La conciliation famille-travail chez les pères : où en sommes-nous?
La conciliation famille-travail est un enjeu tout aussi important pour les pères que pour les mères, selon deux sondages présentés dans le cadre de l’édition 2022 de la Su-Père Conférence, organisée par le Regroupement pour la valorisation de la paternité. Il s’agit d’un enjeu organisationnel et sociétal majeur, insistent les experts appelés à commenter les résultats.
Le premier sondage a été réalisé auprès de 1 042 pères en emploi et le deuxième, auprès de 1 000 employeurs. « Ces données nous aident vraiment à tracer le chemin pour déterminer ce qu’il y a à faire, souligne Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la Valorisation de la Paternité. Ces résultats nous montrent quels sont les défis, quels sont les obstacles et quels sont les leviers dont nous disposons. »
L’importance de la flexibilité
La plupart des organisations (85 %) affirment offrir des mesures de conciliation famille-travail.
« Selon les organisations, la mesure de conciliation qui satisfait le mieux les besoins des hommes est de loin la flexibilité des horaires de travail. » Diane-Gabrielle Tremblay, professeure titulaire en gestion des ressources humaines à l’Université TÉLUQ
« C’est d’ailleurs ce qu’on observe dans les recherches depuis quelques années. La flexibilité est la mesure la plus souhaitée par les parents et du coup la plus efficace. », ajoute Diane-Gabrielle Tremblay. Le sondage réalisé auprès des pères confirme également cette observation.
Les résultats révèlent toutefois que les mesures qui entraînent une diminution des revenus comme la diminution du nombre d’heures travaillées avec réduction de salaire ou les congés non payés pour responsabilités familiales sont utilisées par moins de 50 % des pères interrogés. Selon 42 % d’entre eux, le fait que certaines mesures causent une diminution de leur revenu serait en effet un frein à leur utilisation, un phénomène aussi observé par les employeurs.
Des barrières à l’utilisation des mesures
Les employeurs croient pour leur part que la peur que les employés abusent, le manque de temps et de ressources de même que la crainte d’une baisse de productivité peuvent aussi être des obstacles à la mise en place de mesures de conciliation.
Les réticences de certains employeurs n’étonnent pas Diane-Gabrielle Tremblay. « Dans une recherche menée il y a quelques années, plusieurs pères m’avaient indiqué que leur employeur était d’accord pour la prise du congé de paternité de 3 ou 5 semaines, mais un peu moins pour la prise du congé parental. Surtout, ils nous disaient que l’employeur souhaitait parfois réduire la durée du congé ou influencer le moment de la prise du congé », raconte la chercheuse. Les résultats du sondage auprès des pères confirment que cette situation est toujours présente.
Des pistes pour favoriser la conciliation
Selon la moitié des pères interrogés, de meilleures compensations financières pour les congés ou pour la réduction des heures travaillées les inciteraient à utiliser davantage les mesures de conciliation. D’ailleurs, 87 % d’entre eux utiliseraient des congés payés pour responsabilité familiale s’ils étaient offerts et 80 % auraient recours une diminution des heures travaillées sans réduction de salaire.
« Par ailleurs, selon les organisations, les principaux leviers qui favorisent la conciliation famille-travail pour les hommes sont l’éducation et la formation, ce qui permettrait d’améliorer la compréhension et l’acceptation des mesures de conciliation par les supérieurs et les employés », ajoute Diane-Gabrielle Tremblay. « Même s’il y a des mesures formelles, si la culture n’est pas là, ça ne fonctionnera pas. La culture organisationnelle est donc vraiment une clé », reconnaît Raymond Villeneuve.
L’enquête a d’ailleurs fait ressortir le rôle déterminant du supérieur pour tout ce qui concerne la conciliation. « Si les employeurs sont sensibilisés, ils seront plus ouverts. D’ailleurs, le fait qu’ils soient eux-mêmes parents est aussi un élément qui amène les supérieurs à être plus compréhensifs », explique Diane-Gabrielle Tremblay.
« Les gestionnaires ne sont pas toujours conscients de l’influence qu’ils ont sur la conciliation famille-travail. Leur attitude a un impact très important sur leur équipe. » Corinne Vachon-Croteau, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille
« Comment reçoivent-ils les demandes de conciliation? Donnent-ils l’exemple? Disent-ils qu’ils utilisent eux-mêmes des mesures de conciliation famille-travail? Si oui, il y a plus de chances que leurs employés soient à l’aise de faire une demande », ajoute-t-elle.
« De plus, selon les organisations, il faut faire la promotion de modèles masculins positifs qui réussissent à la fois leur carrière et leur conciliation famille-travail », remarque Diane-Gabrielle Tremblay. Cela passe notamment par un changement dans les mécanismes de promotion et d’avancement de carrière pour que la participation à des mesures de conciliation ne soit pas considérée comme un obstacle à l’avancement professionnel des hommes. En effet, les pères craignent souvent que l’utilisation de mesures puisse nuire à leur carrière.
Un avantage concurrentiel pour les employeurs
Selon 88 % des pères interrogés dans le cadre du sondage, la mise en place de mesures de conciliation famille-travail a un effet positif sur leur satisfaction en tant qu’employé. Plus de 3 pères sur 5 seraient en effet prêts à changer d’emploi pour obtenir de meilleures mesures de conciliation famille-travail.
- une satisfaction et une motivation accrue
- une amélioration du climat de travail
Les employeurs reconnaissent donc que les mesures de conciliation sont une attente incontournable des employés et que ces mesures favorisent la rétention du personnel. « Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, les mesures de conciliation sont un avantage concurrentiel important dont peuvent profiter les organisations, remarque Diane-Gabrielle Tremblay. En l’absence de mesures, on risque de perdre ces employés. C’est un risque non négligeable. »
Pour aller plus loin
Sondage sur la conciliation famille-travail auprès des pères en emploi