Éducation par la nature : les tout-petits gagnent à jouer dehors
Les bienfaits de la nature sur le développement des enfants, plus précisément chez les tout-petits, sont bien réels et multiples. C’est sur cette prémisse que repose l’éducation par la nature, une approche pédagogique qui vise à maximiser le temps passé à l’extérieur.
Les enfants passent de moins en moins de temps à l’extérieur et sont de moins en moins en contact avec la nature. C’est ce qu’on appelle le « syndrome du déficit de la nature », phénomène décrit pour la première fois par Richard Louv, auteur et journaliste américain, dans son livre Last Child in the Woods: Saving Our Children From Nature-Deficit Disorder, publié en 2005.
Quelques années plus tard, le journaliste québécois François Cardinal lui emboîte le pas et publie Perdus sans la nature en 2010, un essai qui traite des conséquences qui découlent de la sédentarité accrue des enfants et de la disparition de la nature de leur quotidien.
Heureusement, il n’est pas trop tard pour renverser la vapeur.
C’est ici qu’entre en jeu l’éducation par la nature, une approche pédagogique expérientielle qui vise à reconnecter les enfants à la nature, que ce soit en forêt ou en milieu urbain.
Des bienfaits indéniables
Mathieu Point, chercheur au département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières et cotitulaire de la Chaire d’excellence en enseignement « Éducation par la nature et territoire apprenant », consacre une partie de ses travaux de recherche à développer des manières d’intégrer la nature aux pratiques pédagogiques, du préscolaire à l’université.
Pour les tout-petits, ce type d’approche qui intègre un contact avec la nature est positif et, surtout, important.
Au-delà des bénéfices sur le développement moteur, les situations d’apprentissage mises en place dans des environnements extérieurs naturels ont des bienfaits sur le développement global des enfants, notamment sur le plan social.
« De nombreuses études ont démontré qu’à l’extérieur, les enfants ont tendance à coopérer pour trouver des solutions, à demander de l’aide », ajoute-t-il.
Mais pour le chercheur, l’une des notions les plus importantes à considérer dans un contexte d’éducation par la nature est celle de la prise de risque.
« Un enfant qui prend un risque en milieu naturel, c'est un enfant qui apprend à se connaître, à se faire confiance, à savoir ce qu'il est en mesure de faire ou pas, de vivre des émotions qui sont parfois fortes, précise Mathieu Point. Et la recherche a démontré que les enfants qui prennent des risques plus jeunes sont moins anxieux plus tard, parce qu’ils se connaissent mieux. »
Faire tomber les barrières
Or, bien que cette prise de risque soit nécessaire au développement des enfants, elle peut également apporter son lot d’inquiétude aux adultes qui en prennent soin.
Claude Dugas, professeur retraité du département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières, abonde dans le même sens. Selon lui, c’est la culture de la peur chez les adultes, couplée à l’omniprésence des appareils électroniques, qui ont principalement contribué à la diminution des jeux actifs à l’extérieur chez les enfants.
« Aujourd’hui, les adultes voient le danger partout, alors que ce n’était pas le cas à l’époque de nos parents et de nos grands-parents, déplore Claude Dugas. Le danger est surreprésenté dans la société moderne, notamment en raison de l’hypermédiatisation. »
Pour Claude Dugas, un travail de sensibilisation est à faire auprès des adultes pour rapprocher les enfants de la nature.
« Il faut être capable de bien identifier les réticences et les contraintes qu’ont les adultes pour pouvoir les déconstruire, note-t-il. L’idée, c’est de rendre les gens plus favorables et enthousiastes à l’idée de jouer dehors. »
Prendre soin du personnel éducateur
C’est dans cette optique que Sylvie Gervais a fondé en 2015 Enfant Nature, une coopérative de solidarité qui offre des formations expérientielles en plein air au personnel éducateur. Son objectif ? Contrer le syndrome du déficit de la nature en inculquant aux « pédagogues » l’effet transformateur de la nature.
Selon elle, les adultes qui sont sensibilisés à l’importance de passer du temps à l’extérieur auront davantage tendance à transmettre cet apprentissage aux tout-petits. Et dans un contexte où les enjeux environnementaux occupent une place prépondérante dans les débats sociétaux, cette éducation est essentielle.
« Si tu n’as pas de contact avec la nature, ça n’a pas de sens de la protéger, note Sylvie Gervais. Les adultes qui inculquent aux tout-petits l’importance de cette connexion à la nature contribuent à façonner des citoyens écoresponsables qui, plus tard, vont vouloir respecter l’environnement. »
Enfant Nature n’est pas la seule initiative au Québec qui vise à promouvoir l’éducation par la nature. D’autres mesures et projets s’inscrivent dans cette mission :
- Alex est une approche pédagogique d’éducation par la nature qui s’aligne sur le programme Accueillir la petite enfance. Mis sur pied par l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), ce projet invite les services éducatifs à la petite enfance à favoriser le jeu libre à l’extérieur en milieu naturel.
- Ti-mousse dans brousse cherche à outiller les jeunes familles pour qu’elles puissent apprendre à pratiquer des activités sécuritaires – et, surtout, agréables - en plein air.
- Les Clubs 4-H du Québec visent, par l’entremise d’activités ludiques et éducatives, à développer l’intérêt et les connaissances des jeunes et de leur famille en ce qui a trait à la forêt, à la nature et à l’écocitoyenneté.
- Le cadre de référence Gazelle et Potiron a été adopté par le ministère de la Famille en 2014 pour créer des environnements favorables à la saine alimentation, au jeu actif et au développement moteur en services de garde éducatifs à l’enfance. Il aborde l’importance du jeu à l’extérieur et incite à jouer dehors tous les jours, le plus souvent possible.
Par Mélissa Khadra
Titulaire d’un doctorat en sciences biologiques, Mélissa Khadra œuvre dans le milieu du journalisme et de la vulgarisation scientifique depuis près de 3 ans. Avant de rejoindre l’équipe de l’Observatoire des tout-petits à titre de rédactrice scientifique, elle a collaboré avec plusieurs médias, dont La Presse, Québec Science et La Conversation Canada. Armée de son bagage de connaissances en sciences et de son amour des mots, elle s’amuse à décortiquer les sujets les plus complexes.
Pour aller plus loin
Lire l'édito de la directrice Le chaos constructif de l'enfance
Consulter notre portrait Dans quels environnements grandissent les tout-petits québécois?
Consulter notre rapport sur l'importance de la qualité, de la stabilité et de la continuité des milieux de vie des tout-petits
Suivre les travaux de recherche de l’unité mixte de recherche (UMR) Petite enfance, grandeur nature de l'Université Laval, qui vise à soutenir et à encadrer les projets sur l'éducation par la nature, plus précisément sur sa contribution à la santé et au développement global des jeunes enfants
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