Pourquoi investir en petite enfance ?
Les rendements élevés des interventions en bas âge
Si investir implique assurément des coûts à court terme, ne pas investir peut parfois engendrer des coûts bien plus importants sur le long terme. D’après le Collectif petite enfance et l’économiste Pierre Fortin, c’est précisément le cas pour les services préventifs en petite enfance.
Le Collectif petite enfance déposait le mois dernier un mémoire intitulé « Investir en petite enfance, c’est agir pour l’avenir » dans le cadre des consultations prébudgétaires 2023-2024 du gouvernement du Québec. En plus de dégager une douzaine de recommandations visant à positionner la petite enfance au sommet des priorités de l’après-pandémie au Québec, ce mémoire met en exergue l’importance d’investir massivement dans les services préventifs en petite enfance et en périnatalité.
Selon l’ouvrage, non seulement ces investissements sont nécessaires pour permettre à chaque enfant de développer son plein potentiel, mais un défaut d’investissement ou des investissements insuffisants sont susceptibles d’engendrer des conséquences négatives pour la société.
Un consensus scientifique pour investir tôt
Le mémoire du Collectif petite enfance fait état du consensus s’étant formé dans la littérature économique au cours des dernières années quant aux rendements élevés des interventions réalisées tôt dans le parcours de vie des enfants. Il s’appuie sur la recherche sur le développement du cerveau qui identifie la petite enfance comme un moment d’effervescence incomparable.
En effet, les premières années après la naissance constituent un moment particulièrement crucial pour le développement de certaines habiletés, notamment le contrôle des émotions, le langage, la numératie et les aptitudes sociales.[1] Le potentiel d’apprentissage des enfants y étant à son maximum, il s’agit d’une période particulièrement propice pour stimuler le développement des tout-petits.
Plusieurs économistes, dont le professeur de l’Université de Chicago et lauréat du prix Nobel d’économie James Heckman, se sont intéressés aux investissements réalisés durant cette période et ont conclu que ceux-ci conduisaient à un retour sur investissement plus élevé pour la société que ceux réalisés plus tard dans le parcours de vie.[3] La célèbre « courbe de Heckman » illustre ce constat : le rendement économique des investissements visant le développement de compétences et de connaissances décroît avec l’âge.[4]
Courbe de Heckman : Taux de rendement des investissements visant le développement de compétences et de connaissances
Des investissements qui bénéficient à toute la société
Plusieurs études réputées s’intéressent aux externalités positives qui découlent des investissements réalisés en petite enfance.[5] En économie, le concept d’externalités fait référence aux conséquences pour autrui des actions d’une personne ou organisation distincte. Elles peuvent être négatives, comme c’est le cas pour la pollution, ou positives comme c’est souvent le cas en éducation. De fait, bien que l’individu soit le premier bénéficiaire d’un parcours éducatif de qualité, l’ensemble de la collectivité bénéficie d’une société plus instruite.
C’est exactement le cas des investissements dans les services préventifs en petite enfance. À l’échelle de la société, ces interventions permettent de lutter efficacement contre une multitude de problématiques telles que le décrochage scolaire et la pauvreté.
Les coûts de ne pas investir en prévention sont importants
Selon l’économiste Pierre Fortin, les coûts liés à une absence d’intervention préventive auprès des tout-petits peuvent devenir fort importants à long terme. En effet, retarder le moment des interventions augmente les coûts totaux que doit supporter la société par des interventions moins efficaces plus tard dans la vie.
Plusieurs études ont d’ailleurs démontré – au Québec comme à l’international – que la fréquentation d’un service de garde éducatif de qualité dès un jeune âge avait une incidence positive sur la performance des enfants tout au long de leur parcours scolaire, augmentait les chances de diplomation et réduisait le risque de pauvreté à l’âge adulte.[7] Dans ce contexte, négliger d’investir en petite enfance implique d’importantes conséquences sur la société.
À l’inverse, investir massivement en petite enfance apparaît comme un choix particulièrement rentable et porteur pour l’ensemble de la collectivité !
Par Geoffroy Boucher
Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.
Pour aller plus loin
Lire le mémoire du Collectif petite enfance
Consulter le rapport AGIR pour que chaque tout-petit développe son plein potentiel
Références
[1] Council for Early childhood Development (2010), « The Science of Early Childhood development ».
[2] Collectif petite enfance (2023), « Investir en petite enfance, c’est agir pour l’avenir ».
[3] Plusieurs revues de littérature scientifique et méta-analyses soutiennent ce consensus, notamment Brunsek et al. (2020), Rao et al. (2017), Tanner, Candland, et Odden (2015).
[4] Heckman (2008), « The case for Investing in Disadvantaged Young Children ».
[5] Voir notamment Cunha, Heckman, Lochner, et Masterov (2006), Heckman et Masterov (2007), et Heckman (2008).
[6] OCDE (2020), « Early Childhood Education: Equality, Quality and Transitions – Report for the G20 Education Working Group ».
[7] Domond et al. (2020), « Child Care Attendance and Educational and Economic Outcome in Adulthood », Pediatrics.
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