Les bibliothèques publiques, au cœur de l’inclusion sociale et de l’adaptation des familles immigrantes
Le processus d’immigration pose un défi considérable pour de nombreuses familles avec de jeunes enfants. Un parcours migratoire chaotique, des conditions de vie précaires, le manque d’informations et la barrière de la langue qui y sont liés représentent d’importants facteurs d’instabilité chez les tout-petits et leur famille.
Ce constat est préoccupant. Il l’est d’autant plus ces dernières années compte tenu du nombre croissant d’enfants âgés de 0 à 5 ans issus de l’immigration1, alors qu’une grande proportion d'entre eux portent le statut de demandeur d’asile2.
Moins nombreux à fréquenter les services de garde éducatifs à l’enfance3, les enfants dont la langue maternelle n’est pas le français sont par ailleurs encore plus vulnérables sur le plan du développement cognitif et langagier, des habiletés de communication et des connaissances générales4 ainsi que des apprentissages préscolaires5.
Si les bibliothèques publiques peuvent faciliter l’apprentissage de nouveaux repères culturels pour les familles immigrantes, elles permettent également d’offrir des livres et des services dans la langue d’origine de ces tout-petits. Cela représente un élément de continuité et de stabilité important avec leur langue maternelle6.
L'exemple de la bibliothèque interculturelle de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce
La Bibliothèque interculturelle, située dans le quartier Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, offre une panoplie de services et d’activités favorisant l’accueil, l’intégration et l’inclusion sociale des familles immigrantes.
En plus d’offrir des collections de livres dans de nombreuses langues étrangères (ex. : arabe, vietnamien, ourdou, tamoul, tagalog), des séances d’information sur le système scolaire destinées aux parents ou des ateliers d’éveil à la lecture sont offerts. Certains de ces services sont également offerts dans les milieux de vie des enfants, tels que les milieux de garde éducatifs, les écoles, les organismes communautaires et les fêtes de quartier.
Programme Bibliothèque, terre d’accueil
C’est en ayant l’objectif de répondre aux besoins spécifiques des familles nouvellement arrivées que le programme Bibliothèque, Terre d’accueil a vu le jour à l’Institut canadien de Québec. Pour Alix Nadeau, bibliothécaire à la coordination, sa mise sur pied visait notamment à créer un environnement accueillant et inclusif pour les familles immigrantes, à valoriser la culture d’origine, à favoriser les échanges interculturels et à briser l’isolement.
« La ville de Québec a connu une augmentation substantielle du nombre de personnes immigrantes au cours des dernières années et, bien souvent, celles-ci fréquentaient déjà les bibliothèques dans leur pays d’origine. Nous avons donc décidé de miser sur les bibliothèques publiques pour les accueillir. » – Alix Nadeau, bibliothécaire à la coordination à l’Institut canadien de Québec
Nombreuses sont les initiatives permettant de favoriser plus précisément l’adaptation des familles immigrantes. Par exemple, des ordinateurs et des fax sont mis à la disposition des parents afin de faciliter les démarches administratives comme l’inscription en milieux de garde éducatifs ou scolaires. Un répertoire de livres portant sur plusieurs thèmes, dont la parentalité, est également disponible.
Les bibliothèques publiques permettent également de briser l’isolement pour ces familles qui, bien souvent, n’ont pas de réseau social. Par exemple, l’activité Des racines et des mots, qui est présentée dans le cadre du programme Bibliothèque, terre d’accueil, est une excellente occasion pour le faire. Selon Alix Nadeau, ces rencontres permettent non seulement aux parents d’échanger, ce qui a une influence directe sur la qualité de vie de leurs enfants, mais proposent également des activités d’éveil à la lecture pour les enfants âgés de 0 à 5 ans.
Si les activités d’éveil à la lecture favorisent la francisation des tout-petits, elles représentent également d’excellentes occasions pour favoriser le contact avec leur culture d’origine. Alix Nadeau explique d’ailleurs que l’Institut canadien de Québec « a développé une collection multilingue afin de s’assurer que les parents puissent continuer à transmettre leur langue à leurs enfants, ce qui représente une richesse importante ».
Le rôle social des bibliothèques
Pour Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, il est important que les bibliothèques offrent une collection de livres auxquels les enfants peuvent facilement s’identifier. Selon elle, l’absence d’éléments qui ressemblent à l’enfant dans un livre représente une barrière qui peut faire en sorte que l’enfant n’aura pas envie de le lire.
Les bibliothèques jouent également un rôle social important, en tant que lieu de rencontre et d’échange de même que d’accès à l’information et à la culture, en offrant des services, des ateliers et des jeux. Selon Marjorie Villefranche, « les enfants vont souvent à la bibliothèque pour toutes sortes de raisons même si, au départ, ce n’est pas nécessairement pour les livres. C’est très intéressant, parce qu’on a un public captif ».
Si les organismes communautaires représentent une ressource essentielle pour répondre aux besoins fondamentaux de ces familles (ex. : accès au logement, sécurité alimentaire et soins de santé), leur collaboration avec les bibliothèques publiques grâce à diverses initiatives permet d’assurer l’accessibilité des services. Par exemple, le Roulivre est une bibliothèque mobile qui se déplace à la Maison d’Haïti de façon hebdomadaire et qui offre un service de lecture et une collection de livres destinés aux enfants.
« Les bibliothécaires font la lecture aux enfants. Les parents peuvent également abonner leur enfant afin qu’il puisse emprunter des livres. Ils sont très contents et, souvent, accompagnent leur enfant tout au long de l’activité. » – Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti
En offrant des ressources adaptées, les bibliothèques publiques sont des espaces privilégiés pour les familles et les tout-petits issus de l’immigration. Grâce à leurs initiatives, elles sont des acteurs de l’inclusion sociale qui répondent aux besoins des familles et favorisent le développement des tout-petits, grâce à un équilibre entre l’adaptation à la nouvelle culture et la préservation de la culture d’origine.
Sources et références
(1) Observatoire des tout-petits. (2018, 21 août). Nombre d’enfants immigrants de 0 à 5 ans admis au Québec. Consulté le 11 août 2023
(2) Statistiques Canada. (2019, 17 mai). Les demandeurs d’asile. Consulté le 11 août 2023
(3) Ministère de la famille. (2020). Évaluation et amélioration de la qualité de l’environnement éducatif. Gouvernement du Québec.
(4) Boucheron, L., Durand, D., Fournier, M. et Lavoie, S. (2012). Enquête sur la maturité scolaire des enfants montréalais : Qu’en est-il des enfants issus de l’immigration? Consulté le 11 août 2023
(5) Simard, M., Audet, N. et Lavoie, A. (2018). Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle 2017 : Portrait statistique pour le Québec et ses régions administratives, Institut de la statistique du Québec.
(6) Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. « Capsule expliquant l’importance de la langue maternelle dans l’apprentissage d’une nouvelle langue », en ligne, 2022.
Pour aller plus loin
Lire la chronique Vulnérabilité à la maternelle : comment se portent les tout-petits issus de l’immigration?
Consulter le site web de la Bibliothèque interculturelle de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce
Consulter le site web du programme Bibliothèque, terre d’accueil de l'Institut canadien de Québec