Investir dans le logement à but non lucratif : une stratégie prometteuse pour les tout-petits
Dans sa toute nouvelle stratégie d’habitation dévoilée en décembre 2023, la Ville de Longueuil s’est fixé l’objectif de porter à 20 % la part de logements locatifs à but non lucratif sur son territoire. En misant sur le logement à but non lucratif, la Ville souhaite offrir un cadre de vie plus sain et sécuritaire aux familles de Longueuil. Qu’est-ce qu’un logement à but non lucratif et quel sera l’impact sur les tout-petits?
Pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé dans sa nouvelle stratégie d’habitation1, la Ville de Longueuil doit faire passer de 4 666 à 17 500 le nombre de logements sans but lucratif présents sur son territoire. Pour y parvenir, la Ville souhaite construire davantage de logements sociaux, mais également acquérir des immeubles privés pour les revendre ensuite à des organismes à but non lucratif. « La mise hors marché de logements existants permettra de préserver l’abordabilité à long terme de logements de toutes tailles », souligne Catherine Fournier, mairesse de Longueuil.
Pour Julia Posca, chercheuse à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, une stratégie qui mise sur la croissance du parc de logements locatifs hors marché privé vise juste. Selon la chercheuse, les logements à but non lucratif se font trop rares au Québec.
Le logement locatif à but non lucratif, aussi appelé « logement hors marché », est un logement dont le loyer n’obéit pas à la loi de l’offre et de la demande. La capacité de payer des personnes est un critère important lorsque vient le temps de fixer le prix du loyer, en plus d’inclure l’ensemble des charges locatives, comme les frais liés à la consommation d’électricité et le chauffage. Son objectif n’est donc pas de générer un profit. Ce terme regroupe les logements sociaux, les coopératives d’habitation sans but lucratif et les logements dont le loyer est contrôlé par un organisme à but non lucratif ou un office municipal d’habitation.
Le logement hors marché se distingue du logement dit « abordable ». Ce dernier terme est source de confusion, car il est parfois associé à la capacité de payer des individus, alors que d’autres fois, il est associé au prix des logements sur le marché. Or, le loyer moyen du marché peut parfois surpasser la capacité de payer d’un large pan de la population.
Un loyer trop cher : quels impacts pour les tout-petits?
Au Québec, 8,7 % des familles avec au moins un enfant de 0 à 5 ans habitent dans un logement non abordable selon la définition de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), soit un logement occupé par un ménage qui consacre au moins 30 % de son revenu total avant impôt aux frais de logement.
Selon la littérature scientifique, le fait d’habiter dans un logement non abordable peut avoir une incidence négative sur le développement des tout-petits. Cette situation est associée à un risque plus élevé de retard au niveau du développement physique, émotif, cognitif, langagier et social chez l’enfant2.
On observe notamment que les tout-petits qui habitent dans un logement trop cher pour leurs parents ont souvent un plus petit poids que les autres enfants du même âge. Ce phénomène s’explique par le fait que leurs parents ont peu d’argent à consacrer aux autres besoins de base, dont l’alimentation2.
Une piste prometteuse
La Ville de Longueuil, qui détient l’accréditation Municipalité amie des enfants, est actuellement en consultation pour le plan d’action de sa politique familiale, qui sera adopté plus tard en 2024. Ce plan inclura des actions ciblant l’habitation des jeunes familles, comme ce fut le cas pour le projet Habitation Les Chrysalides, un immeuble de 7 logements sociaux avec soutien communautaire destiné à des jeunes mères et leurs enfants, inauguré en 2023.
L’approche adoptée par la Ville de Longueuil pourrait inspirer d’autres municipalités au Québec. L’Union des municipalités du Québec revendique d’ailleurs des investissements auprès des gouvernements pour faciliter l’acquisition et la mise hors marché d’unités déjà existantes dans le but de préserver l’abordabilité du logement sur l’ensemble du territoire québécois.
Par Geoffroy Boucher
Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.
Pour aller plus loin
Consulter la nouvelle stratégie d’habitation de la Ville de Longueuil
Écouter le balado Un toit pour nous, produit par l’Observatoire des tout-petits et animé par Fabrice Vil
Lire les résultats du sondage Quels sont les besoins actuels des familles de tout-petits en matière de logement?
Découvrir l’accréditation Municipalité amie des enfants et le projet Habitation Les Chrysalides
Découvrez des pistes de solution concrètes pour les municipalités pour agir sur la qualité de vie des tout-petits et de leur famille
Notes de fin
- Ville de Longueuil (2023). Stratégie d’habitation de la Ville de Longueuil.
- Observatoire des tout-petits (2021). Que faisons-nous au Québec pour nos tout-petits et leur famille? Portrait des politiques publiques – 2021. Montréal, Québec, Fondation Lucie et André Chagnon, 2021.
Autres actualités
-
Actualités2 octobre 2024
Les écrans en services de garde éducatifs : l’avis d’une directrice pédagogique
-
Chroniques30 septembre 2024
Nouveau plan de lutte contre la pauvreté : quelles répercussions pour les tout-petits?
-
Éditos de Julie18 septembre 2024
La place insoupçonnée des écrans dans la vie des tout-petits
-
Actualités13 septembre 2024
De nouvelles responsabilités pour notre collègue Geneviève
-
Chroniques2 juillet 2024
Les services de garde éducatifs de qualité, source d’importantes retombées économiques
-
Dossiers web27 juin 2024
Un poste de Commissaire au bien-être et aux droits des enfants sera créé