Observatoire des tout-petits

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19 juin 2025

Commission spéciale sur les impacts des écrans : des recommandations bénéfiques pour les tout-petits

Commission spéciale sur les impacts des écrans : des recommandations bénéfiques pour les tout-petits
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Photo de Mélissa Khadra
Mélissa Khadra
Rédactrice scientifique

La Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes a déposé son rapport final à l’Assemblée nationale, le 29 mai dernier.

Depuis septembre 2024, la Commission a entendu 70 experts et organismes en audience publique, rencontré plus de 500 jeunes dans les écoles primaires et secondaires et a épluché les réponses de plus de 7 000 personnes, dont la moitié était des parents, dans le cadre d’une consultation en ligne.

Le rapport qui découle de ces travaux couvre de nombreux enjeux qui touchent à la présence des écrans dans la vie des enfants et des jeunes, notamment le temps d’écran, les mesures d’encadrement des écrans, ainsi que la publicité destinée aux enfants sur les plateformes et les applications. 

Des recommandations porteuses pour les tout-petits 

Ce rapport met en lumière le fait que l’enjeu des écrans relève d’une responsabilité collective.
 
« L’utilisation des écrans par les jeunes est un sujet qui concerne de nombreux acteurs de la société civile : les parents, le personnel enseignant, les chercheurs et les décideurs. En pratique, c’est une réalité à laquelle personne n’échappe. », peut-on lire dans le rapport.
 
Les recommandations qu’il comporte sont cohérentes avec les conclusions de notre rapport thématique Les écrans et les tout-petits, qui dresse un portrait des effets des écrans sur la santé et le développement des jeunes enfants et des pistes de solution possibles.
 
En effet, parmi les 56 recommandations de la Commission, plusieurs pourraient avoir des effets bénéfiques pour le développement des enfants de 0 à 5 ans, notamment : 
 
  • Positionner l’exposition aux écrans et ses impacts comme un enjeu de santé publique en mobilisant de nombreux acteurs (Institut national de santé publique, gouvernement du Québec, organismes communautaires Famille) 

Recommandation 7

La Commission recommande de mandater l’Institut national de santé publique du Québec pour formuler, publier et promouvoir dans les différents milieux de vie, des balises progressives sur le temps d’écran suivant des stades de développement des jeunes afin d’encadrer leur utilisation. 

  • Favoriser les alternatives aux écrans, en offrant par exemple des activités sportives, culturelles, artistiques, scientifiques ou sociales gratuites ou à faible coût 

Recommandation 31

La Commission recommande de donner accès à une offre variée d’activités sportives, culturelles, artistiques, scientifiques ou sociales afin de préserver l’équilibre entre l’apprentissage numérique et le bien-être des élèves. 

  • Intégrer la question des écrans aux politiques publiques en petite enfance actuellement mises en place 

Recommandation 12

La Commission recommande de prévoir un volet traitant des impacts des écrans sur les tout-petits dans les programmes actuels tels que : Agir tôt et les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance. 

  • Sensibiliser et outiller les parents et les adultes qui prennent soin des tout-petits (famille élargie, personnel éducateur) en lien avec l’utilisation des écrans et les moyens de développer un rapport sain au numérique 

Recommandation 8

La Commission recommande que le gouvernement du Québec mette en place une stratégie nationale d’information et de sensibilisation concernant les recommandations en matière d’utilisation des écrans afin d’encourager la population et tout particulièrement les parents à les respecter. De plus, elle devrait sensibiliser les jeunes et leurs parents quant au temps d’écran et aux effets négatifs de ceux-ci.

Cette mesure devrait aussi sensibiliser et outiller les parents, les grands-parents, les familles élargies, ainsi que les intervenants jeunesse et les intervenants en petite enfance sur la façon de développer un rapport sain au numérique en soulignant les ressources et outils déjà disponibles, comme ceux offerts par Tel-Jeunes, Tel-Jeunes Parents, Capsana et nousParents. La stratégie nationale devrait adopter une approche visant l’équilibre et le bien-être, tout en cherchant à rejoindre les milieux défavorisés et les personnes vulnérables. 

  • Collecter des données sur l’utilisation des écrans et leurs effets sur la santé des tout-petits 

Recommandation 5

La Commission recommande que soit assurée une veille de l’utilisation des écrans et de leurs effets sur la santé des jeunes en collectant des données régulières sur les tout-petits, les jeunes du primaire, les adolescents et les jeunes adultes. Elle recommande de promouvoir la recherche afin notamment d’évaluer l’efficacité des initiatives mises en place et de mieux comprendre les motivations qui influencent les usages numériques des jeunes, tout en favorisant la diffusion des résultats. La Commission recommande également de documenter les effets des écrans sur la santé mentale et physique des jeunes en intégrant une analyse différenciée tenant compte par exemple des différentes populations du Québec ou des différents milieux socio-économiques afin d’adapter les interventions en conséquence. 

La petite enfance, une période clé pour agir 

La Commission reconnaît également que la petite enfance est une période cruciale pour le développement et que l’exposition des tout-petits aux écrans comporte des risques réels : 

  • Le temps que les tout-petits passent devant un écran remplace celui qu’ils pourraient consacrer à des activités essentielles à leur développement cognitif, physique et moteur.  

  • Les émissions de télévision ou les vidéos dont le rythme est rapide et qui intègrent des éléments visuels et sonores frénétiques peuvent avoir un effet négatif sur l’attention, la mémoire, la résolution de problème et l’autorégulation des tout-petits. Ces fonctions cognitives sont associées à la réussite éducative. 

  • Une exposition qui dépasse les recommandations peut entraîner des répercussions sur le comportement des enfants de 0 à 5 ans, notamment en favorisant l’agitation, l’impulsivité, l’agressivité ou des difficultés à respecter les consignes.  

La question des écrans dans les services de garde et à la maternelle 

Alors que la Commission s’est intéressée à la question des écrans à l’école, l’utilisation des écrans dans les services de garde éducatifs à l’enfance et à la maternelle 4 ans ou 5 ans n’a pas été abordée de manière spécifique.

Rappelons que des directives du ministère de la Famille encadrent déjà l’utilisation des écrans dans les services de garde éducatifs à l’enfance.

Plus précisément, le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance, qui découle de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, stipule que :
  

  • Le personnel éducateur n’est autorisé à utiliser un écran (téléviseur, ordinateur, tablette électronique) que si son utilisation est liée au programme éducatif 

  • L’exposition aux écrans est interdite pour les enfants de moins de 2 ans 

  • L’utilisation d’un écran ne doit pas dépasser 30 minutes dans une même journée 

  • Le recours aux écrans doit être ponctuel et non régulier (par exemple, une activité spéciale de temps en temps) 

Cette position est également adoptée dans les autres documents de référence pour les services de garde éducatifs à l’enfance, dont le programme éducatif Accueillir la petite enfance et Gazelle et Potiron.

« Ce qui est important pour nous, c’est de sensibiliser les intervenants de la petite enfance à appliquer ce règlement », a précisé Amélie Dionne, présidente de la Commission, lors de la présentation du rapport.

En ce qui a trait à l’éducation préscolaire, la Commission recommande que l’Institut national de santé publique élabore un cadre de référence afin de fournir des balises sur le temps d’écran en fonction de l’âge et du stade de développement des jeunes. 

Quelques réactions 

« […] La commission a compris qu’une mobilisation collective est nécessaire, en intervenant sur les différents milieux de vie dans lesquels les jeunes évoluent, comme le milieu familial, scolaire ou communautaire », Guy Desrosiers, président-directeur général de Capsana. 

« Dans le contexte où plusieurs pays se préoccupent de l’omniprésence des écrans dans nos vies, nous attendions avec impatience les résultats de la commission menée au Québec. Nous sommes heureux de constater que les expertises des organismes et spécialistes ainsi que la voix des jeunes ont été prises en considération pour émettre des recommandations en faveur de la santé et du bien-être des jeunes », Géna Casu, chargée de dossiers au Collectif Vital. 

« Le rapport positionne le Québec sur la ligne de départ pour poursuivre la réflexion sur la place des écrans dans nos vies. Il se veut une invitation à agir pour faire en sorte que les tout-petits grandissent dans des environnements qui leur permettent de se développer », Julie Cailliau, directrice de l’Observatoire des tout-petits. 

 

La Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, qui est composée de 12 députés de divers partis politiques, a été créée le 6 juin 2024.

Plus tôt cette année, ses membres ont recommandé de bannir complètement les téléphones cellulaires à l'école. Cette proposition a été accueillie favorablement par le gouvernement du Québec, qui la mettra en œuvre dès la rentrée 2025. Cette motion témoigne de l’ouverture des décideurs à positionner l’enjeu des écrans comme une priorité pour la société québécoise. 

 

Photo de Mélissa Khadra

Par Mélissa Khadra

Titulaire d’un doctorat en sciences biologiques, Mélissa Khadra œuvre dans le milieu du journalisme et de la vulgarisation scientifique depuis près de 3 ans. Avant de rejoindre l’équipe de l’Observatoire des tout-petits à titre de rédactrice scientifique, elle a collaboré avec plusieurs médias, dont La Presse, Québec Science et La Conversation Canada. Armée de son bagage de connaissances en sciences et de son amour des mots, elle s’amuse à décortiquer les sujets les plus complexes.

 

Pour aller plus loin

Consulter le rapport complet de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes

Consulter notre rapport thématique Les écrans et les tout-petits