Observatoire des tout-petits

Chroniques
2 juillet 2024

Les services de garde éducatifs de qualité, source d’importantes retombées économiques

	Les services de garde éducatifs de qualité, source d’importantes retombées économiques
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Photo de Geoffroy Boucher
Geoffroy Boucher
Économiste à l'Observatoire québécois des inégalités et consultant en politiques publiques

Il existe un fort consensus en économie quant au rendement élevé des investissements en éducation à la petite enfance. En particulier, les services de garde éducatifs de qualité génèrent d’importantes retombées. On en a discuté avec Charles Milliard*, qui était alors PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), et l’économiste Craig Alexander.

La mise sur pied d’un réseau de services de garde éducatifs accessible et de qualité permet :

  • d’accroître la participation des parents au marché du travail
  • d’améliorer la réussite éducative des enfants

Plusieurs études économiques ont évalué ces retombées. Selon la méthodologie et les hypothèses retenues par les études, le rendement varie entre 1,60$ et 5,80$ pour chaque dollar investi1.

Augmentation de la participation au marché du travail

L’accès à des services de garde abordables accroît la participation des parents sur le marché du travail, en particulier celle des femmes2. Au contraire, lorsqu’un tel accès n’est pas garanti, la participation au marché du travail des parents peut être compromise. Selon Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ, cela entraîne d’importantes conséquences économiques pour le Québec.

« Le manque de places en services de garde éducatifs a des conséquences directes sur l’essor des entreprises aux quatre coins du Québec. On observe que le manque de places est associé à une hausse du taux d’absentéisme et à une diminution des heures travaillées. La conciliation travail-famille représente un défi pour de nombreux parents. Trop souvent, ce sont des femmes qui sont victimes du manque d’accès aux services de garde et qui doivent retarder leur retour au travail. » - Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ

L’adoption de la toute première politique familiale du Québec en 1997 a permis à un grand nombre de femmes de faire leur entrée sur le marché du travail3. Alors que le Québec se retrouvait au bas de l’échelle des provinces canadiennes quant à l’emploi chez les femmes il y a trente ans, il occupe aujourd’hui le 1er rang. Le taux d’emploi des femmes âgées entre 25 et 54 ans est passé de 63,8 % en 1990, à 85,6 % en 2023.

L’une des mesures phares de la politique familiale est d’ailleurs le réseau des services de garde éducatifs à tarif réduit. Selon les travaux de l’économiste Pierre Fortin, cette mesure a permis l’entrée de 70 000 femmes supplémentaires sur le marché du travail québécois entre 1998 et 20084. Cette augmentation de la participation au marché du travail a eu pour effet d’accroître le revenu des ménages et de générer d’importantes recettes fiscales pour les gouvernements.

Amélioration de la réussite scolaire des enfants

La grande majorité du développement du cerveau se produit durant la petite enfance, soit de la naissance à l’âge de 5 ans6. Le potentiel d’apprentissage y est alors à son maximum. Plusieurs études ont démontré que des services de garde éducatifs de qualité pouvaient améliorer le développement cognitif des enfants durant cette période charnière et, ainsi, contribuer à la réussite éducative7. L’effet serait particulièrement important chez les enfants provenant de milieux défavorisés8.

« Une grande partie du développement du cerveau se produit avant l’entrée à l’école primaire. L'éducation à la petite enfance peut contribuer à la réussite scolaire et réduire les besoins futurs en matière d'éducation spécialisée, ce qui peut représenter une économie importante pour le système d'éducation. » - Craig Alexander, président et économiste en chef de Alexander Economic Views

Les retombées économiques qui découlent d’une amélioration de la réussite scolaire des enfants et d’une réduction du décrochage sont significatives. À titre illustratif, l’écart de revenu d’emploi annuel entre une personne sans diplôme et une personne ayant un diplôme d’études secondaires est de plus de 7 000$ au Québec. Cet écart est encore plus élevé pour les personnes ayant un diplôme de niveau collégial (19 000$ de plus qu’un personne sans diplôme) et universitaire (45 000$ de plus)9.

Des rendements élevés à une condition : la qualité

Alors que les retombées sur le marché du travail se manifestent dès lors que les services de garde sont abordables et accessibles, celles sur la réussite scolaire des enfants requièrent un critère supplémentaire : les services de garde éducatifs doivent être de qualité.

En effet, selon l’OCDE, la qualité éducative est cruciale. Non seulement les services de garde éducatifs de mauvaise qualité ne permettent pas de rentabiliser les investissements en éducation à la petite enfance, mais ils peuvent également créer ou aggraver les problèmes de développement chez certains enfants et générer d’importants coûts pour la société12.

Alors que le Vérificateur général du Québec dressait un portrait fort préoccupant de la qualité dans le réseau des services de garde éducatifs au Québec dans son plus récent rapport13, Craig Alexander croit que les gouvernements ont tout à gagner à investir les ressources nécessaires pour améliorer la qualité de ces services. « Il s’agit là d’un investissement particulièrement rentable et porteur pour l’ensemble de la société. »

Les investissements en éducation à la petite enfance au Québec
Selon l’OCDE, un investissement de 1% du PIB est nécessaire pour assurer des services de qualité en éducation à la petite enfance. En 2023, le Québec consacrait 0,93 % de son PIB10 aux services de garde éducatifs à l’enfance et à l’enseignement préscolaire, loin derrière des pays comme la Suède (1,6 %), la Norvège (1,4 %) et la France (1,3 %)11.

 

Photo de Geoffroy Boucher

Par Geoffroy Boucher

Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.

 

Notes de fin

*Cette chronique a été rédigée avant que M. Milliard annonce son départ de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

1. Conference Board du Canada (2017), « Ready for Life: A Socio-Economic Analysis of Early Childhood Education and Care ».
2. Youjin Choi (2023), « Participation au marché du travail des parents ayant de jeunes enfants », Rapports économiques et sociaux, Statistique Canada.
3. Melissa Moyser (2017). « Les femmes et le travail rémunéré », dans le dossier Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe, Statistique Canada, n° 89-503-X, catalogue 43.
4. Pierre Fortin, Luc Godbout et Suzie St-Cerny. « Impact of Quebec’s Universal Low-Fee Childcare Program on Female Labour Participation, Domestic Income, and Government Budgets », Université de Toronto.
5. Craig Alexander (2023). « Maximizing Economic and Social Returns on Investments in Early Education », Alexander Economic Views.
6. Timothy Brown et Terry Jernigan (2012). « Brain development during the preschool years », Neuropsychology Review.
7. Pascale Domond et al. (2020), « Child Care Attendance and Educational and Economic Outcome in Adulthood », Pediatrics; Julie C. Laurin et al. (2015), « Child Care Services, Socioeconomic Inequalities, and Academic Performance », Pediatrics.
8. Edward Melhuish, Jacqueline Barnes, Brenda Taggart, et al. (2019). « A Study of the Long-Term Influence of Early Childhood Education and Care on the Risk of Developing Special Education Needs », Exceptionality Education International; Julie Poissant (2016), « Analyse contextualisée sur le développement des enfants à la maternelle », Institut national de santé publique du Québec.
9. Statistique Canada (2020), « Tableau 37-10-0152-01 Revenu d'emploi moyen, selon le groupe d'âge et le plus haut certificat, diplôme ou grade. »
10. Calculs de l’auteur basé sur le Plan budgétaire du Québec 2024-2025 du Gouvernement du Québec et le Rapport sur l’éducation à la petite enfance 2023 du Atkinson Centre for Society and Child Development.
11. Organisation de coopération et de développement économiques (2023), Public spending on childcare and early education.
12. Organisation de coopération et de développement économiques (2020), « Early Childhood Education : Equity, Quality and Transitions – Report for the G20 Education Working Group ».
13. Vérificateur général du Québec (2024), « Qualité des services de garde éducatifs à l’enfance » dans Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2023-2024, mai 2024.

 

Pour aller plus loin

Observatoire des tout-petits, Pourquoi agir tôt?

Vérificateur général du Québec, rapport sur la qualité des services de garde éducatifs à l’enfance.