L’histoire de quatre tout-petits
Comment les politiques publiques interviennent-elles dans la vie des tout-petits?
Il est parfois difficile de bien juger du rôle de certaines politiques lorsqu’elles sont prises isolément, car elles peuvent sembler « déconnectées » de la vie quotidienne des tout-petits. En situant les politiques dans l’écosystème dans lequel grandit un enfant, nous pouvons mieux comprendre leur rôle et leur complémentarité.
L’histoire de Gabrielle
Gabrielle aura bientôt 1 an. Ses parents se réjouissent du fait qu’ils aient pu prendre un congé parental rémunéré de plusieurs semaines après la naissance de leur enfant. C’était leur droit, car à titre de salariés, ils contribuent tous les deux au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).
Le papa de Gabrielle reconnaît que son congé de paternité lui a permis de se sentir plus à l’aise de participer aux soins de sa petite fille et de développer un lien d’attachement important avec elle, et ce, sans souci financier. Il sait que le temps passé à la maison après la naissance de Gabrielle fera de lui un père plus présent et plus engagé.
Toutefois, durant le plus fort de la crise de la COVID-19, au printemps 2020, la mère de Gabrielle s’est retrouvée sans emploi pendant plusieurs semaines. Privés d’un salaire sur deux, les parents qui n’avaient jusqu’alors jamais connu la précarité, peinaient à joindre les deux bouts, malgré la Prestation canadienne d’urgence. Ils ont dû avoir recours à une banque alimentaire, ce qui leur a permis de découvrir au passage à quel point les organismes communautaires de leur quartier jouaient un rôle indispensable pour soutenir les familles qui en ont besoin.
L’histoire d’Olivia
Olivia vient d’avoir 5 ans. Depuis la séparation de ses parents, elle vit seule avec son papa dans une habitation à loyer modique (HLM). Cela permet à son père de consacrer une plus petite part de son revenu à leur logement, et une plus grande part à leur alimentation.
Grâce aux protocoles d’entente entre les CISSS ou CIUSSS et les services de garde éducatifs, Olivia a pu bénéficier des services d’une orthophoniste depuis l’année dernière, qui l’aide à surmonter ses difficultés à s’exprimer. C’est une éducatrice en CPE qui avait détecté un trouble du langage chez Olivia avec l’aide d’une infirmière d’un CLSC avec qui elle collabore. Il s’agit effectivement d’une pratique qui est proposée aux éducatrices dans le programme Accueillir la petite enfance ainsi que dans la Stratégie 0-8 ans Tout pour nos enfants.
En septembre dernier, Olivia a fait son entrée en maternelle 4 ans. Elle devrait ainsi continuer à bénéficier d’un encadrement qui lui permettra de se développer pleinement. Par ailleurs, Olivia fréquente le Centre de pédiatrie sociale de Gatineau, où elle rencontre régulièrement une intervenante qui l’aide à surmonter l’anxiété qu’elle vit depuis la séparation de ses parents.
Le papa d’Olivia aimerait inscrire sa fille à des cours de natation comme elle le souhaite. Il sait que cela serait bénéfique pour son développement et trouve important que sa fille apprenne à nager. Toutefois, il est conscient qu’il n’arriverait pas à trouver du temps pour accompagner Olivia, car son patron à l’usine montre peu de souplesse à cet égard.
Cela dit, son employeur obtiendra prochainement l’aide du Programme de soutien financier en matière de conciliation famille-travail destiné aux milieux de travail, qui lui permettra d’adopter des pratiques permettant de faciliter la vie des parents comme le père d’Olivia. Ce dernier a bon espoir de pouvoir bénéficier d’un peu plus de flexibilité dans son horaire de travail dans les mois à venir, ce qui lui permettra d’être davantage disponible pour prendre soin de sa fille.
L’histoire d'Ismaël
Le petit Ismaël a 2 ans et demi. Tout comme ses deux parents, il n’est pas né au Canada, mais ils sont tous trois résidents permanents. Comme environ 15 000 femmes vivant en situation de précarité chaque année au Québec, la maman d’Ismaël a pu se procurer chaque jour 1 oeuf, 1 litre de lait, et des légumes surgelés avec les coupons Olo. Cela lui a permis de mieux s’alimenter pendant sa grossesse et d’augmenter ses chances d’avoir un bébé en santé. Malheureusement, Ismaël est toujours en attente d’un accès à un médecin de famille.
À l’heure actuelle, les parents d’Ismaël songent à avoir un deuxième enfant, puis même un troisième plus tard. Toutefois, ils savent qu’il serait difficile pour eux de trouver un logement abordable et de qualité qui serait suffisamment grand pour une jeune famille de plusieurs enfants. Les parents d’Ismaël craignent que leur projet de famille les force à devoir changer de quartier ou de municipalité. Ils perdraient ainsi une bonne partie de leur cercle social et du soutien qu’il leur apporte.
La famille d’Ismaël est présentement sur une liste d’attente pour avoir accès à un logement adapté à ses besoins et à ses moyens dans une coopérative d’habitation financée par le programme AccèsLogis. Le papa d’Ismaël sait que cette liste d’attente est longue, mais garde espoir. Il espère pouvoir offrir à sa petite famille un logement adapté à ses besoins, qui lui coûtera moins cher et qui lui permettra de vivre dans un quartier où des ressources sont facilement accessibles.
L’histoire de Shikuan
Shikuan est un petit garçon de 3 ans, qui vit dans une communauté d’une Première Nation au nord de Québec. Sa communauté est jugée plus vulnérable économiquement et sur le plan du soutien social. La mère de Shikuan a donc pu bénéficier du Programme de santé maternelle et infantile (SMI) lorsqu’il est né. Elle a pu recevoir les services d’une infirmière et d’une visiteuse à domicile qui lui ont montré des exercices de stimulation pour les jeunes enfants. La mère de Shikuan est convaincue que ces exercices ne sont pas étrangers au fait qu’il est un petit garçon très agile et curieux aujourd’hui.
Puisque Shikuan fréquente le CPE de sa communauté, sa mère peut occuper un emploi à temps plein, qui lui permet d’être plus autonome financièrement. Elle sait que dans les autres provinces canadiennes, où il n’existe pas de réseau de services éducatifs à tarif réduit comme au Québec, la participation des jeunes mères comme elle au marché du travail est plus difficile.
Cependant, un défi auquel fait face la mère de Shikuan est l’accès à un service de transport collectif fréquent pour se rendre dans les villes avoisinantes, où elle aime aller avec son fils pour faire diverses activités et ses courses comme l’épicerie. La jeune mère, qui a fait le choix de travailler dans sa communauté et de ne pas avoir de voiture, n’a d’autre option que de faire du covoiturage pour se déplacer. Elle souhaiterait avoir accès à un service de transport collectif dans sa région, qui serait plus développé et adapté aux besoins des familles avec de jeunes enfants.
La mère de Shikuan aimerait pouvoir fréquenter des parcs et des terrains de jeu avec son fils, afin qu’il s’amuse avec des amis et dépense de l’énergie. Elle sait que ce serait bénéfique à son développement. Malheureusement, il n’y a pas suffisamment d’espaces publics extérieurs propices aux jeux dans sa communauté. Toutefois, les choses devraient changer dans un avenir rapproché. Sa communauté bénéficiera de ressources financières provenant du fonds Apprentissage et garde des jeunes enfants, ainsi que des services d’aide à l’enfance et à la famille, qui permettront de renouveler et d’agrandir son parc pour enfants.