Rapport du vérificateur général du Québec : encore plusieurs problèmes d'accès
La vérificatrice générale du Québec Guylaine Leclerc a rendu public le tome d'octobre 2020 du Rapport du vérificateur général du Québec 2020-2021. Selon ce rapport, les problèmes d’accès aux services de garde éducatifs subventionnés s’intensifient, surtout auprès des tranches de la population les plus vulnérables. C’est du moins ce qui ressort du rapport de 248 pages déposé le 8 octobre par la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.
Voici les principaux constats faits par la vérificatrice générale sur la question ainsi que ses recommandations.
Constat # 1 : L’offre de places subventionnées est insuffisante pour répondre aux besoins des familles du Québec, et celles qui ne peuvent en bénéficier payent plus cher pour un service dont la qualité n’est pas nécessairement à la hauteur des attentes.
Accès limité
Au 28 novembre 2019,
- 46 000 enfants étaient toujours en attente d’une place dans le réseau des services de garde.
- 9 000 enfants fréquentaient un service de garde non subventionné du réseau dont les parents désiraient obtenir une place dans un service de garde subventionné.
- L’accès aux services de garde du réseau peut s’avérer encore plus difficile pour les parents ayant un horaire de travail atypique, avec un taux de placement plus faible (71 %) que les parents désirant une place avec un horaire usuel (85%).
- Les enfants qui présentaient un syndrome diagnostiqué par un professionnel de la santé, comme un trouble du spectre de l’autisme, et dont l’état avait été signalé par leurs parents dans leur dossier sur La Place 0-5. Ces enfants affichaient un taux de placement de 73 % alors que le taux était de 83% pour les enfants sans besoins particuliers.
Différence de coûts et de ratios d’éducatrices et d’éducateurs qualifiés entre les types de services de garde
- La majorité des parents en attente d’une place subventionnée se voient obligés de payer un prix plus élevé pour obtenir, dans certains cas, une place dans un service de garde non subventionné ayant un ratio d’éducatrices et d’éducateurs qualifiés moins élevé.
- Au 1er janvier 2020, ce coût quotidien est passé de 8,25 dollars à 8,35 dollars, alors que celui d’une place non subventionnée pouvait s’élever à 70 dollars par jour.
- Ce sont dans les garderies non subventionnées que les ratios les moins élevés sont observés, même si le montant payé par le parent pour une place y est plus élevé que dans un service de garde subventionné.
Variation de l’offre de services de garde selon les régions
- Les régions administratives de Laval et de Montréal comptent proportionnellement beaucoup moins de places subventionnées (CPE, garderie subventionnée et service de garde en milieu familial subventionné) que le reste du Québec.
Constat # 2 : Les enfants de familles à faible revenu sont sous-représentés dans les centres de la petite enfance des régions administratives de Laval et de Montréal.
- Dans les régions administratives de Laval et de Montréal, les quartiers défavorisés comptent une proportion moins élevée de places en CPE que les quartiers mieux nantis.
- Les enfants dont les parents ont un revenu familial annuel inférieur ou égal à 25 000$ sont moins présents dans les CPE (17% pour Laval et 29% pour Montréal) que les enfants dont les parents ont un revenu familial de 200 000$ ou plus (34% pour Laval et 48% pour Montréal).
- Le revenu médian des familles qui étaient en attente d’une place est inférieur à celui des familles dont l’enfant fréquentait un CPE.
Constat # 3 : Le guichet unique La Place 0-5 ne permet pas une gestion efficace de l’accès aux services de garde et ne répond pas aux besoins des parents.
- La Place 0-5 n’est pas à jour : 2 400 services de garde éducatifs n’ont pas actualisé le nombre d’enfants qui fréquentent leurs installations. Par exemple, 30% des enfants dont les noms apparaissaient sur la liste au moment de leurs travaux fréquentaient déjà un service de garde éducatif.
- Entre septembre 2018 et novembre 2019, environ 30 000 enfants (dont environ 5 000 dans le cas des CPE) ont obtenu une place alors qu’ils n’étaient pas inscrits au guichet unique.
- Par ailleurs, les services éducatifs à la petite enfance ne sont pas obligés de respecter le positionnement des enfants sur la liste.
- Le guichet unique n’offre pas aux parents l’information qui leur permettrait de prendre une décision éclairée.
- Malgré l'investissement de près de 2 millions de $ investis par le gouvernement dans cette plateforme, il n'est pas propriétaire de l’application Web de La Place 0-5.
Constat # 4 : L’encadrement des services de garde par le ministère de la Famille est largement insuffisant pour optimiser l’accès des familles aux services de garde, notamment lorsque leur enfant a des besoins particuliers.
- De nombreuses familles n'ont pas accès à des services de garde subventionnés parce qu'ils ne satisfont pas à leurs critères d’admission, et ce, sans que le ministère ne soit mis au courant.
- Le ministère ne dispose pas d’un portrait d’ensemble des critères d’admission utilisés par les services de garde qu’il subventionne.
- Le ministère n’a aucune assurance que les allocations accordées aux services de garde subventionnés pour faciliter l’accès ou l’intégration des enfants ayant des besoins particuliers sont utilisées adéquatement et ont l’effet escompté.
- La planification du développement du réseau des services de garde ne s’appuie pas sur des données suffisamment précises et complètes.
- Le ministère ne parvient pas non plus à respecter la planification établie quant à la création de nouvelles places en service de garde subventionné.
La vérificatrice générale souligne que « malgré un investissement annuel de 2,4 milliards de dollars depuis l’exercice financier 2014-2015, le ministère de la Famille n’est pas parvenu à remplir ses engagements quant au développement et l’encadrement du réseau des services éducatifs à la petite enfance en vue d’en assurer son accessibilité ». Près de la moitié des places autorisées ne seraient toujours pas ouvertes et remplies.
À noter que le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a annoncé au début du mois d’octobre la création de 4 539 places subventionnées, dans 13 régions du Québec (il s’agit en fait de 2 500 nouvelles places déjà promises par le gouvernement et de 1 849 places octroyées au cours de la dernière année mais pas encore créées).
Recommandations
- Revoir la stratégie de déploiement du réseau des services éducatifs de garde éducatifs afin que l’offre de services puisse répondre aux besoins des familles, peu importe la région dans laquelle elles habitent.
- Veiller à ce que les enfants vivant dans un contexte de précarité socio-économique ou ceux ayant des besoins particuliers aient accès à un service de garde éducatif abordable et qui répond à leurs besoins.
- S’assurer que l’information disponible sur La Place 0-5 est complète et à jour afin d’aider les parents et les services de garde éducatifs dans leur prise de décision.
- S’assurer que les services de garde éducatifs recourent exclusivement aux inscriptions sur La Place 0-5 pour combler leurs places, comme exigé par la Loi sur les services éducatifs à la petite enfance.
- Renforcer de manière importante l’encadrement des services éducatifs subventionnés, particulièrement en ce qui a trait à leur politique d’admission et à l’intégration des enfants ayant des besoins particuliers.
- S’assurer que les objectifs de création de nouvelles places sont atteints et que l’échéancier est respecté.
Pour consulter le Rapport du vérificateur général du Québec
Par Marilou Denault
Autres actualités
-
Éditos de Julie13 novembre 2024
Des inégalités dès la petite enfance
-
Actualités28 octobre 2024
L'Observatoire recrute un.e conseiller.ère, communications et affaires publiques
-
Chroniques28 octobre 2024
Restreindre la publicité alimentaire destinée aux enfants pour les protéger
-
Chroniques23 octobre 2024
Conciliation famille-travail-études : un défi de taille
-
Actualités2 octobre 2024
Les écrans en services de garde éducatifs : l’avis d’une directrice pédagogique
-
Chroniques30 septembre 2024
Nouveau plan de lutte contre la pauvreté : quelles répercussions pour les tout-petits?