Inégalités environnementales : les tout-petits du Québec sont à risque
Directrice de l’Observatoire des tout-petits de 2015 à 2023
Nous ne sommes pas tous égaux face aux enjeux environnementaux. C’est ce qu’affirme la Fondation David Suzuki dans son récent rapport Pour une justice environnementale québécoise.
En effet, certains d’entre nous subissent davantage les conséquences des changements climatiques ou sont plus exposés aux polluants. C’est le cas notamment des jeunes enfants, tout particulièrement ceux provenant de milieux défavorisés. Ce triste constat préoccupe l’équipe de l’Observatoire des tout-petits.
Parce qu’ils jouent au sol et peuvent porter leurs mains ou des objets à leur bouche, les tout-petits sont plus exposés aux polluants présents dans leur environnement. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Direction de la santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue a mené, en 2018, une étude sur l’exposition des tout-petits du quartier Notre-Dame à différents contaminants. Cette étude concluait que les tout-petits habitant ce quartier, situé à proximité de la Fonderie Horne, étaient en moyenne 3,7 fois plus exposés à l’arsenic – une substance cancérigène reconnue – que les enfants habitant la ville d’Amos.
Vulnérabilité des tout-petits
Pendant la petite enfance, le cerveau, le système nerveux et les organes des tout-petits sont en plein développement. Pour cette raison et parce que leur corps est moins apte à neutraliser les substances toxiques que celui des adultes, les tout-petits sont plus susceptibles d’être affectés par une exposition aux contaminants. Ces effets pourraient même se produire dès la grossesse. Par exemple, l’exposition des femmes enceintes à la pollution atmosphérique – produite, entre autres, par la combustion de l’essence des voitures, des appareils de chauffage et du tabac – occasionnerait des modifications aux structures du cerveau des bébés, observables plusieurs années plus tard.
Les inégalités environnementales peuvent exacerber les inégalités sociales existantes. D’abord, parce que les familles et les tout-petits moins fortunés, ou encore issus des communautés racisées ou autochtones, se trouvent davantage exposés aux risques environnementaux. Par exemple, dans plusieurs villes du Québec, il y a moins de végétation dans les quartiers où vivent les familles à plus faible statut socioéconomique. Ces familles sont donc plus exposées aux risques liés aux canicules, qui sont accélérées par les changements climatiques.
Accumulation des facteurs de risque
De plus, ces familles ne sont pas en mesure d’éviter les risques ou de faire face à l’exposition. Par exemple, les ménages à faible revenu habitant des quartiers où les îlots de chaleur sont nombreux ne peuvent souvent pas se permettre de déménager, en raison du coût élevé des loyers. Enfin, ces familles sont souvent déjà exposées à d’autres facteurs de risque. Selon la Société canadienne de pédiatrie, les risques de morbidité et de mortalité liés à la chaleur sont, par exemple, plus élevés chez les tout-petits vivant dans un logement insalubre ou mal adapté aux écarts de température (avec peu de fenêtres, mal isolé, sans climatisation).
La grande vulnérabilité des jeunes enfants face aux enjeux environnementaux est encore méconnue. En cette Journée mondiale de l’environnement, n’est-il pas temps de la reconnaître, d’y accorder toute notre attention et de penser à l’avenir que nous léguons aux tout-petits?
Fannie Dagenais