Accès aux services de garde éducatifs à coûts réduits pour les familles demandeuses d’asile : ce qu’il faut savoir
La question à savoir si les tout-petits des familles demandeuses d’asile peuvent fréquenter les services de garde éducatifs subventionnés n’est pas encore réglée. Or, ce que la recherche montre, c’est que ces enfants vivent des inégalités qui compromettent leur développement et que fréquenter ces milieux de garde leur serait particulièrement bénéfique, ainsi qu’à leur famille et à toute la société par le fait même.
Une saga juridique qui dure depuis 6 ans :
- De 2015 à 2018, les enfants des familles demandeuses d’asile sont considérées comme admissibles aux services de garde subventionnés.
- En 2018, le gouvernement du Parti libéral du Québec retire l’accès aux services de garde éducatifs à coûts réduits aux enfants des familles demandeuses d’asile. Il fonde sa décision sur une réinterprétation de l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, qui mentionne que le parent admissible au paiement de la contribution réduite « séjourne au Québec principalement afin d’y travailler ». Jugeant que les familles demandeuses d’asile ne sont pas au Québec principalement pour travailler, le gouvernement libéral les exclut de cette définition.
- La cause est portée devant les tribunaux par le Comité accès garderie, qui regroupe notamment Amnistie internationale Canada francophone, le Collectif Bienvenue et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes [TCRI], avec le soutien de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
- La Cour supérieure du Québec donne raison aux familles demandeuses d’asile en mai 2022, en statuant que le gouvernement n’était pas habilité à réinterpréter le Règlement sur la contribution réduite.
- En juin 2022, le gouvernement de la Coalition avenir Québec porte la décision de la Cour supérieure en appel.
- Le 7 février dernier, la Cour d’appel déboute le gouvernement du Québec en déterminant qu’exclure les enfants des familles demandeuses d’asile des services de garde subventionnés est discriminatoire, puisque cela touche davantage les femmes et constitue un frein pour rejoindre le marché du travail.
- Le 21 février, le gouvernement présente une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada. Il dépose également une demande de sursis d’exécution du jugement rendu le 7 février.
Des familles particulièrement vulnérables
Selon l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, les enfants qui sont en maternelle 5 ans nés à l’extérieur du Canada sont plus susceptibles d’être vulnérables dans au moins une sphère de développement que ceux nés au Canada (37 % c. 28 %).
Le processus d’immigration peut en effet affecter le développement des tout-petits de plusieurs façons :
- Immigrer demande aux enfants une adaptation psychologique et socioculturelle importante.
- Les familles demandeuses d’asile peuvent connaître des parcours migratoires éprouvants, voire traumatisants.
- Selon l’Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle 2022, les familles immigrantes déménagent plus souvent. Elles sont aussi plus susceptibles de vivre dans des logements qui présentent au moins une forme de nuisances (moisissure, odeurs, problèmes d’insectes ou de rongeurs).
Cette vulnérabilité chez les enfants de familles immigrantes est de plus en plus observée par les intervenantes et intervenants sur le terrain.
L’accès aux services de garde subventionnés : qu’est-ce que ça change?
- Ils favorisent l’intégration des parents au marché du travail et à la société. Faire garder les enfants permet aux parents de suivre des cours de francisation, d’étudier ou de travailler. « Sans accès à un service de garde abordable, les mères demandeuses d’asile se retrouvaient isolées, privées de formation, d’emploi et de revenu », rappelle le Comité accès garderie sur son site web.
- Ils facilitent l’apprentissage du français et l’intégration des tout-petits dans leur société d’accueil. Des initiatives en ce sens sont d’ailleurs mises en place par certains services de garde éducatifs (p. ex. : activités de découvertes culturelles, ateliers de discussions entre les parents, programmes favorisant les activités multiculturelles).
- Ils constituent un facteur de protection durant la petite enfance. Selon des données recueillies à Montréal, les enfants nés à l’extérieur du Canada qui ont fréquenté exclusivement un CPE sont cinq fois moins susceptibles d’être vulnérables dans au moins un domaine du développement que ceux qui n’ont fréquenté aucun service éducatif.
Le directeur général de la TCRI Stephan Reichhold est déçu d’apprendre que le gouvernement compte contester en Cour suprême la décision de la Cour d’appel. Selon lui, donner accès aux services de garde subventionnés aux enfants des familles demandeuses d’asile permettrait aux parents d’intégrer le marché du travail plutôt que de se tourner vers l’aide sociale dans certains cas. « On en sortirait gagnant sur tous les plans, autant sur les plans économique, social que celui de la justice », clame-t-il.
Plusieurs personnes s’inquiètent de la capacité du Québec d’accueillir davantage d’enfants dans les services de garde éducatifs subventionnés, vu le manque de places et la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons. À cela, Stephan Reichhold répond : « On ne dit pas que les enfants demandeurs d’asile doivent être priorisés dans l’accès aux services de garde éducatifs. On veut tout simplement qu’ils aient le droit, comme n’importe quel autre enfant au Québec, d’être inscrit sur une liste d’attente. »
Par Amélie Cournoyer
Pour en savoir plus
Lire la chronique Comment se portent les tout-petits issus de l’immigration?
En apprendre plus sur le Comité Accès garderie
Découvrir la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes
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