Observatoire des tout-petits

Chroniques
8 novembre 2023

Le plein potentiel : qu’est-ce que c’est?

Le plein potentiel : qu’est-ce que c’est?
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Photo de Kathleen Couillard
Kathleen Couillard
Journaliste scientifique

Vouloir développer le plein potentiel d’un enfant, cela va de soi. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement? Deux expertes nous partagent leurs réflexions sur le sujet.

Julie Poissant est professeure au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM. Elle a consacré sa carrière à la petite enfance. « Le terme plein potentiel est présent dans plusieurs politiques et programmes québécois », observe-t-elle. Par exemple, il est mentionné 9 fois dans la Stratégie 0-8 ans du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et 16 fois dans sa Politique de la réussite éducative. « On l’utilise constamment, pourtant on ne le définit jamais », remarque la Dre Irma Clapperton, médecin-conseil à la Direction de santé publique du CIUSSS de l’Estrie.

« Pour moi, soutenir le plein potentiel d’un enfant, c’est l’amener le plus loin possible dans le développement de ses besoins, mais en tenant compte de son point de départ », explique Julie Poissant. D’un point de vue de santé publique, c’est aussi faire en sorte que tous les enfants puissent se développer de façon optimale. « Mais la santé, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, insiste la Dre Clapperton. C’est un ensemble de ressources permettant de satisfaire ses besoins, de réaliser ses ambitions et de s’adapter à son environnement. »

Soutenir le développement global

Favoriser le plein potentiel, c’est donc soutenir toutes les facettes du développement d’un enfant. Selon Julie Poissant, cette vision concorde particulièrement bien avec le concept du développement positif des jeunes. Utilisée plus souvent avec les adolescents, cette approche est basée sur la psychologie positive qui met l’accent sur les forces des individus plutôt que sur leurs comportements problématiques.

« On vise ainsi à développer les aptitudes et les capacités dont les enfants ont besoin pour grandir et s’épanouir », explique Julie Poissant. Connue aussi sous le nom des 5 C, cette approche aide les enfants à développer leurs compétences, leur confiance en eux, leurs connexions avec les autres, leur caractère et leur compassion.

« On veut que l’enfant soit heureux, qu’il contribue à la société et qu’il réalise ses rêves », résume la professeure.

Cette vision rappelle les cinq dimensions du développement de l’enfant évaluées dans le cadre de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM). « Au Québec, nous avons la chance de pouvoir compter sur cette étude qui nous permet de regarder l’évolution du développement des enfants québécois sur le plan populationnel », remarque la Dre Clapperton.

Offrir le choix

À une époque où la performance est valorisée, on pourrait être tenté de croire que développer le plein potentiel d’un enfant, c’est en faire un petit prodige. « C’est vrai qu’il y a une norme sociale au niveau de la performance, admet la Dre Clapperton. Mais, le plein potentiel, ce n’est pas ça. » 

Une position partagée par Julie Poissant. « On ne veut pas qu’ils deviennent des champions ou en faire une élite, insiste-t-elle. Il faut plutôt voir le plein potentiel dans une perspective de santé et de bien-être. »

Le terme implique aussi une notion de choix. « C’est donner à l’enfant une emprise sur sa vie, ajoute Julie Poissant. Il peut choisir ce qui lui convient. » Toutefois, pour qu’il puisse faire de vrais choix, il faut lui avoir offert des environnements stimulants lui permettant de découvrir quels sont ses intérêts.

Le rôle de l’environnement

Le développement du plein potentiel est d’ailleurs souvent utilisé dans une perspective d’égalité des chances. Julie Poissant cite à ce sujet les travaux du chercheur britannique Leon Feinstein. Celui-ci a étudié sur plusieurs années le développement d’enfants nés en 1970. Il a notamment mesuré leurs compétences cognitives et émotionnelles à l’âge de 22 mois pour les regrouper selon leur score. Lorsqu’il a évalué ces enfants à nouveau à l’âge de 10 ans, Feinstein a constaté que les enfants à haut potentiel qui avaient grandi dans une famille défavorisée avaient maintenant un score inférieur à celui des enfants avec un potentiel plus bas, mais qui avait grandi dans une famille aisée.

Selon Julie Poissant, cette étude montre l’importance de l’environnement pour le développement du potentiel d’un enfant. En effet, il est difficile pour un tout-petit de développer ses capacités s’il dort dans un lit infesté de punaises, s’il arrive à l’école le ventre vide ou s’il est exposé à la violence conjugale.

« C’est triste de voir que des enfants avec un fort potentiel perdent leurs avantages parce qu’ils ont grandi dans des environnements difficiles, » déplore Julie Poissant.

Selon la Dre Clapperton, il est possible d’agir au niveau des politiques publiques pour mettre en place des mesures qui feront en sorte que les expériences négatives ne s’accumulent pas pendant l’enfance et que chaque enfant puisse ainsi utiliser l’ensemble de ses ressources pour se réaliser.

Et les besoins de soutien particulier

L’idée du plein potentiel prend tout son sens lorsqu’il est question des enfants ayant besoin de soutien particulier. « Cela permet de voir les compétences et les capacités de ces enfants plutôt que leurs lacunes ou leurs déficits », souligne Julie Poissant. Au lieu d’avoir des attentes normatives envers ces enfants, ce concept permet de valoriser leur parcours différent.

« Bien sûr, on veut rehausser le potentiel de tous les enfants, mais il faut aussi mettre en place des approches plus ciblées pour ceux qui présentent des difficultés au départ », souligne la Dre Clapperton.

« On revient encore ici au principe d’égalité des chances, ajoute Julie Poissant. Un enfant ne devrait pas être désavantagé parce qu’il est né avec un TDAH ou une difficulté d’apprentissage. »

 

Photo de Kathleen Couillard

Par Kathleen Couillard

Titulaire d’une maîtrise en microbiologie, Kathleen Couillard œuvre comme journaliste scientifique depuis plus de 10 ans. Elle a également occupé le poste de conseillère au transfert des connaissances à l’Observatoire des tout-petits pendant deux ans et demi. Elle collabore maintenant avec différents médias dont l’Agence Science-Presse, Naître et grandir, L’Actualité et Protégez-Vous. Elle s’intéresse plus particulièrement à tout ce qui touche la santé, la famille et le développement des enfants.

 

Pour aller plus loin

Consulter notre rapport sur les tout-petits ayant besoin de soutien particulier

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