La santé mentale d’un tout-petit commencerait à se construire dès la grossesse
La grossesse et les premières années de vie sont des étapes cruciales pour la santé et le développement de l’enfant. Non seulement le cerveau humain croît à un rythme accéléré jusqu’à l’âge de deux ans, mais cette période aurait une influence importante sur l’apparition de troubles psychologiques plus tard dans la vie. La santé mentale d’un individu serait donc en partie déterminée avant même la naissance.
La grossesse, une période de grande vulnérabilité
Une récente étude du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine met en lumière cette grande sensibilité du fœtus. Selon cette étude, différents facteurs auxquels est exposé le bébé modifieraient son cortex cérébral de façon définitive. Ces changements seraient présents chez les adultes souffrant de troubles de santé mentale, comme la schizophrénie ou le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), mais aussi auprès des enfants touchés par des problèmes psychologiques.
Pour en arriver à cette conclusion, le professeur Tomas Paus et le doctorant Yash Patel, en collaboration avec le Consortium ENIGMA et des dizaines de scientifiques dans le monde, ont d’abord observé par imagerie le cortex cérébral de 27 359 hommes et femmes. Ils ont identifié des différences majeures entre le cerveau d’individus sains et celui de personnes atteintes de troubles psychiatriques.
Sachant que le cortex se développe à très grande vitesse pendant la grossesse, mais n’évolue presque plus après l’âge de deux ans, les observations réalisées sur des adultes permettent de faire un saut dans le passé, et d’en savoir plus sur la transformation du cerveau pendant cette période charnière.
Chez les adultes sans problème spécifique, l’épaisseur et la taille du cortex (la partie externe du cerveau) étaient similaires. Par contre, des altérations claires étaient présentes chez les individus aux prises avec une maladie mentale. De plus, chaque trouble psychiatrique comportait des particularités distinctes.
Par la suite, ils ont pu établir un lien entre ces altérations précoces du cortex et l’expression de gènes associés aux facteurs de risque périnataux, comme la prématurité, le faible poids à la naissance, l’hypertension maternelle et la prématurité.
Chez les adultes souffrant de TDAH ou de schizophrénie, c’est le cortex associatif qui présente des modifications. Cette région du cerveau est responsable des opérations complexes du traitement de l’information, comme la prise de décisions et la planification.
Des conséquences à long terme à ne pas négliger
Même si les facteurs neurobiologiques et externes qui jouent sur le développement du cortex cérébral restent à identifier dans de futures recherches, on sait que la grossesse et les premières années après la naissance affecteront l’enfant et sa vie adulte. Plusieurs éléments stressants accumulés peuvent avoir des conséquences physiologiques, comportementales et cognitives à ne pas négliger.[1]
Les interventions préventives avant et entourant la naissance permettent une meilleure gestion des risques périnataux déjà connus et entraînent des retombées positives sur le développement physique, cognitif, social et émotionnel de l’enfant. Parmi les risques périnataux, on retrouve entre autres :
- Le stress maternel
- Des conditions de vie difficiles pour les parents
- L’âge de la mère (âge jeune ou avancé)
- Les problèmes de santé et habitudes de vie de la mère
- Les mères ayant subi de la violence pendant la période périnatale
- L’exposition prénatale à l’alcool
- La naissance prématurée (naissance avant 37 semaines de grossesse)
- Les naissances multiples
- Le faible poids à la naissance
Gérer les risques prénataux par une prise en charge globale dès la conception
Certaines interventions préventives peuvent faire baisser les risques. Dans le Portrait 2021 de l’Observatoire des tout-petits, plusieurs pistes de solution sont proposées. Par exemple, on remarque que les rencontres prénatales contribuent à réduire grandement le stress chez les parents. Leur accessibilité est donc particulièrement importante pour toutes les familles québécoises.
Même si la plupart des données sont encourageantes, certains faits demeurent inquiétants. Le taux de prématurité est plus élevé qu’en 1980. La violence, qui exacerbe le stress maternel et nuit à l’attachement mère-enfant, concerne malheureusement plus d’une maman québécoise sur dix.[2]
En ayant un contact avec la famille dès la conception, en offrant un suivi personnalisé et en améliorant les conditions de vie des femmes enceintes issues de milieux défavorisés, on peut avoir un impact majeur sur l’avenir de chaque enfant.
La maladie mentale, impossible à prédire
À ce jour, l’étude de Patel et Yash ne permet pas de prédire l’apparition d’une maladie mentale avec certitude, et encore moins d’identifier quel trouble psychiatrique pourrait se manifester. En revanche, on sait désormais que le passage dans l’utérus est une période charnière qui façonne le cortex cérébral, et qu’un développement inhabituel du cerveau pourrait mener à des problèmes de santé mentale.
Pour aller plus loin
Lire les conclusions de l’étude Virtual Ontogeny of Cortical Growth Preceding Mental Illness dans Biological Psychiatry (en anglais)
Consulter les articles parus au sujet de l'étude dans La Presse et sur le site de l'Université de Montréal
Parcourir notre Portrait 2021 - Comment se portent les tout-petits au Québec ?
Par Geneviève Gignac
[1] Portrait 2021, Observatoire des tout-petits, page 28.
[2] En 2018, 10,9% des mères biologiques d’enfants de 6 mois à 5 ans auraient été victimes de violence conjugale entre la grossesse et la première année de vie de leur bébé (Portrait 2021, Observatoire des tout-petits, page 24).
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