Ce qu’il faut retenir du rapport Votre histoire de la commission Laurent
Après sept mois d’audience, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ) présidée par Régine Laurent a déposé une synthèse de ses travaux. Elle résume, entre autres, les 1 600 appels et messages reçus via les moyens de communication mis à la disposition par la Commission.
La Commission a ainsi rendu public deux rapports : la synthèse des 42 forums régionaux qui résume les propos tenus par les citoyens et les professionnels lors des assemblées publiques partout au Québec, et Votre histoire qui résume les témoignages reçus de citoyens et de professionnels ayant eu affaire avec la DPJ ou qui souhaitaient livrer leur opinion.
Mandatée par le gouvernement le 30 mai 2019 à la suite du décès tragique d’une fillette de 7 ans de Granby, la Commission spéciale doit remettre son rapport final et ses recommandations au gouvernement du Québec au plus tard le 30 novembre 2020.
Votre histoire, synthèse des témoignages
Le rapport intitulé Votre histoire récapitule les témoignages reçus de citoyens et de professionnels ayant eu affaire avec la DPJ ou qui souhaitaient livrer leur opinion.
À noter que 81% des communications (entrées via ligne téléphonique, boîte courriel et formulaire en ligne) sont venues de citoyens et parmi celles-ci, la moitié venaient de parents dont les enfants étaient ou avaient été suivis par les services de protection de la jeunesse. Le rapport présente les éléments les plus récurrents tirés des histoires, des expériences et des points de vue livrés. Voici les principales problématiques soulevées par les citoyens et les professionnels.
La qualité des services et le fonctionnement de la DPJ
- La neutralité et l’impartialité des directions de la protection de la jeunesse sont remises en question;
- Les grands-parents ne se sentent pas assez considérés;
- Les familles où il y a des situations de violence conjugale ou des conflits sévères liés à la séparation reçoivent parfois une intervention teintée de mauvaise interprétation de la part de la DPJ.
La qualité de la relation d’aide
- Les relations entre parents et intervenants sont houleuses, il y a un manque d’écoute et de considération;
- Les parents se questionnent quant aux compétences et à l’impartialité des intervenants.
L’accessibilité des services
- Les services d’aide et d’accompagnement (par exemple, des services psychologiques ou de coaching parental) sont difficiles à obtenir;
- Il y a parfois bris de service lors d’un signalement à la DPJ (de la part d’un service d’aide, au CLSC, par exemple).
L’aspect juridique
- Les citoyens rapportent se sentir injustement traités durant le processus judiciaire entourant la protection de la jeunesse;
- Les délais et les reports sont fréquents dans ce qui est appelé la «surjudiciarisation» des dossiers;
- Il y a un manque d’informations quant aux droits des citoyens et au processus judiciaire.
Les familles d’accueil et l’adoption
- Il existe une grande lourdeur administrative pour les familles d’accueil tout comme pour celles qui veulent adopter;
- Qu’elles soient familles d’accueil ou d’adoption, elles se sentent peu écoutées, peu accompagnées et peu suivies;
- Les relations avec la famille biologique sont complexes; d’un autre côté, les membres de la famille proche (tantes, oncles, etc.) avancent que le processus pour être reconnu comme famille d’accueil de proximité est trop long.
Les placements
- Plusieurs enfants connaissent un parcours instable, entre familles d’accueil, famille biologique et centres de réadaptation;
- Il y a peu ou pas du tout de consultations auprès des jeunes;
- Les parents ont des préoccupations quant aux coûts liés au placement de leurs enfants.
La confidentialité
- Les familles d’accueil et les grands-parents déplorent un manque d’informations quant au vécu des enfants qu’ils accueillent. Cela rend plus difficile de répondre aux besoins de l’enfant et nuit à la collaboration entre les services. À l’inverse, dans certaines régions où la communauté est plus petite, la confidentialité semble bafouée.
La perception des services sociaux et judiciaires (des citoyens qui ont témoigné de leur histoire) est teintée par leur désarroi face au système. Certains citoyens ont confié qu’il y avait « abus de pouvoir, un manque de neutralité et d’impartialité, que les intervenants n’étaient pas imputables de leurs actes, qu’il y avait une absence de contre-pouvoir et que le système de plaintes ne donnait rien.
- Régine Laurent lors de l’audience du 29 mai
Cinq recommandations préliminaires
Avant le dépôt de ces deux rapports, le 18 décembre dernier, Régine Laurent émettait des recommandations, toutes liées à la prévention et au soutien des familles vulnérables. La présidente jugeait alors qu’il était important de tout de suite les énoncer, parce que « le temps presse » pour les enfants vulnérables, avait-elle laissé entendre.
Voici les cinq principales:
- Déclaration de grossesse obligatoire de la part des femmes du Québec afin que des services de soutien se mettent en branle systématiquement;
- Bonification et déploiement, partout au Québec, du programme de Services intégrés de périnatalité et pour la petite enfance qui permet d’agir rapidement et efficacement dans la grossesse lorsque la femme enceinte ou la mère n’a pas terminé ses études secondaires et vit sous le seuil de faible revenu;
- Financement bonifié des 260 organismes communautaires liés au développement des enfants;
- Mise en place de stratégies pour rejoindre les familles vulnérables afin qu’elles utilisent les 5 % de places en CPE qui leur sont réservées;
- Déploiement dans toutes les régions du Québec du Programme Qualification des jeunes (PQJ) qui offre du soutien supplémentaire aux adolescents, trop souvent laissés à eux-mêmes à partir de 18 ans