboration avec un comité de pilotage dont fait partie, entre autres, la chercheuse Diane-Gabrielle Tremblay, spécialiste en gestion des ressources humaines, en économie et en sociologie du travail. Les ministères de la Famille et du Travail font aussi partie du comité de pilotage, de même que les milieux de travail qui participent au projet.
Un projet pilote en trois phases
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Collecte d’informations
Une recension de littérature sera faite afin de dresser un portrait de la situation actuelle quant à la CFTE dans les entreprises à prédominance masculine.
« On veut regarder tout ce qui s’est écrit dans le monde sur les pères et les hommes en matière de conciliation famille-travail et regarder plus précisément quels leviers sont présents dans les entreprises à prédominance masculine pour que les pères aient le goût de mieux concilier famille et travail », précise Raymond Villeneuve, directeur général du RVP.
Des rencontres avec des groupes de discussion seront organisées au sein de neuf entreprises issues de trois secteurs différents : la construction, les bureaux professionnels et le secteur des technologies de l’information. Le but? Comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour favoriser une meilleure conciliation des vies professionnelles et familiales des pères. Est-ce que certaines mesures de CFTE sont déjà en place en entreprise? Fonctionnent-elles? Pourquoi? Que pourrait-on améliorer? « On va choisir des entreprises variées en taille, en secteurs d’activité, et avec des niveaux de prise de conscience quant à la CFTE différents », spécifie M. Villeneuve.
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Expérimentation en milieux de travail
Des formations pour les gestionnaires et pour les employés seront élaborées puis offertes dans les milieux à prédominance masculine. « Je pense qu'il est important que la coanimation soit mixte, note M. Villeneuve. Cela pourrait faire émerger des choses différentes et c’est ce qu’on veut: un regard neuf sur les mesures de conciliation famille-travail-études ».
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Production d’outils et d’un rapport
Un outil sur les freins à la CFTE et sur la transformation de la culture organisationnelle sera élaboré pour les entreprises à prédominance masculine.
Le projet permettra de rassembler en un seul outil les principales connaissances recueillies au cours du projet sur la CFTE dans les milieux à prédominance masculine. Des outils sectoriels seront aussi produits pour les trois secteurs d’entreprises qui auront participé au projet, afin de leur transmettre les apprentissages réalisés.
Finalement, un rapport contenant toutes les informations recueillies durant le projet-pilote sera produit. Des recommandations y seront énoncées afin de paver la voie à un déploiement plus large de mesures de soutien à la CFTE dans les secteurs de travail à prédominance masculine. « On va croiser tous nos apprentissages, en tirer des constats et formuler des pistes de solution novatrices », ajoute M. Villeneuve.
Aider et soutenir la coparentalité
La ministre responsable de la condition féminine, Isabelle Charest, a souligné, lors de l’annonce de la subvention, à quel point ce projet-pilote allait soutenir la coparentalité : « L’implication du père dans la dynamique familiale joue un rôle important en ce qui concerne la santé globale des enfants et leur développement », a-t-elle rappelé par voie de communiqué.
Pour Bryan St-Louis, porte-parole du Secrétariat à la condition féminine, ces travaux tombent à point. « La pandémie a exacerbé certaines inégalités entre femmes et hommes, explique-t-il. Pour certains ménages, et particulièrement pour les femmes, la CFTE pose plusieurs défis en période de crise sanitaire ». Pendant le confinement du printemps 2020, au Canada, le temps consacré par semaine aux soins aux enfants a en effet augmenté de 27 heures pour les mères, pour atteindre un total de 95 heures, comparativement à une augmentation de 13 heures pour les pères, pour atteindre un total de 46 heures [1]. « Pour arriver à un partage équitable des tâches et des responsabilités familiales [au sein des couples hétérosexuels], il est important que les hommes aient accès à des mesures de CFTÉ et qu’ils se sentent à l’aise de les utiliser. Cela profitera à toute la famille », rappelle M. St-Louis.
Selon Raymond Villeneuve, les hommes et les pères sont encore insuffisamment inclus dans les mesures de CFTE en milieu de travail. « Ce n’est pas encore inscrit dans la culture organisationnelle, mentionne-t-il. Dans certaines entreprises, on peut entendre encore aujourd'hui des phrases comme "C’est à ta femme de s’en occuper", lorsqu’il est question de tâches ou de soins liés aux enfants. De plus, certains hommes ne connaissent pas les mesures existantes en CFTE ou n’osent pas les utiliser. »
Promouvoir l’égalité hommes-femmes
Plus on met de l’avant des mesures de CFTE qui s’adressent aux hommes et aux pères, plus les femmes en bénéficieront, « autant celles qui travaillent dans l'entreprise que les conjointes de ces hommes », souligne Raymond Villeneuve.
L’implantation d’un tel projet-pilote témoigne, selon lui, de l’évolution de la parentalité au Québec et des rôles entre hommes et femmes.
« Il faut être cohérent. Si on veut l’égalité entre hommes et femmes, il faut que les pères s’impliquent et il faut que les services et les politiques publiques s’adressent à eux et les incluent. Sinon, on fait le contraire de ce qu’on veut faire! » - Raymond Villeneuve, directeur général du RVP
Le virage sociétal pour inciter les hommes à se mobiliser pour l’atteinte de l’égalité est amorcé, croit M. St-Louis. « Cela s’inscrit dans la mouvance entreprise notamment par ONU Femmes dans le cadre de la compagne HeForShe (NDLR : pourrait se traduire par "Lui pour Elle"). Cette campagne appelle les hommes et les garçons à prendre la parole et à lutter contre les inégalités qui touchent les femmes et les jeunes filles. Les hommes ont un rôle à jouer en s’exprimant en faveur de l’égalité entre les sexes, en contribuant à briser les stéréotypes sexuels ainsi qu’en travaillant à modifier les mentalités et les comportements ».
À noter que ce n’est pas la première fois que le SCF soutient financièrement le RVP depuis sa fondation en 2011. « Cela fait dix ans que le Secrétariat finance différents de nos projets », indique Raymond Villeneuve.
[1] Johnston et autres., Evidence of Exacerbated Gender Inequality in Child Care Obligations in Canada and Australia During the COVID-19 Pandemic, août 2020.