Commission Laurent : pour la mise en place d'un Directeur national de la protection de la jeunesse
La Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse présentait quelques constats et orientations lors d’une conférence de presse le 30 novembre dernier.
À la date initiale à laquelle la Commission devait déposer son rapport final, les commissaires ont voulu souligner l’urgence d’agir pour les enfants de la DPJ du Québec. À la suite des travaux réalisés entre la mi-mars et la fin juillet, les 12 commissaires se sont entendus sur les orientations à donner à leur rapport final. Ils ont aussi convenu de l’urgence de faire une première recommandACTION officielle, la création d’un Directeur national de la protection de la jeunesse.
«Nous sommes d’avis que le Québec dispose d’un actif important de compétences et d’expertises. Nous reconnaissons également que le travail des intervenants en matière de soutien et d’accompagnement a été fragilisé au fil des ans. Nous reconnaissons l’alourdissement de la charge de travail. De plus, le manque de soutien et d’accompagnement sont des enjeux sensibles à considérer. Nous entendons une grande volonté de faire ensemble et de faire mieux pour nos enfants.» - Extrait des Constats et orientations du 30 novembre
Quelques constats faits par les commissaires :
- Les décisions ne sont pas toujours prises dans l’intérêt de l’enfant. Celui-ci n’est pas toujours au centre des actions. L’enfant n’a pas de voix et ses droits doivent être réaffirmés.
- La société dans son ensemble – et non seulement la protection de la jeunesse- doit construire un cercle de bienveillance autour de l’enfant.
- Les enfant ont besoin, pour se développer sainement, de vivre au sein d’une famille stable et permanente, entourés d’adultes qui les aiment et auxquels ils peuvent s’attacher pour la vie.
- Les familles, parents et jeunes, ainsi que les intervenantes sont en détresse.
- Les enfants autochtones sont surreprésentés en protection de la jeunesse et les services ne tiennent pas compte de leur contexte historique et culturel ainsi que de leurs langues et de leurs valeurs.
- Le travail en silo et la fragilité des services de proximité favorisent une hausse constante de signalements depuis 40 ans.
- Les pratiques en protection de la jeunesse sont insuffisamment centrées sur la participation, la mobilisation et la collaboration des jeunes et des parents.
- Des changements au niveau des pratiques judiciaires sont requis.
- Il existe un problème de leadership et d’imputabilité.
- Le financement est encore inadéquat et ce, depuis toujours.
Quelques thématiques se sont imposées aux commissaires :
- Les décisions qui concernent les enfants doivent tenir compte de la notion du "temps de l’enfant", particulièrement chez les enfants de 0 à 5 ans. En effet, plusieurs témoins ont souligné l'importance d'agir rapidement et avec intensité en assurant permanence, stabilité et continuité afin de permettre aux enfants de préserver ou développer des liens d'attachement sains et sécurisants.
- La transition vers la vie adulte doit se poursuivre au-delà de 18 ans.
- Les enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale et de conflits sévères de séparation ont besoin d’être protégés efficacement.
- Plusieurs obstacles nuisent à l’engagement des familles d’accueil. Elles ont besoin d’être davantage reconnues et soutenues pour s’engager en plus grand nombre.
- L’offre de services en réadaptation doit être revue et doit tenir compte du traumatisme vécu.
- Les services sont insuffisamment adaptés pour tenir compte des besoins des minorités ethnoculturelles et linguistiques pour assurer des services dans le respect de leurs droits.
- Les disparités régionales sont omniprésentes et indiquent l’absence d’une offre de services homogène pour les enfants du Québec.
Quelques orientations qui guideront la rédaction du rapport final, attendu le 30 avril 2021
- Un positionnement sociétal qui favorisera l’établissement d’une société bienveillante à l’égard des enfants.
- L’importance d’avoir accès à des services adéquats de prévention afin que le signalement à la DPJ cesse d’être la porte d’entrée aux services à la jeunesse et que seuls les enfants qui en ont besoin se retrouvent en protection de la jeunesse.
- La nécessité pour l’enfant d’avoir une famille pour la vie qui le soutient et l’accompagne.
- Le besoin impératif de réunir l’ensemble des acteurs pour simplifier et coordonner le parcours des services à la jeunesse.
- Un meilleur soutien aux intervenantes, de meilleures conditions de pratique et une offre de services cliniques plus uniforme partout au Québec
- Des changements législatifs qui soutiennent ces orientations.
- Un «modèle de gestion» revisité qui accroît le leadership et l’imputabilité.
- Et surtout, une grande cible : que la parole, l’intérêt, le bien-être et les droits de l’enfant soient réaffirmés comme les critères absolus dont il faut tenir compte dans toute décision concernant l’enfant.
Pour la création d’un Directeur national de la protection de la jeunesse
À la lumière de ces constats et orientations, les commissaires ont établi que les enjeux du leadership et de l’imputabilité en protection de la jeunesse se sont imposés comme une dimension sur laquelle il est urgent d’agir. Les commissaires proposent donc la mise en place immédiate d’une autorité provinciale, le Directeur national de la protection de la jeunesse, qui aurait un statut de sous-ministre.
Le mandat du Directeur national de protection de la jeunesse serait de:
- Développer et harmoniser les pratiques en protection de la jeunesse.
- Promouvoir les besoins des enfants et des familles vulnérables du Québec et effectuer les représentations nécessaires pour y répondre tant au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux qu’auprès des ministères concernés par l’enfance en difficulté afin d’assurer une utilisation judicieuse du recours à la Loi de la protection de la jeunesse (LPJ).
- Déterminer les orientations et les normes de pratique clinique et de gestion applicables à la protection de la jeunesse.
- Assurer la mise en œuvre et le respect des orientations et normes de pratique dans toutes les régions du Québec.
- Exercer un leadership et soutenir l’action des DPJ régionaux, des directions de programme jeunesse et des responsables de contentieux à l’égard d’une mise en œuvre cohérente de la LPJ.
- Exercer les contrôles requis pour assurer que les interventions en protection de la jeunesse respectent les plus hauts standards.
- Assurer une concertation efficace des ministères de la Santé et des Services sociaux, de la Justice et de la Sécurité publique, conjointement responsables de l’application des lois particulières.
- Exercer un suivi rigoureux sur les parcours de services aux enfants et aux familles et voir à mesurer les effets des interventions.
- Participer au processus de sélection et de nomination des DPJ régionaux.
«Cette fonction est un premier pas majeur pour rétablir le leadership en protection de la jeunesse, une imputabilité sur le déploiement de l’uniformisation des meilleures pratiques et un engagement à collaborer au développement d’un parcours jeunesse qui fait tout en son pouvoir pour que seuls les enfants qui en ont véritablement besoin se retrouvent en protection de la jeunesse.» - Extrait des Constats et orientations du 30 novembre
Le ministre délégué réagit
Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a accueilli les constats et les orientations déposés par la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse. Il promet de les analyser en profondeur et affirme qu'ils permettront d'orienter les efforts déjà en cours afin d'améliorer l'ensemble des services offerts aux enfants en difficulté et à leur famille.
«La sécurité et le bien-être de chaque enfant sont au centre des priorités du gouvernement. La création d'un poste de directeur national de la protection de la jeunesse est très intéressante et va dans le sens de ma réflexion. Nous entendons donner suite rapidement à la Commission sur cette recommandation. Les travaux de la Commission sont d'une grande importance, et les constats témoignent du travail colossal accompli. J'en profite également pour remercier tous ceux et celles qui ont partagé leur expérience et qui ont fait entendre leur voix. La volonté de tous de changer les choses pour faire encore mieux pour nos enfants est sans équivoque.» - Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux du Québec