Pourquoi agir tôt?
Cette page reprend les constats du mémoire Investir en petite enfance, c’est agir pour l’avenir, déposé par le Collectif petite enfance au ministre des Finances, Eric Girard, dans le cadre des consultations prébudgétaires 2023-2024. Ce mémoire a été rédigé par Geoffroy Boucher, économiste.
Pourquoi investir en petite enfance est-il si important?
Il existe un large consensus quant aux rendements élevés des interventions préventives en petite enfance et à leurs retombées positives pour l’ensemble de la société.
Investir dans les services préventifs au moment où le cerveau est en plein développement permet de favoriser le développement des enfants et de lutter efficacement contre une multitude de problèmes sociaux tels que le décrochage scolaire et la pauvreté. Il s’agit d’une occasion unique pour doter le Québec d’outils puissants permettant de naviguer à travers les défis des prochaines décennies.
Déjouer le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’oeuvre
Alors qu’une pénurie de main-d’œuvre frappe présentement plusieurs secteurs de l’économie québécoise, le vieillissement de la population continuera de faire croître la pression sur le marché du travail québécois au cours des prochaines décennies.
Selon les projections de l’Institut de la statistique du Québec, le rapport de dépendance démographique – soit le rapport entre la population n'étant typiquement pas en âge de travailler (nombre combiné d’enfants et de personnes âgées) et la population en âge de travailler – passera de 69 sur 100 en 2021 à 87 sur 100 dès 2051i.
Dans ce contexte, en investissant pour favoriser le plein potentiel des enfants, on mise sur une période où le rendement de l’investissement est le plus grand : la petite enfance.
Rapport de dépendance démographique, 2011-2051
Nombre de personnes de moins de 20 ans et de 65 ans et plus, pour 100 personnes en âge de travailler
Sources: Institut de la statistique du Québec (2022), « Perspectives démographiques du Québec ».
La petite enfance : un moment d’effervescence inouï du développement humain
Un vaste corpus de littérature scientifique démontre que la petite enfance constitue un moment particulièrement propice pour stimuler le développement des enfants, car leur potentiel d’apprentissage y est à son maximum. En effet, le cerveau est au plus fort de son développement durant les premières années de vie. Il est donc particulièrement sensible à l’environnement dans lequel l’enfant grandit.
Les premières années de vie d’un enfant constituent une période particulièrement importante pour son développement.
Périodes sensibles du développement précoce du cerveau
Source : Adapté du rapport de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, lui-même adapté de Council for Early Child Development, 2010. « The Science of Early Child Development « , CECD, Vancouver, Canada.
Cette période offre donc une fenêtre d’opportunité unique pour prévenir des problèmes pouvant survenir plus tard dans la vie, comme les problèmes de santé, mais aussi le décrochage scolaire et la pauvreté.
Qu’en pensent les économistes?
Un fort consensus a émergé en sciences économiques au cours de la dernière décennie, soit que le rendement des interventions en bas âge est généralement plus élevé que celui des interventions réalisées plus tard durant le parcours de vieii. En effet, tel qu’illustré par la courbe de Heckman, le rendement économique des investissements en capital humain, c’est-à-dire qui visent le développement de compétences et de connaissances chez un individu, décroît avec l’âge. En d’autres mots, plus nos interventions sont tardives, moins elles sont efficaces.
Taux de rendement de l’investissement en capital humain
Source: Heckman (2008), « The case for Investing in Disadvantaged Young Children »
Plusieurs études réputées en sciences économiques démontrent ainsi de manière rigoureuse l’importance d’agir tôt pour assurer le développement de l’enfant, tant sur le plan cognitif que sur le plan affectif, physique et socialiii. L’effet de tels investissements sur la santé est également bien documenté.
La recherche indique que les sociétés qui investissent dans la petite enfance et la famille sont celles dont l’état de santé est le meilleur et dont les niveaux d’inégalités en matière de santé sont les plus faibles du mondeiv.
Selon un rapport publié par le Conference Board du Canada, chaque dollar supplémentaire investi dans l’éducation à la petite enfance rapporte 6 $ en bénéfices économiquesv. Voici quelques-uns de ces bénéfices :
- amélioration de la performance des élèves à l’âge scolaire
- augmentation de leurs revenus potentiels à l’âge adulte
- amélioration de l’égalité des chances en éducation
- diminution du nombre de familles vivant sous le seuil de la pauvreté et du recours au filet social
Un retour sur investissement encore plus élevé pour les enfants en milieu défavorisé
À l’échelle de la société, ces interventions contribuent aussi à réduire les inégalités socioéconomiques, entre autres parce qu’elles favorisent le développement des enfants les plus vulnérables.
La littérature scientifique fait état de retombées encore plus probantes chez les enfants provenant de milieux défavorisés, autant au Québecvi qu’à l’internationalvii. En effet, tous les enfants bénéficient des interventions en petite enfance, mais les enfants issus de milieux défavorisés sont ceux qui détiennent les meilleures chances de bénéficier de ces interventions, car leurs aptitudes sont généralement moins développées et ont donc plus de possibilités de rattrapage.
Notes et références
i Institut de la statistique du Québec, Mise à jour 2022 des perspectives démographiques du Québec et des régions, 2021-2066.
ii Plusieurs revues de littérature scientifiques et méta-analyses soutiennent ce consensus, notamment Brunsek et al. (2020), Rao et al. (2017), Tanner, Candland, et Odden (2015).
iii Voir notamment Cunha, Heckman, Lochner, et Masterov (2006), Heckman et Masterov (2007), et Heckman (2008).
iv Poissant, J. (2016), « Analyse contextualisée sur le développement des enfants à la maternelle mandatée par l’Observatoire des tout-petits », Institut national de santé publique du Québec.
v Le Conference Board du Canada (2017), « Ready for Life: A Socio-Economic Analysis of Early Childhood Education and Care »
vi Geoffroy et al. (2010), « Closing the gap in academic readiness and achievement: the role of early childcare », Journal of Child Psychology and Psychiatry
vii Organisation de coopération et de développement économiques (2020), « Investing in high-quality early childhood education and care ».