Observatoire des tout-petits

Chroniques
5 juin 2025

Le transport collectif, levier du développement des tout-petits

Le transport collectif, levier du développement des tout-petits
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Photo de Geoffroy Boucher
Geoffroy Boucher
Économiste et président de Décimal, analyses et politiques publiques

Un réseau de transport collectif efficace facilite grandement l’accès pour les familles aux services et aux infrastructures nécessaires au bon développement des tout-petits. Or, l’offre de transport en commun est très inégale sur le territoire québécois. Des solutions existent cependant pour mieux répondre aux besoins des familles. 

En plus de faciliter l’accès aux services de garde éducatifs, aux soins de santé, et aux infrastructures comme les parcs, les centres de loisirs et les bibliothèques, le transport collectif bénéficie à la santé des parents et de leurs enfants puisqu’il implique souvent des distances à parcourir à pied. Il contribue aussi à diminuer le trafic automobile, rendant ainsi les quartiers plus sécuritaires et favorables au jeu libre des enfants dans les rues du voisinage.  

Or, l’accès au transport en commun varie significativement sur le territoire québécois. En milieu urbain, 82,9 % des personnes habitent à moins de 500 mètres d'un arrêt de transport en commun. En milieu rural, cette proportion chute à 14 %.  

 Proportion des la population vivant à 500 mètres d'un arrêt de transport en commun, Québec, 2024

Des conséquences multiples pour les familles 

Selon la coordonnatrice Équité territoriale à Vivre en Ville, Florence Desrochers, le manque d’infrastructures pour la marche et le vélo, combiné à l’absence d’accessibilité universelle – qui vise à éliminer les obstacles qui se présentent à tous – incite de nombreuses familles à opter pour la voiture. « Quand on considère tous ces défis, l’achat d’une voiture, voire d’une deuxième voiture, est souvent une voie privilégiée des familles. Or, une voiture, ça coûte excessivement cher. » 

Selon la professeure et directrice du Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, Marie-Soleil Cloutier, l’usage prédominant de la voiture par les familles a plusieurs conséquences. « Le temps passé dans la voiture n’est pas toujours du temps de qualité passé avec les jeunes enfants. De plus, lorsqu’un enfant se déplace principalement en voiture, celui-ci a plus de difficulté à bien percevoir son quartier, les espaces et les distances. S’ajoutent à cela les risques en lien avec la sécurité routière, lorsque les enfants sont peu exposés aux déplacements piétons. »  

La complexité des déplacements : un défi du quotidien pour les familles 

Marie-Soleil Cloutier souligne qu’au Québec, plusieurs municipalités ayant un service de transport collectif offrent un accès gratuit aux enfants et aux familles, selon diverses formules. Par exemple, la Société de transport de Montréal offre la gratuité pour les 0-5 ans, ainsi que pour un maximum de cinq enfants âgés de 6 à 11 ans lorsqu’ils sont accompagnés d'une personne de 14 ans et plus munie d’un titre de transport. La ville de Mont-Tremblant offre, quant à elle, un service d’autobus gratuit pour tous les usagers, y compris les enfants, en tout temps. De telles politiques permettent d’éviter les coûts élevés qui peuvent freiner l’usage du transport collectif par les familles. 

Or, la présence d’infrastructures de transport en commun et le faible coût ne garantissent pas à eux seuls que les familles utilisent le transport collectif. Les trajets offerts doivent répondre aux besoins des familles, ce qui est rarement le cas. « Quand on doit aller porter un enfant à la garderie, l’autre à l’école, puis se rendre au travail, chaque minute compte, souligne Mme Desrochers. Dans plusieurs milieux, la fréquence de passage des autobus n’est pas assez élevée pour permettre de déposer les enfants puis de se rendre au travail dans un temps raisonnable. »

Marie-Soleil Cloutier ajoute que les destinations d’intérêt pour les familles, telles que les centres de loisirs, sont parfois difficilement accessibles en transport en commun, la planification des réseaux étant souvent centrée sur les trajets domicile-travail.  

Certaines sociétés de transport s’efforcent toutefois de proposer des solutions plus souples et mieux adaptées aux réalités des familles. C’est notamment le cas de la Régie intermunicipale de transport Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (RÉGÎM), qui offre un service d’autopartage ainsi que des trajets personnalisés sur demande.  

Développer l’offre de transport collectif  

Améliorer la mobilité des tout-petits et de leurs familles requiert un meilleur financement des infrastructures de transport collectif, et ce, sur l’ensemble du territoire québécois. Les défis sont particulièrement importants en milieux rural et périurbain, où la faible densité de population complique la mise en place de services réguliers et abordables. 

 

« Il semble assez évident que le nœud du problème réside dans notre dépendance collective à l’automobile. En densifiant nos milieux de vie, en proposant des infrastructures de déplacements actifs et en réduisant les distances que les familles ont à parcourir entre leurs différentes activités, on s’assure de leur offrir toutes les conditions gagnantes pour une mobilité qui soit agréable, accessible et efficace. » - Florence Desrochers, coordonnatrice - Équité territoriale à Vivre en Ville 

Il est essentiel d’adopter une approche intégrée en matière de mobilité, mais pas seulement. Marie-Soleil Cloutier précise que les politiques de mobilité doivent être accompagnées de mesures favorisant le logement familial, afin de permettre aux familles qui le désirent de s’établir dans les centres urbains plutôt qu’en périphérie et ainsi réduire potentiellement leur dépendance à la voiture.

Lorsqu’il est envisagé dans une telle approche intégrée, le transport collectif constitue un levier pour soutenir la mobilité des familles et faciliter l’accès aux services, contribuant ainsi au bien-être des tout-petits. 

 

 

Photo de Geoffroy Boucher

Par Geoffroy Boucher

Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Il agit aujourd’hui à titre d’économiste à l’Observatoire québécois des inégalités et comme président de Décimal, analyses et politiques publiques.

 

 

Pour aller plus loin

Consulter le chapitre sur l’accès au transport collectif dans le Portrait des politiques publiques de l’Observatoire des tout-petits 

Consulter le dossier spécial Planifier la mobilité durable de Vivre en ville

Explorer les projets du Collectif inclusif : un accès sécuritaire pour tous