Observatoire des tout-petits

Chroniques
19 février 2025

Malgré les recommandations, des enfants de moins de deux ans se trouvent exposés aux écrans

Malgré les recommandations, des enfants de moins de deux ans se trouvent exposés aux écrans 
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Mélissa Khadra
Rédactrice scientifique

Le quart des tout-petits d’environ 17 mois passe une heure ou plus par jour de semaine devant un écran. Et cette proportion grimpe à près de 35 % les jours de fin de semaine. Ces constats sont tirés du portrait L’utilisation des écrans chez les tout-petits d’environ un an et demi et leurs parents, publié le 5 décembre dernier par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). 

La Société canadienne de pédiatrie recommande d’éviter toute exposition à la télévision et aux autres écrans pour les enfants de moins de deux ans. Ces recommandations visent à prévenir l’apparition de problèmes associés au temps d’écran, mais également à favoriser le temps passé à faire des activités qui contribuent à leur développement.  

Or, les nouvelles données de l’ISQ, tirées de l’étude longitudinale Grandir au Québec, montrent que les écrans font bien partie du quotidien des tout-petits d’environ un an et demi. 

Cette étude s’est penchée, entre autres, sur les questions suivantes :

  • Quelle utilisation en font les tout-petits d’environ 17 mois ? 
  • Combien de temps par jour passent-ils devant un écran ? 
  • Quelles activités font-ils le plus souvent avec des écrans ?  

Une utilisation quotidienne 

Parmi les 3 879 enfants d’environ 17 mois à l’étude, le quart (25,4 %) passait en moyenne une heure ou plus par jour de semaine devant un écran. La fin de semaine, cette proportion grimpait à 34,8 %. 

La proportion d’enfants d’environ 17 mois qui passaient en moyenne une heure ou plus par jour devant un écran variait également selon certaines caractéristiques. En effet, elle était plus élevée parmi les enfants :

  • qui vivaient dans un ménage à faible revenu (42 % les jours de semaine et 47 % les jours de fin de semaine) que ceux qui ne vivaient pas dans un ménage à faible revenu (21 % les jours de semaine et 32 % les jours de fin de semaine)
  • qui vivaient avec un enfant plus âgé qu’eux (37 % les jours de fin de semaine) que ceux pour qui ce n’était pas le cas (32 % les jours de fin de semaine) 

Comment sont utilisés les écrans par les tout-petits ? 

La télévision était le type d’écran le plus utilisé par les tout-petits d’environ 17 mois. En effet, 43,6 % d’entre eux la regardaient une fois par jour ou plus.  

Le téléphone cellulaire suivait, avec une utilisation quotidienne pour près d’1 tout-petit sur 5 (19,7 %). 

Parmi les différentes activités quotidiennes qui impliquent des écrans, près de 4 tout-petits sur 10 (39,4 %) regardaient des émissions, des vidéos en ligne ou des films pour enfants au moins une fois par jour.  

Cette proportion était également plus élevée chez certains enfants d’environ 17 mois, soit ceux :

  • qui vivaient dans un ménage à faible revenu (51 %) par rapport à ceux pour qui ce n’était pas le cas (36 %)
  • qui vivaient avec d’autres enfants plus âgés (41 %) par rapport à ceux pour qui ce n’était pas le cas (37 %) 

Enfin, un peu moins d’1 tout-petit sur 10 (8,9 %) regardaient des émissions de télévision, des vidéos ou des films avant de se coucher. Cette pratique est déconseillée par la Société canadienne de pédiatrie, puisqu’elle est associée à des troubles du sommeil chez les jeunes enfants1. 

Des spécialistes inquiets, mais pas surpris 

Caroline Fitzpatrick est professeure associée en développement de l'enfant à l'Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le vivre-ensemble, les médias numériques et les enfants. Selon elle, les données de l’ISQ sur l’exposition aux écrans des tout-petits d’environ 17 mois sont préoccupantes. 

« Bien que les jeunes enfants puissent avoir beaucoup de plaisir à interagir avec les écrans, les stimulations fournies par les appareils numériques sont de moins bonne qualité, explique-t-elle. On observe d’ailleurs un développement cérébral moins optimal chez les jeunes enfants qui sont plus souvent exposés aux écrans. » 

George Tarabulsy, chercheur à l’école de psychologie de l’Université Laval et directeur scientifique du Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles, abonde dans le même sens. Il est inquiet, mais pas étonné par les données de l’ISQ. 

« À 17 mois, plus un enfant passe du temps devant un écran, moins il pourra profiter de moments de qualité avec ses parents, et moins il apprendra comment fonctionne le monde des relations sociales, note-t-il. On peut donc facilement imaginer qu’en découleront des difficultés sociales et affectives. »  

Le cerveau des tout-petits est très réceptif aux stimulations2. Les jeunes enfants apprennent grâce aux interactions qu’ils ont dans le monde réel. C’est en échangeant avec des personnes significatives, en touchant, en grimpant et en sentant que leur cerveau se développe. Ainsi, le temps passé devant un écran peut compromettre leurs apprentissages en les privant d’occasions d’explorer leur environnement et d’interagir avec leur entourage3. 

En d’autres termes, une exposition précoce aux écrans peut interférer avec le développement des tout-petits. 

Des pistes de solution collectives 

Il est possible d’agir collectivement pour éviter que les tout-petits de moins de 2 ans soient exposés aux écrans :

  • Sensibiliser les adultes qui prennent soin des tout-petits. Les parents, le personnel éducateur en service de garde et les employés du réseau de la santé et des services sociaux doivent être informés des connaissances scientifiques liées aux effets de l’exposition aux écrans. 
  • Offrir un soutien aux familles. Les tout-petits qui vivent dans des familles défavorisées sur le plan matériel et social risquent davantage d’être exposés aux écrans. La mise en place de politiques publiques qui visent à bonifier les mesures de soutien financier et à accompagner les familles vulnérables pourrait ainsi avoir un effet indirect sur l’utilisation des écrans.
  • Encourager l’adoption de saines habitudes de vie. Favoriser le jeu actif à l’extérieur peut contribuer à réduire la place qu’occupent les écrans dans la vie des tout-petits. Par exemple, l’accès à des parcs et à des activités de loisir à faible coût permet d’encourager l’activité physique et les interactions des tout-petits avec l’environnement qui les entoure. 
À propos de l’ELDEQ

L’étude
Grandir au Québec, aussi appelée l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, 2e édition (ELDEQ 2), vise à suivre le parcours de vie des enfants nés en 2020-2021 jusqu’à l’âge adulte afin d’identifier les facteurs qui peuvent influencer leur développement et leur bien-être.

Elle emboîte le pas à la 1re édition de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, qui suit, encore aujourd’hui, les parcours de vie de personnes nées en 1997-1998.

Les données de ces deux grandes études longitudinales sont accessibles aux scientifiques, ministères et organismes pour la réalisation de projets de recherche. 
Pour les adultes qui prennent soin des tout-petits 

En plus de recommander d’éviter toute exposition aux écrans pour les tout-petits de moins de 2 ans, la Société canadienne de pédiatrie propose différentes avenues pour aider les familles à utiliser les appareils numériques de manière sécuritaire pour les enfants plus âgés : 
- Chez les enfants de 2 à 5 ans, limiter le temps d’écran à une heure par jour maximum 
- Éviter l’exposition aux écrans au moins une heure avant de se coucher et lors des repas
-
Encourager le jeu actif à l’extérieur
- Encourager les frères et sœurs plus âgés à limiter leur temps d’écran pour qu’ils puissent montrer l’exemple
- Éviter de laisser la télévision allumée lorsque personne ne la regarde

Des ressources sont également disponibles pour aider les parents à mieux encadrer l’utilisation des écrans :
-
L’article Gérer les écrans: conseils pour les parents de Naître et grandir 
- Le document Les 0 à 5 ans et les écrans – Conseils pour les parents, réalisé par PAUSE en partenariat avec le gouvernement provincial   

 

Photo de Mélissa Khadra

Par Mélissa Khadra

Titulaire d’un doctorat en sciences biologiques, Mélissa Khadra œuvre dans le milieu du journalisme et de la vulgarisation scientifique depuis près de 3 ans. Avant de rejoindre l’équipe de l’Observatoire des tout-petits à titre de rédactrice scientifique, elle a collaboré avec plusieurs médias, dont La Presse, Québec Science et La Conversation Canada. Armée de son bagage de connaissances en sciences et de son amour des mots, elle s’amuse à décortiquer les sujets les plus complexes.

Références

1. Nathanson AI, Beyens I. The relation between use of mobile electronic devices and bedtime resistance, sleep duration, and daytime sleepiness among preschoolers. Behav Sleep Med 2018;16(2):202-19. 
2. CENTER OF THE DEVELOPING CHILD, HARVARD UNIVERSITY. Brain Architecture, [En ligne]. https://developingchild.harvard. edu/science/key-concepts/brainarchitecture/. 
3. CHRISTAKIS, D.A. « The effects of infant media usage: What do we know and what should we learn? », Acta Paediatrica, vol. 98, no 1, 2009, p. 8-16 ; MADIGAN, S., et autres. « Association between screen time and children’s performance on a developmental screening test », JAMA Pediatrics, vol. 173, no 3, 2019, p. 244-250.

 

Pour aller plus loin 

Accéder à l’entièreté des données du portrait L’utilisation des écrans chez les tout-petits d’environ un an et demi et leurs parents de l’ELDEQ 2 

Consulter les ressources et recommandations de la Société canadienne de pédiatrie liées à l’utilisation des écrans chez les tout-petits 

Lire notre rapport thématique Les écrans et les tout-petits