L’importance de l’éveil à la lecture et à l’écriture chez les tout-petits : entretien avec Julie Myre Bisaillon et Rachel DeRoy-Ringuette
Les bibliothèques publiques peuvent jouer un rôle important pour favoriser l’éveil à la lecture et à l’écriture des tout-petits. Pour y arriver, elles doivent, entre autres, bénéficier de ressources humaines et financières suffisantes afin d’offrir des collections variées de qualité et des espaces de bibliothèques accueillants et stimulants.
L’éveil précoce à la lecture et à l’écriture permet, entre autres, de développer le plaisir de lire, d’améliorer la motivation à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ainsi que d’améliorer le niveau de littératie.
Afin d’approfondir ce sujet, nous avons posé quelques questions à Julie Myre Bisaillon, professeure à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke et à Rachel DeRoy-Ringuette, professeure au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Julie Myre Bisaillon : L’éveil à la lecture des tout-petits est important, puisqu’il est un facteur clé dans la diminution des difficultés en lecture et en écriture. Établir de bonnes bases avec les jeunes enfants permet de favoriser leur entrée dans le monde de l’écrit et de prévenir l’échec scolaire.
Julie Myre Bisaillon : L’éveil à la lecture et l’éveil à l’écriture sont similaires et interreliés. Si les deux étaient jadis conçus séparément, la lecture précédant l’écriture dans la séquence d’apprentissage, ils sont aujourd’hui beaucoup mieux intégrés. C’est pourquoi l’on parle de plus en plus de « l’éveil à la lecture et à l’écriture » et que les deux apprentissages se font en parallèle, ce qui est une belle amélioration.
Julie Myre Bisaillon : De manière générale, la lecture d’albums de littérature jeunesse est extrêmement riche pour ce groupe d’âge. La lecture peut être effectuée dans différents milieux de proximité de l’enfant, par exemple dans la famille, dans le milieu de garde ou à la bibliothèque. L’un des avantages est l’influence positive que cela aura sur le développement du vocabulaire des tout-petits.
Rachel DeRoy-Ringuette : Les collections des bibliothèques permettent de soutenir le développement du vocabulaire et favorisent les interactions de qualité avec les adultes, par exemple lorsque l’on prend le temps de sortir du livre pour discuter de l’histoire, de ce qui se passe dans les illustrations, des personnages, des idées et du ressenti que le livre fait vivre. Les collections diversifiées des bibliothèques facilitent également l’intégration sociale ainsi que l’éveil à la lecture et à l’écriture.
Rachel DeRoy-Ringuette : La diversification d’une collection de bibliothèque pour tout-petits concerne divers aspects. Bien entendu, il est nécessaire que les personnages soient représentatifs de tous les enfants et de leur famille, que ce soit par leur origine, leur genre, leur classe sociale, etc. Les personnages doivent être inclusifs pour que tous puissent s’y reconnaître, mais également pour que tous puissent apprendre à connaître ceux qui ont une réalité différente de la leur. Mais au-delà de la diversité des personnages, la collection doit aussi être développée pour favoriser la diversité des sujets, des styles d’illustrations, des types de livres, des formats de livres, etc. C’est un aspect moins souvent mis de l’avant, mais tout aussi essentiel.
Les animations proposées par les bibliothèques reposent sur cette diversité des collections. À titre d’exemple, une heure du conte ayant lieu en septembre sur la thématique des pommes devrait valoriser parallèlement des livres informatifs, des livres de fiction, des poésies, des livres-jeux, etc.
Rachel DeRoy-Ringuette : Les bibliothèques publiques ont d’abord besoin de ressources financières et de municipalités qui croient en leur mission et qui les appuient, puisque la plupart des bibliothèques du Québec sont financées par leur Municipalité. Mais elles ont aussi besoin de ressources humaines, c’est-à-dire de personnel qualifié ayant la formation appropriée en bibliothéconomie ou en technique de la documentation pour développer des collections adéquates qui répondent réellement aux besoins de tous les membres de la communauté servie par la bibliothèque.
Julie Myre Bisaillon : Les activités, comme l’heure du conte pour les familles, facilitent la démocratisation de l’accès aux bibliothèques puisque les bébés tout comme les plus grands enfants de la famille y sont les bienvenus. Une autre approche bénéfique est d’amener la bibliothèque publique dans la communauté. Il est ainsi possible d’offrir les services de même que les activités et les animations de la bibliothèque dans d’autres espaces clés afin de rejoindre directement la population.
Julie Myre Bisaillon : Les bibliothèques font déjà beaucoup pour contribuer à l’éveil à la lecture et à l’écriture. Le problème central est plutôt celui de l’accès. Par exemple, lorsque la bibliothèque est éloignée, s’y rendre engendre des coûts et des contraintes logistiques de déplacement, encore plus pour les familles en situation de vulnérabilité. Les parents craignent aussi parfois que les enfants dérangent, qu’ils brisent des livres ou que les emprunts occasionnent des frais de retard, ce qui est dissuasif à la fréquentation des bibliothèques. Il est important de démocratiser l’accès aux bibliothèques afin d’y favoriser la présence des enfants, même ceux en bas âge.
Qu'est-ce que la littératie?
Le Réseau québécois de recherche et de transfert en littératie propose la définition suivante pour expliquer ce qu'est la littératie :
« Capacité d’une personne, d’un milieu et d’une communauté à comprendre et à communiquer de l’information par le langage sur différents supports pour participer activement à la société dans différents contextes. »
Les plus récents résultats du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA, 2021) démontraient que 51,6 % de la population québécoise âgée entre 16 et 65 ans n’atteignait pas le niveau 3 en littératie, soit le seuil jugé nécessaire pour comprendre des textes plus longs et plus complexes.
Quelques initiatives favorisant l’éveil à la lecture pouvant inspirer les municipalités du Québec
Pour en savoir plus
Lire la lettre ouverte d’Eve Lagacé, directrice générale de l’Association des bibliothèques publiques du Québec, publiée le 22 février 2023 Les bibliothèques publiques, protectrices de la liberté d’expression
Lire l'étude Estimation d'un indice de littératie par MRC de la Fondation pour l'alphabétisation