Pas toujours facile de fréquenter des lieux publics avec un enfant qui a la bougeotte ou qui circule en fauteuil roulant. En aidant tous les enfants à développer leur plein potentiel, peu importe les défis auxquels ils font face, les bibliothèques publiques inclusives constituent un des leviers importants de l’égalité des chances pendant la petite enfance.

Qui sont les tout-petits ayant besoin de soutien particulier? Comment s’y prendre pour adapter les bibliothèques à leurs besoins? Voici quelques pistes de réflexion et exemples de succès.

Dans le cadre de ce texte, les tout-petits ayant besoin de soutien particulier regroupent les enfants âgés de 0 à 5 ans qui présentent une difficulté dans leur développement ou une incapacité pouvant entraîner une situation de handicap et qui ont besoin de soutien ou d’interventions supplémentaires pour s’assurer qu’ils atteignent leur plein potentiel.

Pourquoi accueillir les enfants ayant besoin de soutien particulier à la bibliothèque publique ?

La période de 0 à 5 ans est une période clé dans le développement de l’enfant. Ainsi, accueillir les tout-petits ayant besoin de soutien particulier à la bibliothèque sensibiliserait tous les usagers à l’importance et à la richesse de la différence en plus d’offrir à tous les enfants des occasions ludiques d’interagir avec leurs pairs.

« C’est le moment de bâtir la confiance en soi et l’image que le tout-petit a de lui-même, peu importe ses limitations et ses besoins et, surtout, dans un contexte ludique. » – Oanh Nguyen, conseillère en accessibilité universelle chez AlterGo

Or, selon Jessica Lesage, professeure clinicienne et directrice du comité de programme de cycles supérieurs à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), le pourcentage de tout-petits ayant besoin de soutien particulier dans la population en général est plus grand que chez les tout-petits qui fréquentent la bibliothèque. « Il faut se demander pourquoi et comment mieux les rejoindre. »

Intégration, inclusion et exclusivité

On parle d’intégration lorsque le tout-petit s’adapte à son environnement (ex. : porte des coquilles antibruits pour assister aux activités offertes). Si c’est l’environnement qui est modifié pour s’adapter aux besoins de l’enfant (ex. : 6 participants au lieu de 18 pour l’heure du conte), on parle alors d’inclusion.

Certaines bibliothèques font le choix de réserver des plages horaires ou des locaux exclusivement aux enfants ayant besoin de soutien particulier. Pourtant, comme le rappelle Mme Nguyen, « la plupart des adaptations profiteront à l’ensemble des usagers. L’ajout d’une rampe d’accès pour les fauteuils roulants aidera également à circuler en poussette ou à effectuer des livraisons, par exemple ». De même, tous les tout-petits, qu’ils présentent un trouble du spectre de l’autisme ou non, pourront retrouver le calme dans les « salles blanches », qui offrent des lieux avec moins de stimulations.

Les quatre grands axes de l’accessibilité universelle

« Le but, rappelle Mme Nguyen, est de trouver les moyens équitables pour que l’enfant vive le moins de situations de handicap possible tout au long de son expérience, avant, pendant et après sa visite à la bibliothèque ».

Voilà pourquoi AlterGo préfère parler d’accessibilité universelle, qui s’articule autour de quatre grands axes :

1. L’architecture et l’urbanisme, en prévoyant une entrée et des toilettes accessibles par exemple.
2. Les programmes, les services et les emplois, en proposant des collections adaptées (livres audio ou en braille, films sous-titrés et avec audiodescription) et des activités adaptées pour tous (interprétation en langue des signes), etc.
3. Les communications, en faisant la promotion des services adaptés sur le site Web de la bibliothèque et auprès d’organismes qui interagissent avec les tout-petits ayant besoin de soutien particulier, etc.
4. La sensibilisation et la formation, en sensibilisant le personnel aux droits des personnes qui présentent des limitations fonctionnelles, aux interactions en situation de handicap, etc.

Selon Mme Lesage, en plus de viser l’inclusion universelle, la bibliothèque peut manifester la volonté de s’adapter et d’innover, par exemple en documentant les besoins de sa communauté en consultant les parents, le personnel éducateur, les organismes spécialisés et même les tout-petits concernés. Le développement de partenariats avec divers organismes qui interagissent avec les tout-petits ayant besoin de soutien particulier semble aussi une avenue de plus en plus envisagée, comme le soulignent mesdames Lesage et Nguyen.

Les bibliothèques constituent « un service de proximité ; elles facilitent l’inclusion et la participation à la vie culturelle et citoyenne¹». Elles sont donc un levier complémentaire pour que tous les enfants puissent avoir une chance égale de développer leur plein potentiel et leur participation à la société.

« Il faut y croire et chercher à innover » – Jessica Lesage, professeure clinicienne et directrice du comité de programme de cycles supérieurs à l’Université du Québec à Trois-Rivières 

L’exemple de la bibliothèque de Mirabel

La bibliothèque du secteur Saint-Janvier à Mirabel a été l’une des premières au Québec à s’adapter pour inclure les tout-petits ayant besoin de soutien particulier. Depuis 2018, tous les enfants peuvent profiter des adaptations de programmes accessibles à tous comme P’tites Histoires et Il était une histoire (l’ancienne « heure du conte »). On y trouve également davantage de matériel adapté, une routine d’activités en pictogrammes, un cadran comme point de repère visuel pour la durée, etc.

Tous les enfants peuvent se préparer pour les activités en regardant des vidéos sur le site Web de la bibliothèque. Elle s’est également dotée d’une salle sensorielle qui comprend un mobilier et un éclairage adaptés, des peluches lourdes, une table lumineuse, des coquilles antibruits, des jeux pour stimuler le langage et la gestion des émotions, etc. De plus, le logiciel de prédiction des mots et de synthèse vocale Lexibar est disponible sur un des postes informatiques de la bibliothèque.

 

Source

 (1) Réseau des bibliothèques de la Ville de Montréal (Consulté le 12 juillet 2023)

Pour aller plus loin :

Rapport thématique de l'Observatoire des tout-petits Tout-petits ayant besoin de soutien particulier : comment favoriser leur plein potentiel?

Le Centre de ressources sur l'accessibilité des bibliothèques publiques (CRABP), qui offre des ressources et des formations pour l'aménagement des espaces et la sensibilisation à l'accessibilité

L'organisme à but non lucratif Société Logique, qui a pour mission de promouvoir le design universel et d'intervenir dans la création d'environnements universellement accessibles

L'organisme à but non lucratif AlterGo, moteur d'innovation sociale en matière d'accessibilité universelle et d'inclusion dans le sport, le loisir et la culture pour les personnes ayant une limitation fonctionnelle sur l'île de Montréal

L'Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), organisme gouvernemental qui contribue à accroître la participation sociale des personnes handicapées

Le Fonds pour l’accessibilité (FA) d’Emploi et Développement social Canada finance des projets visant à rendre les collectivités et les milieux de travail du Canada plus accessibles