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28 avril 2020

Position de l’Association des pédiatres du Québec sur le déconfinement des enfants québécois en contexte de pandémie de COVID-19

Position de l’Association des pédiatres du Québec sur le déconfinement des enfants québécois en contexte de pandémie de COVID-19
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Le texte ci-dessous est un communiqué de la part de l'APQ.

La communauté scientifique s’entend sur un point : la COVID-19 n’est pas dangereuse pour la très vaste majorité de la population pédiatrique. Les enfants sont donc confinés, essentiellement, pour protéger leurs grands-parents. Que devons-nous craindre si nous maintenons le statu quo?

Les 6 dernières semaines, surréelles il va sans dire, ont bouleversé nos vies. L’urgence sanitaire a forcé le monde entier à se confiner pour mieux freiner la vague COVID 19, et s’assurer que notre système de santé tienne le coup. Ce faisant, des milliers d’enfants se sont retrouvés à la maison, loin de l’infection, certes, mais également privés de tout ce qui constitue l’essence même de l’enfance. En l’absence du filet social que représentent les CPE et les écoles, avec la diminution des soins de première ligne, force est de constater que les dommages collatéraux d’un confinement prolongé sont déjà trop nombreux et inquiétants.

Abandon des plus vulnérables

Au Québec, plus de 240 000 enfants bénéficient chaque jour des petits déjeuners offerts dans les écoles. Les enfants en CPE ont quotidiennement un repas et des collations équilibrés. De nombreuses familles dont la situation financière déjà précaire a été fragilisée par la crise actuelle peinent à nourrir convenablement leurs enfants. Ces familles ont perdu un soutien essentiel pour répondre aux besoins primaires de leurs enfants.

Par ailleurs, les signalements à la DPJ ont chuté drastiquement au cours des dernières semaines, et cela n’a rien de rassurant. Privés de contacts avec l’extérieur, bon nombre d’enfants vivent sur une bombe à retardement. La réclusion imposée, 24 heures sur 24, sans emploi et sans revenus, ne peut que multiplier les risques de violence domestique. Le recours aux écrans plusieurs heures par jour est une solution de survie dans plusieurs foyers, et prive les enfants de la stimulation cognitive et sociale dont ils ont absolument besoin, et à laquelle ils ont droit.

Prévention et dépistage : enjeux de taille

Pour limiter les risques de propagation, le suivi périodique des jeunes enfants de moins de 2 ans fonctionne au ralenti depuis le début de cette crise et la vaccination n’est plus offerte par de nombreux CLSC. L’impact que les retards de suivi auront sur le calendrier de vaccination risque d’occasionner la recrudescence de maladies habituellement sous contrôle : davantage d’infections liées au pneumocoque et au méningocoque, retour de la varicelle et des complications associées, foyers d’éclosion de rougeole... Rien de tout cela n’est souhaitable.

De nombreux enfants présentent des retards de développement (suspectés ou non par leurs parents) dépistés en CPE ou lors d’un rendez-vous médical. L’intervention précoce par les différents professionnels auprès de ces enfants est primordiale. Or, pour plusieurs, le temps qui passe limite les occasions d’intervenir, et la fenêtre se referme. Les conséquences seront souvent irréversibles et à long terme.

Et la santé mentale?

Difficile d’occulter les conséquences inévitables du confinement sur la santé mentale des enfants et des adolescents. Ces derniers, captifs à la maison, ne bénéficient pas du contact social avec leurs pairs. Certains doivent composer avec l’anxiété souvent importante des adultes autour d’eux, vivre à répétition une journée en tous points similaire à celle d’hier, bien souvent sans repère ni routine. Plusieurs adolescents, après un bref sentiment de liberté, développent une humeur morose et anxieuse. Le retour à l’école sera une source d’angoisse, qui risque d’être proportionnelle au temps passé à la maison.

Face à tous ces constats, l’option de reporter davantage la reprise de la vie scolaire se défend difficilement. Sachant que le nouveau coronavirus fera partie de nos vies encore longtemps, y at-il un bénéfice à attendre septembre pour réintégrer les bancs d’école? Souhaitons-nous réellement que les enfants affrontent la COVID en même temps que les autres virus à l’automne et la grippe saisonnière en hiver? Tôt ou tard, il faudra qu’ils soient exposés au virus et le résultat sera le même. La perspective d’un vaccin contre le coronavirus dans les 6 à 9 prochains mois est faible, ce qui fait que les enfants feront l’infection soit au printemps ou à l’automne.

Un retour progressif à la vraie vie pour nos enfants n’est pas seulement souhaitable, il est nécessaire. Il faudra bien entendu que ce retour soit graduel et prudent. Les grands-parents de ces enfants demeurent extrêmement vulnérables, tout comme le personnel plus âgé des écoles et CPE. Les médecins et pédiatres du Québec seront là pour recevoir, soigner et rassurer les familles. Nous faisons confiance aux spécialistes de la santé publique pour orchestrer le tout avec doigté, malgré l’insécurité que cela occasionnera. En bout de piste, un constat s’impose : les enfants ne doivent surtout pas devenir les principales victimes de cette pandémie! Ainsi, laissons-les retrouver leur vie.

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