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27 mai 2024

Périnatalité et petite enfance : un plan d’action très attendu

	Périnatalité et petite enfance : un plan d’action très attendu
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Le 28 mars dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux a lancé son Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028. Fruit d’un important travail de concertation, le document couvre la période de la grossesse jusqu’à ce que l’enfant ait 5 ans.

Il faut dire que ce plan d’action était attendu depuis longtemps puisque la Politique de périnatalité 2008-2018 était arrivée à échéance. « Elle faisait toutefois encore largement consensus et nous avons donc voulu nous y raccrocher le plus possible », remarque Sabrina Fortin, directrice à la Direction santé mère-enfant du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans le cadre d’un webinaire présentant les grandes lignes du plan d’action.

Ce plan mise sur deux grands principes. D’abord, il vise à améliorer la collaboration entre les professionnels et les intervenants.

« Il y a le réseau et il y a le milieu communautaire, mais c’est ensemble que les choses peuvent se réaliser, insiste Mme Fortin. Nous souhaitons faire le maximum avec les personnes qui sont déjà en place. »

Le plan d’action cherche également à favoriser le partenariat avec les familles. « C’est vraiment ce qui est en filigrane de tout le document : le respect de la cellule familiale, c’est à dire de la mère, du père ou du coparent et du bébé », précise Mme Fortin.

Quatre grandes pistes d’action

Le plan s’inscrit autour de quatre axes principaux :

1. « Renforcer le pouvoir d’agir des parents »

« Le premier axe vise à renforcer le pouvoir d’agir des parents », explique Anne-Marie Langlois, directrice à la Direction du développement, de l’adaptation et de l’intégration sociale du MSSS. On y propose donc de soutenir les parents dans l’expérience de la périnatalité et de la parentalité. D’ailleurs, selon un sondage cité par le MSSS, environ 40 % des parents auraient aimé être mieux préparés pour l’accouchement de même que pour la première année de vie de leur enfant1.

2. Favoriser l’accès aux soins et aux services

Le deuxième axe cherche ensuite à favoriser l’accès aux soins et aux services pour la population. « Dans la politique 2008-2018, il y avait déjà des actions concernant l’accès au service pour le suivi de grossesse et la prise en charge des enfants [par un médecin de famille], remarque Sabrina Fortin. Malheureusement, la situation ne s’est pas améliorée avec le temps. »

En effet, selon des données du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), en 2020, ce sont 24 % des femmes enceintes du Québec qui n’avaient pas eu de suivi de grossesse dès le premier trimestre. Les données du MSSS révèlent également que 31 % des enfants de moins de 2 ans n’étaient pas inscrits en 2022-2023 auprès d’un médecin de famille2. De plus, des données de l’Institut de la statistique du Québec prédisent une augmentation des naissances dans les prochaines années. « Il faut trouver des façons différentes de répondre à cette augmentation, notamment en améliorant notre agilité et notre efficience puisqu’il n’y aura pas de hausse magique des effectifs », ajoute Mme Fortin.

3. Soutenir les professionnels dans leurs interactions avec les familles

Le troisième axe met l’accent sur le soutien à offrir aux professionnels et aux intervenants dans leurs interactions avec les familles. Selon le MSSS, plusieurs d’entre eux n’auraient pas la formation requise pour accompagner certaines clientèles particulières. « Cet axe vise donc à les supporter dans des contextes où les interactions avec les familles nécessitent des habiletés spécifiques », précise Annie Motard-Bélanger, conseillère à la direction du développement, de l’adaptation et de l’intégration sociale du MSSS.

4. Développer des outils pour faciliter l’organisation des services

Enfin, le dernier axe s’intéresse au développement d’outils pour soutenir l’organisation des services. « Dans le réseau, les professionnels travaillent dans différents sites et la clientèle y chemine pour obtenir des services, explique Sabrina Fortin. Nous réussissons bien dans la prise en charge, mais nous avons encore des défis à relever dans la transition entre ces milieux. » Le quatrième axe propose donc des solutions pour répondre à cet enjeu.

Un plan bien accueilli

En général, le nouveau plan d’action a été bien reçu par le milieu de la périnatalité. Elise Bonneville, directrice du Collectif petite enfance, écrit dans une lettre ouverte que le fort parti pris pour la participation de la mère et du père, du coparent ou de la personne significative tout au long de la trajectoire périnatale et de la petite enfance constitue un progrès important.

Selon la Fondation Olo, le plan marque « une reconnaissance renouvelée envers le cadre de référence du suivi Olo ». Il met aussi en lumière l’importance des collaborations et d’un continuum de services fort et structuré pour les familles et les tout-petits.

Le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité estime pour sa part que « ce plan d’action représente une avancée historique pour la reconnaissance de l’importance des pères québécois et des coparents pendant la période périnatale ».

Enfin, le Mouvement allaitement du Québec (MAQ) accueille favorablement le Plan d’action dans son ensemble. Dans un courriel, il salue notamment la place faite aux organismes communautaires en allaitement de même que la reconnaissance de l’apport des bénévoles et du personnel des organismes communautaires.

Timide au sujet de l’allaitement

Le MAQ regrette toutefois que le plan ne reconnaisse pas clairement la place que l’allaitement devrait prendre en tant que facteur de réduction des inégalités sociales. Selon l’organisme, la formation en allaitement n’est pas assez présente dans les habiletés particulières à développer et le plan aurait pu intégrer davantage la notion d’environnements favorables. « L’allaitement est une dimension à part entière de la périnatalité et de la petite enfance et ne peut pas être réduit à une façon de prendre soin d’un enfant ou de le nourrir », souligne l’organisme.

Le MAQ déplore également le fait que les consultantes en lactation (IBCLC) ne soient pas mentionnées dans le document, malgré qu’elles soient reconnues comme des spécialistes des difficultés cliniques de l’allaitement. « [C’est] une occasion manquée de rendre visibles ces professionnelles de l’allaitement et de reconnaître leurs compétences et leur place dans la toile des services en allaitement », écrit le MAQ.

Peu d’actions concrètes

Élise Bonneville estime pour sa part que les mesures du plan d’action sont généralement vagues et peu détaillées. Selon elle, les verbes d’action utilisés relèvent plutôt du domaine des communications et le plan ne donne aucun détail sur les investissements associés à ces nouvelles mesures.

Cette position est partagée par la Fondation Olo qui demeure « en attente de potentiels moyens qui seront déployés en parallèle du Plan pour rendre sa réalisation et l’atteinte de ces objectifs ambitieux possible ». En effet, selon la Fondation, compléter la mise en œuvre du suivi Olo ne pourra se faire sans un ajout considérable d’intervenantes Olo et donc sans un financement direct.

Le MAQ ajoute que la volonté de mieux arrimer le réseau de la santé avec les organismes communautaires ne doit pas rester une volonté, mais se traduire par des gestes pour inclure les groupes communautaires qui ont l’expertise nécessaire à la mise en œuvre de chacune des actions.

 

Photo de Kathleen Couillard

Par Kathleen Couillard

Titulaire d’une maîtrise en microbiologie, Kathleen Couillard œuvre comme journaliste scientifique depuis plus de 10 ans. Elle a également occupé le poste de conseillère au transfert des connaissances à l’Observatoire des tout-petits pendant deux ans et demi. Elle collabore maintenant avec différents médias dont l’Agence Science-Presse, Naître et grandir, L’Actualité et Protégez-Vous. Elle s’intéresse plus particulièrement à tout ce qui touche la santé, la famille et le développement des enfants.

 

Pour en savoir plus

Consulter le Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028

Lire les réactions parues suite au dévoilement du plan d’action :

Parcourir le chapitre consacré à l’accès aux services périnataux de notre Portrait de politiques publiques

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Notes

  1. Centre de recherche sur l’opinion publique [CROP] (2019). Études sur les soins en périnatalité au Québec. Non diffusé.
  2. Donnée interne du MSSS présentée à la page 38 du Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028
  3. Données présentées aux pages 29 et 31 38 du Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028