RQAP : vers un meilleur partage du congé parental
Bien que la popularité du congé de paternité n’est plus à démontrer, les pères sont encore peu nombreux à utiliser les semaines partageables du congé parental. De nouvelles dispositions de la loi ont toutefois modifié positivement les habitudes des parents au Québec, selon des données du Conseil de gestion de l’assurance parentale.
Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) a vu le jour en 2006. Depuis ses débuts, le taux de participation des pères est en augmentation constante, passant de 56 % en 2006 à 72 % en 2019. « Nous avons connu une baisse lors de la COVID, admet Marie Gendron, PDG du Conseil de gestion de l’assurance parentale. Cependant, la courbe a maintenant repris sa montée. »
Le recours au RQAP par les pères est une bonne nouvelle puisque cela signifie qu’ils passent plus de temps à prendre soin de leur enfant seul.
Cela leur permet de créer des liens, ce qui favorise par la suite la longévité et la qualité de leur implication auprès de leur enfant » Marie Gendron, PDG du Conseil de gestion de l’assurance parentale
De plus, le congé de paternité exclusif aide les pères à développer leurs capacités parentales. Ainsi, selon un sondage réalisé auprès des prestataires du RQAP en 2021, 94 % des pères disent avoir confiance en leur capacité à procurer les soins de base à leur enfant et 93 % se considèrent familiers avec tout ce qui doit être fait à la maison pour s’occuper de leur enfant.
Encourager le partage
« Nous nous sommes toutefois rendu compte que les pères n’utilisaient pas les semaines partageables du congé parental », observe Marie Gendron. D’ailleurs, près de 4 pères québécois sur 10 croient que la majorité des semaines de prestations parentales partageables doit revenir à la mère. Ils sont aussi nombreux à penser que la décision de partager ou non les prestations parentales devrait être celle de la mère.
Ce sont des croyances qui perdurent et c’est là-dessus que nous voulons travailler, insiste Marie Gendron. En effet, la valorisation du père et son implication auprès de l’enfant passent par un meilleur partage du congé parental. »
De nouvelles mesures ont donc été instaurées en 2020. Par exemple, quatre semaines additionnelles de prestations partageables ont été ajoutées pour les familles où les deux parents utilisent chacun un minimum de 8 semaines de prestations parentales. « Cela signifie que le père a pris non seulement ses 5 semaines exclusives, mais aussi 8 semaines du congé parental pour un total de 13 semaines, » explique Marie Gendron.
Une exemption a également été mise en place pour permettre de cumuler un revenu de travail plus élevé en plus des prestations. « Les employeurs peuvent ainsi utiliser à temps partiel des employés qui reçoivent des prestations ou les travailleurs autonomes peuvent avoir un meilleur équilibre travail-famille », souligne Marie Gendron. Enfin, la période pendant laquelle les prestations peuvent être prises a été prolongée de 52 à 78 semaines.
Des incitatifs efficaces
Les données compilées par le Conseil de gestion de l’assurance parentale démontrent que ces mesures fonctionnent. Par exemple, en 2022, 19 % des familles pouvaient se prévaloir des 4 semaines de bonus parce que les deux parents utilisaient chacun un minimum de 8 semaines de prestations parentales. En 2020, cela aurait été le cas de seulement 8 % des familles.
« Il y a ainsi de plus en plus de parents qui partagent les semaines du congé parental », se réjouit Marie Gendron. Le nombre moyen de semaines prises par les pères est d’ailleurs passé de 9 à 10 avec la mise en place des nouvelles mesures.
Enfin, la proportion de parents ayant conservé leurs pleines prestations malgré le fait qu’ils recevaient aussi des revenus de travail est passée de 19 % en 2019 à 42 % en 2021. Cela favorise ainsi la sécurité financière des familles, souligne Marie Gendron.
Des bénéfices aussi pour les femmes
Selon Marie Gendron, favoriser l’implication du père grâce aux congés parentaux a également des avantages pour la mère.
Les mères peuvent rester sur le marché du travail si le père s’occupe aussi de l’enfant. » Marie Gendron
D’ailleurs, des données de Statistique Canada montrent qu’à partir de la mise en place de semaines exclusives pour les pères par le RQAP, l’augmentation de l’activité professionnelle des mères s’est accélérée. Une étude réalisée en 2020 a également démontré que les incidences négatives à long terme sur les salaires des mères à la suite d’un premier enfant sont nettement inférieures au Québec que dans le reste du Canada.
De plus, selon un sondage de 2022, environ 75 % des employeurs approuvent les nouvelles mesures instaurées en 2020.
Le RQAP est un rempart qui nous aide à franchir les différentes crises économiques. Le marché de l’emploi est très dynamique au Québec en raison de la présence des femmes et c’est grâce aux pères québécois. » Marie Gendron
Avec la mise en place du RQAP, le taux de participation des pères québécois aux congés parentaux est passé de 28 % en 2005 à 56 % dès 2006 et a atteint 70 % en 2020. Pendant ce temps, dans le reste du Canada, ce taux est demeuré entre 9 et 12 % jusqu’en 2017. « Le régime d’assurance emploi canadien introduit ensuite n’a pas fait fluctuer cette courbe de façon importante, commente Marie Gendron. En 2020, ce taux était seulement de 20 %. L’écart persiste donc entre la réalité québécoise et la réalité canadienne. »
En matière d’aide à la famille et de responsabilités parentales, le Québec se classe même en 4e position dans un échantillon d’une cinquantaine de pays développés, selon une étude de l’UNICEF. « Le Québec est un leader en politique familiale, remarque Marie Gendron. L’accessibilité aux services de garde est un gros vecteur, mais nous sommes aussi parmi les plus généreux à travers le monde pour les congés parentaux. »
Par Kathleen Couillard
Titulaire d’une maîtrise en microbiologie, Kathleen Couillard œuvre comme journaliste scientifique depuis plus de 10 ans. Elle a également occupé le poste de conseillère au transfert des connaissances à l’Observatoire des tout-petits pendant deux ans et demi. Elle collabore maintenant avec différents médias dont l’Agence Science-Presse, Naître et grandir, L’Actualité et Protégez-Vous. Elle s’intéresse plus particulièrement à tout ce qui touche la santé, la famille et le développement des enfants.