Observatoire des tout-petits

Chroniques
3 novembre 2022

Pourquoi agir tôt? Le cas du développement socioaffectif

	Pourquoi agir tôt? Le cas du développement socioaffectif
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Photo de Kathleen Couillard
Kathleen Couillard
Journaliste scientifique

En mai dernier, le ministre Lionel Carmant annonçait le déploiement de l’outil ABCdaire 18 mois+ dans le cadre du programme Agir tôt. Le but : détecter des indices de difficultés du développement pour intervenir rapidement auprès des tout-petits. Pourquoi évaluer les habiletés des enfants à un si jeune âge? Une synthèse publiée par l’Institut national de santé publique du Québec en juillet fournit quelques pistes de réponse.

À la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, du ministère de la Famille et du ministère de l’Éducation, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) s’est intéressé au développement socioaffectif des enfants de 0 à 5 ans. L’équipe de l’INSPQ a ainsi étudié neuf méta-analyses et revues systématiques publiées dans les 20 dernières années dans ce domaine.

La conclusion: il est important de comprendre les dimensions socioaffectives dans une perspective développementale. Autrement dit, la recherche démontre que les habiletés émotionnelles et sociales que l’enfant doit maîtriser vers la fin de la petite enfance dépendent directement d’habiletés de base développées plus tôt. Le document regorge d’ailleurs d’exemples à ce sujet. En voici quelques-uns.

Comprendre et gérer ses émotions

Selon les études analysées par l’INSPQ, l’enfant apprend d’abord à reconnaître ses propres émotions et celles des autres de même qu’à les nommer. Il est ensuite en mesure de comprendre ce qui cause les émotions et, éventuellement, de les prédire. Il pourra finalement anticiper leurs conséquences et même associer certaines d’entre elles à un contexte social précis.

Cependant, bien qu’un bébé peut sucer son pouce pour calmer lui-même sa faim dès 3 mois, l’enfant a d’abord besoin de soutien pour apprendre à réguler ses émotions. Tranquillement, entre 0 et 2 ans, il apprend donc à faire ses nuits, à pleurer en réponse aux émotions négatives et aux sensations désagréables et à développer la capacité d’attendre quand il a faim. Vers 18 mois, il intègre les premières normes sociales. À ce stade, il pourra répondre aux demandes de ses parents et contrôler ses comportements. Enfin, vers 3 ans, il sait adapter lui-même son comportement aux situations sociales.

Interagir avec les autres

Pour entrer en relation avec les gens, un enfant doit pouvoir comprendre le point de vue des autres. Un signe que cette étape est atteinte apparaît vers l’âge d’un an lorsqu’il cherche à attirer l’attention d’une autre personne vers une chose qui l’intéresse. Par ailleurs, autour de 2 ans, le développement du langage et des fonctions cognitives lui permet de sélectionner, d’ignorer et de traiter les informations. Grâce à ces apprentissages, il réalise vers 4 ou 5 ans que les autres peuvent avoir des certitudes qui ne correspondent pas à la réalité et il peut expliquer leur comportement en leur attribuant des motivations.

La dimension sociale comprend également la capacité à entrer en relation avec les gens. Pour y parvenir, le bébé passe d’abord par l’étape du sourire social, des vocalisations et de l’imitation. Il développe ensuite des comportements prosociaux, c’est-à-dire des actions ou des attitudes positives et volontaires envers les autres. Ces comportements qu’on peut observer vers 4 ou 5 ans dépendent toutefois directement des habiletés de base acquises auparavant. Par la suite, ces habiletés et ces comportements prosociaux lui permettent de maintenir des relations positives et de qualité avec les autres.

Schéma tiré de l’outil de transfert de connaissances sur le développement socioaffectif des tout-petits, développé par l’INSPQ (page 5)

Agir tôt

Ces exemples montrent bien que les habiletés nécessaires à l’entrée à la maternelle dépendent de l’atteinte d’autres jalons développementaux qui doivent être acquis au préalable. C’est pourquoi les auteurs de cette synthèse soulignent qu’il faut « soutenir le développement des compétences socioaffectives chez les enfants, et ce, le plus tôt possible ».

Au Québec, le Collectif petite enfance explique d’ailleurs sur le site web agirtot.org qu’agir en petite enfance, c’est agir dès la grossesse et jusqu’à 5 ans. C’est ce qui permettra à l’enfant d’avoir tout ce dont il a besoin pour bien grandir et ainsi devenir un adulte en santé et épanoui. Le programme du MSSS vise d’ailleurs à identifier le plus rapidement possible les indices de difficulté dans le développement, mais aussi à faire des recommandations aux familles et à les orienter vers les services dont elles ont besoin.

Ce concept est de plus en plus accepté partout à travers le monde. Déjà en 2007, l’UNESCO écrivait dans son Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous que « les expériences des jeunes enfants durant les premières années de vie — bien avant qu’ils ne commencent l’école — constituent la base des apprentissages ultérieurs ».

En 2015, l’organisme a aussi publié une nouvelle vision de l’éducation pour les 15 prochaines années où il rappelle que :

« C’est lorsqu’on s’engage auprès des enfants dès leur plus jeune âge, notamment ceux qui sont issus de groupes marginalisés, que l’on obtient les meilleurs résultats à long terme pour ce qui est du développement et du niveau d’instruction. »
Photo de Kathleen Couillard

Par Kathleen Couillard

Titulaire d’une maîtrise en microbiologie, Kathleen Couillard œuvre comme journaliste scientifique depuis plus de 10 ans. Elle a également occupé le poste de conseillère au transfert des connaissances à l’Observatoire des tout-petits pendant deux ans et demi. Elle collabore maintenant avec différents médias dont l’Agence Science-Presse, Naître et grandir, L’Actualité et Protégez-Vous. Elle s’intéresse plus particulièrement à tout ce qui touche la santé, la famille et le développement des enfants.

Pour aller plus loin

Consulter la synthèse complète de l’INSPQ : Développement socioaffectif de l’enfant entre 0 et 5 ans et facteurs associés

Découvrir les grands constats d’une autre synthèse de l’INSPQ qui documente les caractéristiques et l’efficacité d’interventions de prévention et de promotion sur le développement socioaffectif des tout-petits

Lire notre Portrait 2021 qui fait le point sur la santé, le développement et le bien-être des tout-petits au Québec

Lire le chapitre de notre Portrait des politiques publiques portant sur le dépistage des difficultés de développement