Payer son épicerie ou payer son loyer?
Directrice de l’Observatoire des tout-petits de 2015 à 2023
Comme chaque année, le mois de mars marque le mois de la nutrition. À cette occasion, les nutritionnistes de partout au Canada nous rappellent l’importance d’adopter une saine alimentation. Or, pour de nombreuses familles, le défi de bien se nourrir n’a jamais été aussi grand.
La hausse du prix des aliments, qui a connu un sommet au cours de la dernière année, menace de grimper d’encore 5 à 7 % en 2023 selon les experts. Quelles seront les conséquences pour les familles, et surtout, quels choix de société pouvons-nous faire pour aider petits et grands à se nourrir adéquatement ?
Ne pas être en mesure de se procurer des aliments nutritifs en quantité suffisante pour répondre à ses besoins peut avoir de graves conséquences sur la santé physique et psychologique, ainsi que sur la qualité de vie de tous les membres d’une famille. Ces conséquences sont particulièrement importantes chez les jeunes enfants. Dès la grossesse, la non-satisfaction des besoins nutritionnels de la mère entraîne un risque accru pour la santé et le développement de l’enfant.
Pendant la petite enfance, les enfants qui vivent de l’insécurité alimentaire sont plus à risque de présenter des retards de développement ainsi que des symptômes d’hyperactivité et d’inattention. Ils sont aussi plus susceptibles à long terme de développer des maladies chroniques et de rencontrer des difficultés à l’école.
Un récent sondage de l’Observatoire des tout-petits révèle qu’un parent sur trois vit un stress élevé par rapport à sa situation d’habitation et que deux parents sur cinq craignent de ne pas pouvoir boucler leurs fins de mois et payer leurs factures. Cette proportion est encore plus grande chez les familles monoparentales, chez celles ayant un revenu de moins de 40 000 $ par année et chez les familles immigrantes. Or, payer son hypothèque ou son loyer est une dépense qu’on ne peut pas repousser. Les parents sont donc parfois obligés de réduire d’autres dépenses, comme la facture d’épicerie.
Selon l’Observatoire québécois des inégalités, les services d’aide alimentaire sont conçus comme des mesures d’urgence essentielles visant à atténuer l’insécurité alimentaire. D’autres initiatives, comme le suivi Olo, les programmes d’alimentation scolaire dans les écoles ou encore les cuisines collectives, participent aussi au filet de sécurité venant en aide aux familles.
Toutefois, pour réduire de façon durable l’insécurité alimentaire, ces mesures doivent s’accompagner de politiques publiques structurantes. Par exemple, les mesures de soutien financier aux familles vulnérables et l’augmentation du salaire minimum peuvent augmenter le pouvoir d’achat des familles. L’amélioration de l’accès à un logement abordable peut quant à elle aider à contrôler le coût de la vie.
Si nous sommes tous préoccupés par la hausse du prix des aliments, certaines familles doivent en plus jongler avec un loyer trop cher pour leurs moyens. Des acteurs terrain observent ces besoins grandissants et déplorent le manque de ressources pour y répondre. Alors que les gouvernements provincial et fédéral ont déposé leur budget, assurons-nous que les familles et les tout-petits les plus affectés par l’inflation et la crise du logement peuvent s’en sortir indemnes.
Fannie Dagenais