La conciliation famille-travail : toujours un enjeu majeur pour les parents de tout-petits
Par Sophie Mathieu, Ph.D. et Diane-Gabrielle Tremblay, Ph.D.
Malgré la présence de mesures de soutien aux familles au Québec, la conciliation famille-travail demeure une source de stress importante pour une majorité (66%) de parents de tout-petits.
C’est ce que montrent les données d’une enquête menée auprès des travailleurs du Québec par l’initiative Concilivi du Réseau pour un Québec famille, en collaboration avec l’Observatoire des tout-petits1. Les données révèlent aussi que 30% des parents d’enfants de 0 à 5 ans estiment qu’il est difficile de s’acquitter de leurs responsabilités familiales en raison du stress que leur cause leur travail.
Pourtant, les organisations québécoises semblent sensibles à la question de la conciliation. L’enquête révèle qu’une forte majorité de parents de tout-petits (72%) étaient d’accord pour dire qu’ils ont le soutien de leur employeur lorsqu’ils font une demande de congé ou d’aménagement pour la vie familiale. Cette proportion grimpe à 79% lorsqu’il était question d’obtenir le soutien de leurs collègues.
Toutefois, près d’un parent d’enfants de 0 à 5 ans sur trois (30%) considère que le soutien de son employeur est insuffisant et près d’un parent de tout petit sur cinq (19%) affirme ne pas avoir le soutien de son supérieur.
La conciliation famille-travail, essentielle en contexte de pénurie de main-d’œuvre
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les employeurs ont pourtant tout intérêt à offrir des mesures de conciliation travail-famille et à être ouverts aux besoins d’accommodement de leurs employés. Or, 47% des parents de tout-petits affirment que la pénurie de main-d’œuvre affecte leur accès à des mesures de conciliation famille-travail de façon importante.
Pourtant, la disponibilité des mesures de conciliation famille-travail dans les organisations est susceptible d’avoir un effet sur la rétention des travailleurs qui ont des tout petits à la maison.
Enfin, 93% des parents de tout-petits sondés ont affirmé que les mesures de conciliation famille-travail figuraient parmi les trois critères les plus importants pour choisir un emploi, tout juste après le salaire et les avantage sociaux (97%), mais bien avant les perspectives de carrière (65%), la réputation de l’entreprise (30%) ou son caractère innovant (15%).
C’est donc dire que l'accessibilité aux mesures de conciliation famille-travail est cruciale pour la rétention des travailleurs parents et constitue un critère prioritaire dans le choix d'un emploi.
La difficulté à concilier les obligations professionnelles et les responsabilités familiales peut avoir des répercussions sur les pratiques parentales. Par exemple, un niveau élevé de conflit famille-travail diminue la disponibilité psychologique du parent pour son enfant et réduit la probabilité que le parent fasse des activités avec son enfant stimulant son développement2.
Ceci peut avoir des répercussions sur le développement des enfants. Des études ont montré que les conflits famille-travail étaient associés à un moins bon contrôle des émotions et du comportement chez les tout-petits3,4. Des problèmes comme l’anxiété, la dépression, le non-respect des règles et les comportements agressifs ont également été observés5. Les répercussions seraient encore plus grandes lorsque les deux parents vivent de tels conflits6.
Pour aller plus loin
Prendre connaissance des résultats complets de l'édition 2023 du sondage mené par Concilivi auprès des travailleurs
Lire notre actualité Les employeurs : des partenaires essentiels de la conciliation emploi-famille
Consulter la page web dédiée au milieu des affaires
Lire le texte La conciliation famille-travail chez les pères : où en sommes-nous?
Consulter le Portrait des politiques publiques 2021 – Que faisons-nous au Québec pour nos tout-petits et leur famille ?
Mathieu, S., Tremblay, D.-G., Treleaven, C. & Fuller, S. (2023). Determinants of Work-family Reconciliation During the First Wave of the Pandemic: Insights from Québec, Canadian Review of Sociology.
Mathieu, S. & Tremblay, D-G. (2022). Parentalité, conciliation emploi-famille et composition genrée de la main-d’œuvre dans les organisations en temps de pandémie : le cas du Québec, Relations industrielles, 77 (2)
Mathieu, S. & Tremblay, D-G. (2022). La conciliation emploi-famille chez les mères et les pères québécois en temps de pandémie: constats et recommandations pour le Québec, Enfances, Familles Générations.
Mathieu, S. & Tremblay, D.-G. (2021). L’effet paradoxal de la pandémie sur l’articulation emploi-famille : le cas du Québec, Revue Interventions économiques, 66.
Notes de fin
1. L’enquête a été menée par Léger et a permis de joindre 3030 travailleurs et travailleuses du Québec du 6 au 27 juin 2023. Les résultats ont été pondérés selon le sexe, l’âge, le revenu familial, la région et la scolarité, de manière à les rendre représentatifs des populations à l’étude (travailleurs qui sont parents d’enfants âgés de moins de 18 ans + travailleur qui sont proches aidants).
2. MATIAS, M., et autres. « Work-family conflict, psychological availability, and child emotion regulation: Spillover and crossover in dual-earner families », Personal Relationships, 24, no 3, 2017, p. 623-639.
3. MATIAS, M., et autres. « Work-family conflict, psychological availability, and child emotion regulation: Spillover and crossover in dual-earner families », Personal Relationships, 24, no 3, 2017, p. 623-639.
4. STRAZDINS, L., et autres. « Combining work and family: Rewards or risks for children’s mental health? », Social Science & Medicine, 87, 2013, p. 99-107.
5. VIEIRA, J.M., et autres. « Parents’ work-family experiences and children’s problem behaviors: The mediating role of the parent-child relationship », Journal of Family Psychology, 30, no 4, 2016, p. 419-430.
6. STRAZDINS, L., et autres. « Combining work and family: Rewards or risks for children’s mental health? », Social Science & Medicine, 87, 2013, p. 99-107.
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