L’engagement paternel : quels impacts sur le développement des tout-petits ?
La recherche documente depuis longtemps l’influence des mères sur le développement de leur enfant. Les pères ont toutefois longtemps été absents dans les travaux de recherche. Heureusement, de plus en plus d’études leur sont consacrées et démontrent leur importance.
En effet, les premières études évaluant les répercussions des pratiques parentales sur le développement des tout-petits réalisées avant les années 1970 se concentrent essentiellement sur la relation mère-enfant. Par exemple, des études sur le langage excluent les pères, car on ne les considère pas alors comme les principaux donneurs de soins. À cette époque, l’implication du père pendant la grossesse, l'accouchement et l’allaitement est aussi négligée par les scientifiques et par les professionnels de la santé.
C’est dans les années 1970 et 1980 qu’on observe un véritable regain d’intérêt pour les pères et leur rôle dans le développement des enfants. Selon les experts, dans les années 1990, de plus en plus d’études les concernant voient le jour. Maintenant, les pères sont donc plus présents dans la recherche, même s’ils demeurent moins bien représentés que les mères.
Donneur de soin, compagnon de jeu, modèle
La science montre bien qu'en assurant une présence chaleureuse et positive auprès de leur enfant, et des interactions à la fois différentes et complémentaires à celles de la mère, les pères peuvent exercer une influence importante sur le développement de leur enfant. Selon des chercheurs américains, les pères peuvent avoir un rôle direct, c’est-à-dire en interagissant avec l’enfant, mais aussi indirect en étant responsables de lui et disponibles pour en prendre soin.
L'engagement du père comprend l’ensemble des gestes directs ou indirects qu’il pose pour répondre aux besoins de son enfant. Un père peut sembler engagé parce qu'il joue avec son enfant, et cela est certainement un rôle important que les pères adoptent, notamment sous la forme des jeux physiques. Néanmoins, d’autres dimensions de l’engagement paternel sont tout aussi importantes :
- prendre soin de l’enfant;
- voir à son bien-être et à sa santé;
- lui manifester de l’affection et l’écouter;
- le consoler lorsqu’il a de la peine;
- le protéger contre les dangers;
- établir des limites;
- orchestrer son quotidien;
- lui offrir des stimulations sur tous les plans de son développement;
- lui parler dès sa naissance;
- lui transmettre des savoirs et des valeurs;
- collaborer avec les autres personnes qui s’occupent de lui.
L’engagement du père serait ainsi associé à l’acquisition de compétences clés pendant la petite enfance, ce qui aurait des répercussions sur la préparation à l’école. Selon une étude publiée en 2021, dans certains contextes, sa présence pourrait même diminuer les effets négatifs de l’exposition à des expériences défavorables en bas âge. Trois domaines du développement ont été particulièrement bien documentés : les habiletés cognitives, langagières et socioémotionnelles.
Les habiletés cognitives
Selon une revue systématique des études réalisées sur le sujet, il existe une association directe et positive entre l'engagement du père et le développement des habiletés cognitives des enfants. Par exemple, des chercheurs du Massachusetts ont suivi des tout-petits pendant 6 ans et ont confirmé l’importance des pratiques paternelles positives pour le développement des habiletés scolaires de base des enfants, en particulier dans les familles à faible revenu. L’engagement paternel positif pendant la période préscolaire est en effet associé à de meilleurs résultats en lecture et en mathématiques plus tard.
Selon les scientifiques, les pères engagés qui ont des pratiques parentales positives offrent à leurs enfants des expériences enrichissantes qui soutiennent leur développement. Ces enfants seraient alors plus susceptibles d’explorer, d’apprendre à réguler leurs émotions et de développer leurs habiletés cognitives. Par ailleurs, la chaleur émotionnelle du père et sa capacité à répondre rapidement aux besoins de son enfant seraient plus importantes que les activités stimulantes.
Les habiletés de langage
Des études ont fait un lien entre certaines caractéristiques du père et le développement du langage. Par exemple, une étude réalisée en 2007 montre que les pères avec une éducation postsecondaire avaient des enfants qui obtenaient de meilleurs résultats entre autres dans les tests évaluant le langage. Selon des chercheurs de la Caroline du Nord, le langage du père dans les trois premières années de vie de l’enfant permettrait de prédire l’étendue de son vocabulaire à la maternelle. De plus, une étude réalisée en 2020 montre que les activités père-enfant constituent l’un des prédicteurs du développement du langage.
Selon les experts, les pères auraient tendance à encourager leur enfant à participer à des conversations plus complexes. Par exemple, ils poseraient davantage de questions ouvertes et demanderaient plus de clarification. Ce style particulier de conversation aurait des répercussions uniques sur le développement du langage chez les tout-petits.
Les habiletés socioémotionnelles
Une étude britannique révèle que l’engagement du père lorsque l’enfant a 9 mois est associé à un meilleur comportement socioémotionnel à 3 ans. Étant donné que le développement à 3 ans prédit bien celui observé à 5 et 7 ans, les chercheurs croient que même un effet léger en bas âge pourrait placer l’enfant sur une trajectoire positive de développement émotionnel et social. Cela confirme les résultats d’autres études qui montrent que les jeux sensibles et interactifs avec le père pendant la petite enfance sont associés à la sécurité émotionnelle à 10 ans. De plus, selon une méta-analyse, la quantité d’activités positives influence la capacité d’autorégulation et diminue les problèmes d’anxiété et de dépression.
Selon les chercheurs, les interactions père-enfant seraient une occasion de perfectionner les habiletés sociales et de recevoir un soutien émotionnel supplémentaire. La sensibilité paternelle à 13 mois serait d’ailleurs associée à un attachement sécurisant à 3 ans.
Des effets dès la période prénatale?
Les chercheurs d'une petite étude américaine ont observé que l’engagement du père pendant la grossesse avait un effet positif sur les comportements de la mère. Si le père était présent, les femmes enceintes étaient en effet plus susceptibles de recevoir des soins prénataux dès le premier trimestre. De plus, pour celles qui fumaient, elles réduisaient davantage leur consommation de tabac.
Selon les scientifiques, la perception de soutien paternel par la mère atténuerait sa détresse émotionnelle. Au contraire, si le père est peu présent, la grossesse peut sembler moins désirable pour la mère, ce qui diminue les chances qu’elle modifie certains de ces comportements, comme faire attention à son alimentation ou abandonner le tabagisme.
Du côté de l’allaitement, des chercheurs de l’Indiana concluent que le facteur le plus important dans le choix d’une méthode d’alimentation serait l’attitude du père, telle que perçue par la mère. Leur étude révèle que les mères qui ont reçu le soutien du père pour l’allaitement après la naissance sont plus nombreuses à allaiter à la sortie de l’hôpital et à allaiter exclusivement à 6 mois. Le soutien du père diminuerait entre autres l’impact des facteurs de stress liés à l’allaitement.
Sources
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