Observatoire des tout-petits

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26 octobre 2023

Les enfants vulnérables à la maternelle en hausse depuis dix ans

Les enfants vulnérables à la maternelle en hausse depuis dix ans
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Depuis dix ans, la proportion des enfants de maternelle 5 ans considérés vulnérables ne cesse d’augmenter, passant de 25,6 % en 2012 à 28,7 % en 2022. C’est l’un des constats de la troisième édition de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) qui a été publiée le 11 octobre dernier.

Réalisée par l’Institut de la statistique du Québec, l’EQDEM permet d’obtenir un portrait du niveau de développement des enfants de maternelle 5 ans. Cette période de transition avant l’entrée à l’école primaire est le moment idéal pour faire le point sur les habiletés acquises durant la petite enfance. En effet, les enfants n’arrivent pas à la maternelle avec le même niveau de développement puisque leur contexte de vie et leurs expériences passées varient. Certains sont mieux outillés; d’autres moins.

5 domaines de développement mesurés

L’EQDEM mesure les forces et les faiblesses des enfants dans cinq domaines de développement :

  • la santé physique et le bien-être
  • les compétences sociales
  • la maturité affective
  • le développement cognitif et langagier
  • les habiletés de communication et les connaissances générales

L’enfant qui présente une vulnérabilité dans l’un ou l’autre de ces domaines de développement est plus susceptible de vivre des difficultés scolaires, motrices, sociales ou émotionnelles. Il peut par exemple avoir du mal à être autonome durant une période de travail en classe, à attendre son tour pour parler ou à user d’imagination au cours d’un jeu.

L’enfant vulnérable à l’âge de 5 ans a moins de chances de profiter pleinement de l’école comme milieu de vie et d’apprentissage et cela peut avoir des conséquences sur ses compétences et son bien-être futur. Cela dit, il ne présentera pas nécessairement des difficultés tout au long de son parcours scolaire.

Une petite enfance en temps de pandémie

Puisque l’enquête en est à sa 3e édition sur 10 ans, des tendances peuvent désormais être établies pour l’ensemble du Québec ainsi que pour des régions en particulier. Il en ressort notamment que la proportion d’enfants de maternelle 5 ans considérés vulnérables dans au moins une sphère de leur développement est en hausse constante. Celle-ci est passée de 25,6 % en 2012 à 27,7 % en 2017, puis à 28,7 % en 2022.

Il importe toutefois de mentionner que les enfants à l’étude en 2022 ont vécu une partie de leur enfance durant la pandémie de COVID-19, ce qui a pu avoir des répercussions non négligeables sur leur développement.

Qui sont les enfants vulnérables?

Selon l’enquête de 2022, certains enfants sont plus à risque d’être vulnérables dans au moins une sphère de développement, soit :

  • les garçons (35,6 % contre 21,6 % chez les filles)
  • les enfants plus jeunes d’une cohorte (34,8 % contre 23,3 % chez les plus vieux)
  • les enfants qui fréquentent une école défavorisée (32,9 % contre 27,1 % pour les enfants qui fréquentent une école non défavorisée)
  • les enfants nés à l’extérieur du Canada (37,3 % contre 28,0 % pour les enfants nés au Canada)

Puis certaines régions ont des proportions plus élevées d’enfants vulnérables dans au moins une sphère de leur développement. C’est le cas de :

  • Laval (33,9 %)
  • la Côte-Nord (32,8 %)
  • l’Outaouais (32,2 %)
  • l’Estrie (30,2 %)

La situation à Laval et en Outaouais est particulièrement préoccupante puisqu’on y trouve également une proportion plus élevée d’enfants qui présentent des vulnérabilités dans l’ensemble des sphères de développement que dans le reste du Québec.

Quelques réactions

« Il est possible d’agir sur les conditions de vie dans lesquelles grandissent les tout-petits, qui ont une influence déterminante sur leur développement. Les problèmes d’accès à des logements abordables pour les familles, par exemple, sont associés à un plus grand risque de retard sur le plan du développement physique, émotif, cognitif, langagier et social chez l’enfant. »
Julie Cailliau, directrice de l’Observatoire des tout-petits
« Les chiffres confirment ce que nous savions déjà : le défi sera important pour les prochaines années. Cette enquête nous parle des enfants qui sont en 2e année du primaire. C’est un signal que nous devons prendre au sérieux, car les effets de la pandémie se feront sentir dans les prochaines années. Il nous faudra redoubler d’ardeur et unir nos forces pour offrir des opportunités de développement, d’exploration et d’apprentissage qui permettront à chaque enfant d’avoir une chance égale de s’épanouir et de réussir. »
Audrey McKinnon, directrice générale du Réseau québécois pour la réussite éducative
« Nous sommes évidemment déçus de ces constats et il est normal de se remettre en question. […] Cet électrochoc doit nous permettre d’améliorer le travail que nous faisons ensemble, de solidifier nos arrimages. Il s’agit donc d’une belle occasion, pour les décideurs et pour la société civile, de réitérer l’importance d’agir en prévention durant cette période charnière, puis de s’engager pour une augmentation marquée des ressources y étant allouées. »
Elise Bonneville, directrice du Collectif petite enfance
« Nous attendions avec impatience et une certaine appréhension les résultats de l’EQDEM 2022. C’est que cette nouvelle édition donne un portrait des enfants de maternelle qui ont vécu pendant la petite enfance les perturbations sociales associées aux mesures de prévention de la propagation du virus de la COVID-19. […] L’éducation préscolaire de bonne qualité est la meilleure façon de promouvoir la maturité sociale, affective et cognitive en maternelle. Nous devons compléter le réseau des CPE pour en permettre l’accès à tous les enfants, notamment aux plus vulnérables. »
Sylvana Côté, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada niveau 1 en prévention de l'inadaptation psychosociale chez l'enfant, chercheuse au CHU Sainte-Justine et directrice de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants ainsi que du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant

À propos de l’EQDEM

Cette troisième édition de l’EQDEM a été réalisée grâce à un partenariat entre l’Institut de la statistique du Québec, la Fondation Lucie et André Chagnon et les ministères de l’Éducation, de la Famille ainsi que de la Santé et des Services sociaux. Les données portent sur plus de 80 000 enfants qui fréquentaient la maternelle 5 ans durant l’année scolaire 2021-2022. Elles ont été recueillies par le biais d’un questionnaire rempli par plus de 5 300 enseignantes et enseignants.

Les données recensées peuvent contribuer à élaborer ou à adapter des mesures de soutien à la petite enfance qui favoriseront le plein potentiel de tous les enfants. L’objectif demeure de favoriser la réussite éducative, le bien-être et les chances de grandir en santé de tout un chacun.

 

Par Amélie Cournoyer

 

Pour aller plus loin

Consulter l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle 2022

Lire l’article « Les jeunes vulnérables en hausse à la maternelle » paru dans La Presse suite au dévoilement des résultats de l’enquête et dans lequel vous retrouverez Julie Cailliau, notre directrice

Consulter notre rapport thématique Comment favoriser le développement des tout-petits avant leur entrée à l’école?