Observatoire des tout-petits

Chroniques
23 octobre 2024

Conciliation famille-travail-études : un défi de taille

Conciliation famille-travail-études : un défi de taille
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Photo de Geoffroy Boucher
Geoffroy Boucher
Économiste à l'Observatoire québécois des inégalités et consultant en politiques publiques

La conciliation travail-famille-études est un défi important auquel de nombreux parents font face chaque année. Quels sont les besoins spécifiques des étudiants-parents et quelles mesures peuvent être mises en place pour soutenir leur réussite scolaire? On en parle avec Corinne Vachon Croteau du Réseau pour un Québec Famille et Sylvie Lévesque de la Coalition pour la conciliation famille-travail-études. 

Au Québec, un nombre important de parents ont leurs enfants pendant leurs études ou retournent étudier en ayant des enfants. Par exemple, en 2022, 22 % des personnes étudiantes nouvellement inscrites dans un établissement du réseau de l’Université du Québec étaient parents et environ le quart (26 %) de ces étudiants avait un enfant de moins de 5 ans1 

Un casse-tête organisationnel 

Le cumul des responsabilités familiales, des études et de l’emploi peut constituer un véritable casse-tête organisationnel pour les parents. Selon un récent rapport sur la conciliation famille-travail-études issu d’une collaboration entre le Réseau pour un Québec Famille, l’Institut national de la recherche scientifique et le Secrétariat à la condition féminine du Québec, les conflits d’horaire liés aux charges familiales et de formation constituent la première source de difficultés vécues par les mères étudiantes, suivi des difficultés économiques et des enjeux de santé2. 

« Les défis auxquels font face les mères étudiantes, soit la gestion du temps, les finances et la santé, sont de taille. Pour certaines, cela mènera à l’interruption de leurs études ou à vivre de la détresse, notamment en lien avec leur situation financière. » - Corinne Vachon Croteau, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille 

Sylvie Lévesque, coordonnatrice de la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, fait écho à ces propos. « Les personnes étudiantes qui sont parents ou proches aidantes sont plus nombreuses que la moyenne à interrompre leurs études. » Ces interruptions peuvent entraîner des conséquences sur le parcours professionnel et la situation financière des étudiants. Par exemple, elles peuvent retarder l’entrée sur le marché du travail, prolonger la période de précarité financière et même mener à un abandon définitif des études3 

Des politiques pour soutenir les étudiants-parents  

Au Québec, les établissements d’enseignement sont de plus en plus nombreux à prendre conscience de l’ampleur du défi et adoptent des mesures pour répondre aux difficultés particulières vécues par les étudiants-parents4. À l’Université Laval, par exemple, les démarches de l’association des étudiants-parents et des associations étudiantes de campus ont mené à l’adoption, en 2019, de la Politique relative aux étudiantes et aux étudiants-parents5. Cette politique permet aux étudiants-parents de faire reconnaître leur statut afin d’obtenir certains accommodements liés à leurs obligations parentales, comme la reprise d’une évaluation, et d’accéder à certains avantages, comme un accès 24 heures à la bibliothèque. Pour l’année 2023-2024, plus de 600 personnes ont obtenu le statut d’étudiant-parent par le biais de cette politique6. 

L’Université du Québec à Montréal s’est également dotée d’une politique relative à la parentalité7. Entrée en vigueur le 1er septembre 2024, cette dernière prévoit, en plus de la reconnaissance des étudiantes et étudiants-parents, celle des personnes proches aidantes.   

Agir collectivement pour offrir un meilleur soutien 

Selon la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, il faut en faire davantage pour soutenir les étudiants-parents au Québec, un avis partagé par le Réseau pour un Québec Famille. « Il importe d’agir collectivement pour [leur] offrir un soutien adéquat », affirme Mme Vachon Croteau.  

D’après Sylvie Lévesque, les besoins en matière de services éducatifs à la petite enfance (SGÉE) ainsi que de haltes-garderies en milieu d’études figurent en haut de la liste des revendications des parents aux études. Selon un rapport du ministère de la Famille daté de 2019, l’accès aux places dans les SGÉE en milieu d’études est difficile8. Même si les enfants d’étudiants sont généralement priorisés, ils ne constituent pas forcément la seule clientèle privilégiée et les places sont souvent occupées par les enfants des employés de l’établissement d’enseignement. Pour répondre aux besoins de flexibilité des étudiants-parents, le ministère de la Famille soutient financièrement, depuis 2022, les haltes-garderies présentes dans certains milieux d’enseignement (voir encadré). 

La Coalition pour la conciliation famille-travail-études demande également des mesures pour améliorer la situation économique des étudiants-parents, telles qu’une bonification du programme d’Aide financière aux études pour les étudiants qui sont parents ou proches aidants 

Dans un contexte où la performance économique de la société est appelée à être de plus en plus dépendante du savoir et de l’éducation, mieux soutenir les étudiants-parents afin de favoriser leur réussite scolaire apparaît comme une piste prometteuse.  

Les services de garde éducatifs en milieu d’études 

Au 31 mars 2023, on comptait 187 installations de SGÉE en milieu d’études au Québec, lesquelles offraient environ 11 000 places, subventionnées pour la plupart. Cette offre représente 5 % de l’ensemble des installations du réseau des SGÉE. En 2023-2024, le ministère de la Famille a également soutenu 11 organismes pour l’offre d’activités de haltesgarderies pour des étudiants-parents dans 5 cégeps et 6 universités9. 
Photo de Geoffroy Boucher

Par Geoffroy Boucher

Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.

 

Notes de fin 

  1. Université du Québec (2023). Enquête ICOPE (Indicateurs de Conditions de Poursuite des Études), 2022 
  2. Laurence Charton (2023). Famille Travail Études : défis de mères et outils de sensibilisation. Montréal : INRS, 230p. 
  3. Ibidem 
  4. Ministère de la Famille du Québec (2023). Bulletin sur les familles et les personnes qui les composent, volume 10, numéro 2. 
  5. Université Laval (2019). Politique relative aux étudiantes et aux étudiants-parents. 
  6. Information transmise par la Direction des communications de l’Université Laval le 29 août 2024.  
  7. Université du Québec à Montréal (2024). Politique relative à la parentalité et à la proche aidance pour les personnes étudiantes.
  8. Ministère de la Famille (2019). Les besoins de garde des parents-étudiants québécois et les services qui leur sont offerts en milieu d’études, Gouvernement du Québec.  
  9. Données fournies par le ministère de la Famille du Québec issues de la collecte de données dans le cadre du rapport d'activités 2022-2023. Compilations de l’auteur.  

 

Pour aller plus loin 

Consulter le rapport Famille Travail Études : défis de mères et les outils de sensibilisation de l’INRS et du Réseau pour un Québec Famille

Consulter le rapport sur la conciliation famille-travail-études dans les établissements d’enseignements supérieurs du Québec

Consulter notre section web sur la conciliation famille-travail