Soutien financier aux familles : le Québec se démarque
En 1997, le gouvernement du Québec adoptait sa toute première politique familiale. Grâce aux mesures qui en ont découlé et à son régime fiscal1, le Québec se positionne aujourd’hui avantageusement en matière de soutien aux familles, tant au Canada qu’à l’international. Nous en discutons avec Suzie St-Cerny, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, et Elise Bonneville, du Collectif petite enfance.
Selon les résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ), les enfants qui vivent dans un ménage à faible revenu sont moins bien préparés à l’école, notamment sur le plan du langage et des aptitudes cognitives, et ont un rendement scolaire plus faible en moyenne en première année2. Dans ce contexte, les politiques publiques qui visent à offrir un soutien financier aux familles moins nanties jouent un rôle essentiel sur le développement des tout-petits.
Le Québec au premier rang canadien en matière de soutien aux familles
Le Régime québécois d’assurance-parentale, les services de garde éducatifs à contribution réduite et les allocations versées aux familles avec enfants sont quelques-unes des mesures phares de la politique familiale du Québec. Selon un récent rapport3 de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l'Université de Sherbrooke, ces mesures contribuent à positionner le Québec parmi les endroits où les familles sont les mieux soutenues financièrement.
À l’échelle canadienne, le Québec se trouve au premier rang quant au soutien financier offert aux familles avec enfants. Selon les calculs de la CFFP, ce soutien financier s’établit à 9 155$ au Québec pour une famille gagnant un revenu familial annuel de 105 000$, comparativement à une moyenne de 6 129$ dans les autres provinces canadiennes.
À l’échelle internationale, le Québec fait également bonne figure. Le soutien financier offert aux familles est le sixième plus élevé parmi les 33 pays membres de l’OCDE analysés par les auteurs du rapport. Alors que le soutien financier correspond à 9,7 % du revenu pour une famille type au Québec, il est en moyenne de 6,3 % dans les pays membres de l’OCDE.
Un soutien financier particulièrement important pour les familles à faible revenu
La CFFP estime que la présence de deux enfants dans une famille entraîne des dépenses additionnelles moyennes d’environ 18 500$ sur une base annuelle. « Pour les familles disposant d’un très bas revenu, le soutien financier couvrirait, selon les calculs et estimations réalisés pour les fins du rapport, l’entièreté des coûts financiers associés aux enfants, » souligne Suzie St-Cerny tout en rappelant que la présence d’enfant entraîne certainement des coûts, mais apporte également toutes sortes de richesses non monétaires.
Ainsi, les auteurs du rapport évaluent qu’une famille dont les deux parents travaillent au salaire minimum obtiennent un soutien financier gouvernemental lié à la présence des enfants qui atteint 18 094$, soit 96 % de ces coûts.
Toutefois, le soutien financier gouvernemental varie en fonction du revenu familial et du nombre d’enfants. Par exemple, un couple ayant deux enfants et disposant d’un revenu de travail de 140 000$ obtiendra un soutien financier de 6 558$ alors qu’une famille monoparentale ayant un enfant et travaillant au salaire minimum obtiendra 12 832$.
Figure 1. Soutien financier selon le type de famille et le revenu de travail, Québec, 2022
Source : Calculs de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.
Une piste prometteuse pour enrayer la pauvreté chez les tout-petits
Selon Elise Bonneville, directrice du Collectif petite enfance, le soutien financier accordé aux familles avec enfants constitue un outil essentiel afin d’améliorer les conditions de vie de celles-ci. Cependant, cet outil n’est pas à lui seul suffisant pour garantir des conditions de vie favorables à l’épanouissement des tout-petits.
Bien que le Québec soit généreux en prestations familiales, Elise Bonneville rappelle tout de même que 12 % des ménages avec enfants âgés de 0 à 5 ans se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire en 2019-20204. Également, 5,1 % des couples avec enfants et 15,3 % des familles monoparentales vivaient dans un logement inabordable et devaient y consacrer plus de 30 % de leur revenu en 20215.
Les politiques de soutien financier aux familles jouent un rôle essentiel sur le développement des tout-petits. Toutefois, elles ne peuvent être pleinement efficaces que si elles sont conjuguées à d’autres mesures visant à répondre aux besoins des familles. Elles doivent notamment s’accompagner de politiques visant à favoriser la sécurité alimentaire et l’accès à un logement abordable et adéquat7.
Par Geoffroy Boucher
Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.
Pour aller plus loin
Lire le rapport de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques Familles et fiscalité au Québec Édition 2023. Le point après 25 ans de politique familiale
Lire le portrait de l’Observatoire des tout-petits Que faisons-nous au Québec pour nos tout-petits et leur famille? Portrait des politiques publiques 2021
Lire le mémoire Agir en prévention pour déjouer la pauvreté du Collectif petite enfance
Lire l’article Pourquoi investir en petite enfance?
Lire l’article L’insécurité alimentaire, un enjeu complexe
Références
(1) Régime fiscal : ensemble de règles déterminant les montants d’impôt à payer et le soutien financier auquel une personne a droit.
(2) Jean-Pascal Lemelin et Michel Boivin (2007), « Mieux réussir dès la première année : l’importance de la préparation à l’école », Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ 1998-2010), vol. 4, fascicule 2, décembre 2007, Québec, Institut de la statistique du Québec, p. 1-12.
(3) Luc Godbout, Michaël Robert-Angers et Suzie St-Cerny (2023), Familles et fiscalité au Québec Édition 2023. Le point après 25 ans de politique familiale, Cahier de recherche 2023-04, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, 80 p.
(4) Statistique Canada, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2019-2020. Adapté par l’Institut de la statistique du Québec.
(5) Statistique Canada. Tableau 98-10-0248-01 Besoins impérieux en matière de logement. Recensement de la population.
(6) François Fournier et Geoffroy Boucher (2023), L'Insécurité alimentaire en hausse au Québec, Observatoire québécois des inégalités.
(7) Observatoire des tout-petits (2021). Que faisons-nous au Québec pour nos tout-petits et leur famille ? Portrait des politiques publiques – 2021. Montréal, Québec, Fondation Lucie et André Chagnon, p. 136.
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