Observatoire des tout-petits

Chroniques
16 mai 2023

Accès aux services éducatifs : soutenir les parents pour aider les enfants

	Accès aux services éducatifs : soutenir les parents pour aider les enfants
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Photo de Kathleen Couillard
Kathleen Couillard
Journaliste scientifique

Lorsqu’on parle des services éducatifs à l’enfance, on pense immédiatement aux tout-petits. Cependant, certains milieux se sont donné pour mission de répondre aussi aux besoins des parents pour ultimement aider les enfants.

À l’automne 2005, le Centre jeunesse de la Montérégie a contacté Lise Tétreau, alors enseignante en éducation à l’enfance au Cégep de Saint-Hyacinthe. Le centre recherchait des intervenantes pour s’occuper des enfants signalés pour négligence à la DPJ pendant que leurs parents suivaient des formations. Pour l’ancienne directrice de CPE, c’était l’occasion de mettre ses étudiantes en contact avec des familles qui vivent des enjeux complexes.

Ce qui a débuté par une demi-journée une fois par semaine a progressé rapidement vers deux jours par semaine pendant 12 semaines chaque session.

« Cela permettait aux étudiantes de se développer davantage dans le cadre de leur travail auprès des enfants, tout en offrant aux parents quelques journées à eux pour ventiler », se rappelle Lise Tétreau.

C’est donc ainsi qu’a vu le jour la Halte-Garderie du cœur. La clientèle était alors composée de familles avec des enfants signalés pour négligence ainsi que des enfants ayant besoin de soutien particulier ou issus de l’immigration.

 

Des familles avec des besoins complexes

Pour permettre aux étudiantes d’améliorer leurs interventions en situation complexe, Lise Tétreau leur a proposé les principes de la pratique réflexive.

« On tentait de comprendre ce qui se passe, on posait des hypothèses, on essayait de nouvelles interventions et on amenait ainsi les étudiantes à bien observer », explique-t-elle.

Certaines des familles qui fréquentaient la Halte-Garderie du cœur avaient été expulsées de leur service de garde précédent parce qu’elles ne respectaient pas les horaires ou parce qu’elles ne parvenaient pas à payer.

« Ce que je disais aux étudiantes, c’est qu’il faut apprendre aux parents à fréquenter un service de garde, raconte Lise Tétreau. Le parent n’arrive pas à l’heure, mais pourquoi? S’il ne sait pas quel autobus prendre, on lui donnait un coup de main pour faire cet apprentissage. »

À la Halte-Garderie du cœur, les étudiantes apprenaient aussi à être attentives aux besoins des familles immigrantes. Par exemple, les parents qui vivaient avec un choc post-traumatique pouvaient avoir de la difficulté à confier leur enfant à un inconnu. « Nous essayions alors de mieux comprendre cette détresse et de trouver comment alléger la situation, » mentionne Lise Tétreau. Les éducatrices pouvaient ainsi filmer l’enfant après le départ des parents pour leur montrer que leur tout-petit s’était calmé rapidement.

Enfin, pour les parents d’enfants ayant besoin de soutien particulier, les éducatrices accompagnaient les parents dans l’acceptation de leur enfant.

« Je me rappelle une étudiante qui était très emballée par les progrès faits par un enfant, raconte Lise Tétreau. Cet enthousiasme avait amené le parent à accepter la différence de son enfant et à voir son potentiel. »

  

Une approche efficace

« C’est bien beau d’avoir une bonne idée, mais est-ce qu’elle a scientifiquement de la valeur? » souligne toutefois Lise Tétreau. Le projet a donc été évalué de 2014 à 2019 par Nathalie Bigras, professeure à l’UQAM. Les résultats ont montré que les parents étaient particulièrement satisfaits de la qualité des relations établies avec l’équipe de la halte-garderie, notamment grâce à l’absence de jugement à leur égard. Le bouche-à-oreille s’est d’ailleurs fait rapidement, remarque Lise Tétreau. En effet, les parents suivis par la DPJ se recommandaient entre eux la Halte-Garderie du cœur puisqu’ils savaient qu’ils y seraient bien accueillis et acceptés. Le projet a également gagné le Grand prix de l’Association des centres jeunesse du Québec en 2012.

Malheureusement, la pandémie a obligé la Halte-Garderie du cœur à cesser ses activités en mars 2020 et la fin de certaines subventions a empêché sa réouverture par la suite. Lise Tétreau croit toutefois qu’avec un peu de volonté politique, il serait possible de redémarrer le projet. Lors de l’évaluation, Nathalie Bigras soulignait d’ailleurs que cette approche de formation gagnerait à être généralisée et pourrait inspirer d’autres milieux à répondre aux besoins de ces familles.

 

De la flexibilité pour les parents étudiants

Même pour les clientèles qui ne sont pas vulnérables, les milieux qui s’adaptent aux besoins des parents peuvent faire toute la différence. Cela est particulièrement vrai pour les parents étudiants.

La Halte-garderie Le Baluchon a vu le jour en 2001. « C’est la première halte-garderie sur un campus d’enseignement supérieur au Québec », souligne Radia Sentissi, secrétaire générale de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal qui supervise la halte-garderie. L’objectif était alors d’offrir un milieu de garde à proximité du campus pour les parents qui devaient venir suivre des cours à l’Université de Montréal.

Grâce à la Halte-garderie Le Baluchon, les parents peuvent déposer leur enfant seulement pour la durée de leurs cours et les récupérer par la suite. Cette flexibilité est d’ailleurs un point fort du projet. Selon Radia Sentissi, il s’agit d’un service très apprécié des parents étudiants.

« Ils savent qu’il y a un environnement pour leur enfant à quelques minutes de marche », observe-t-elle.

Le fait d’avoir de petits groupes de 8 à 10 enfants permet également d’avoir une approche éducative plus personnalisée auprès des enfants.

La halte-garderie met d’ailleurs en application le programme éducatif de l’Association des haltes-garderies communautaires du Québec. « Nous proposons des activités comme de la peinture, de la musique, du bricolage et des jeux, mentionne Radia Sentissi. L’objectif est de développer la motricité globale et fine et les compétences cognitives. »

 

Un projet pilote dans les établissements d’enseignement

« Nous parlons avec nos collègues des autres universités qui veulent mettre en place une halte-garderie et il y a souvent des enjeux d’espace, remarque Radia Sentissi. De plus, construire un nouveau service et l’opérer coûte cher. »

L’embauche des éducatrices est également l’un des défis rencontrés par la halte-garderie depuis quelques années.

L’équipe de la Halte-garderie le Baluchon a toutefois reçu une bonne nouvelle en février dernier. Elle a été sélectionnée dans le cadre d’un projet pilote mis sur pied par le ministère de la Famille qui vise à créer neuf haltes-garderies sur les campus des cégeps et des universités du Québec.

« Nous sommes très heureux d’avoir été choisis, se réjouit Radia Sentissi. Ce coup de pouce du gouvernement est très apprécié. Ce financement permettra d’améliorer les conditions de travail de nos éducatrices et le matériel utilisé pour les activités éducatives avec les enfants. »

Cette chronique a été réalisée dans le cadre de la Semaine québécoise des familles qui se déroule du 15 au 21 mai 2023. Orchestrée par le Réseau pour un Québec Famille, elle se consacre cette année au thème suivant : « Simplifier le parcours des familles : faire de l'accès aux services une priorité. »

Photo de Kathleen Couillard

Par Kathleen Couillard

Titulaire d’une maîtrise en microbiologie, Kathleen Couillard œuvre comme journaliste scientifique depuis plus de 10 ans. Elle a également occupé le poste de conseillère au transfert des connaissances à l’Observatoire des tout-petits pendant deux ans et demi. Elle collabore maintenant avec différents médias dont l’Agence Science-Presse, Naître et grandir, L’Actualité et Protégez-Vous. Elle s’intéresse plus particulièrement à tout ce qui touche la santé, la famille et le développement des enfants.

Pour aller plus loin

Lire notre rapport thématique sur l’importance de la qualité, de la stabilité et de la continuité des milieux de vie des tout-petits

Lire le chapitre de notre Portrait des politiques publiques consacré à l’accès à des services éducatifs à l’enfance de qualité