Ce qu’il faut retenir du rapport sur les 42 forums régionaux de la commission Laurent
Après sept mois d’audience, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ) présidée par Régine Laurent a déposé une synthèse de ses travaux. Elle résume les 42 forums tenus à travers dix-sept régions du Québec auxquels ont participé plus de 2 000 personnes.
La Commission a ainsi rendu public deux rapports : la synthèse des 42 forums régionaux qui résume les propos tenus par les citoyens et les professionnels lors des assemblées publiques partout au Québec, et Votre histoire qui résume les témoignages reçus de citoyens et de professionnels ayant eu affaire avec la DPJ ou qui souhaitaient livrer leur opinion.
Mandatée par le gouvernement le 30 mai 2019 à la suite du décès tragique d’une fillette de 7 ans de Granby, la Commission spéciale doit remettre son rapport final et ses recommandations au gouvernement du Québec au plus tard le 30 novembre 2020.
Synthèse des 42 forums régionaux
Créée il y a quarante ans, la Loi sur la protection de la jeunesse s’appuie sur plusieurs grands principes, tous liés aux besoins fondamentaux des enfants (besoin de sécurité, de protection, de relations stables, de développer son plein potentiel, etc.). Parmi ces grands principes, les 12 commissaires de la CSDEPJ ont privilégié sept lignes directrices afin de guider leurs discussions et leurs réflexions : l’intérêt supérieur de l’enfant, la notion de temps, l’importance de tenir compte des caractéristiques de l’enfant, le besoin de stabilité, le droit de l’enfant à participer aux décisions, la participation des parents et la confidentialité du dossier de l’enfant.
Les valeurs de la société ont changé. On peut se questionner sur l’importance des liens de sang par rapport à l’intérêt de l’enfant et au maintien du lien familial.
- Régine Laurent, lors de la clôture des audiences le 29 mai 2020
Dans la première partie du rapport « Synthèse des 42 forums régionaux », la CSDPEPJ présente les principales observations et les constats les plus récurrents faits par les citoyens et les professionnels dans le cadre des forums régionaux. En voici les principaux éléments.
L’intérêt supérieur
- Il s’agit du constat le plus récurrent des forums (dans 14 des 17 régions), tenu à la fois par les professionnels et les citoyens;
- Il y a trop de place à l’interprétation des responsables au dossier de l’enfant, selon les citoyens;
- Les droits des parents prennent souvent le dessus, selon les professionnels.
La confidentialité du dossier
- Elle freine le partage d’informations et la concertation des services impliqués.
Le besoin de stabilité
- Le roulement de personnel (dû à une surcharge de travail) et les changements fréquents de famille d’accueil (liés à la pénurie de familles) ne respectent pas les besoins de stabilité de l’enfant;
- Cela limite la création d’un lien de confiance et d’attachement entre l’enfant et l’intervenant;
- Un paradoxe est soulevé : le système de protection de la jeunesse est instable alors qu’il doit favoriser la stabilité des enfants.
Le droit de parole et la participation des enfants
- Il est important de considérer le point de vue des enfants à tout âge pour mieux les accompagner;
- Ils doivent bien comprendre la situation avant de participer;
- Ce dernier point soulève la question de l’importance accordée aux caractéristiques de l’enfant et à son bagage culturel, et aux solutions mises de l’avant (par exemple : embaucher des interprètes et des médiateurs interculturels pour la prévention, la sensibilisation, la gestion des conflits, etc.).
La notion de temps
Il existe des délais importants dans le traitement des dossiers et l’obtention de services;
- Cela résulte en de longues listes d’attente et des procédures qui s’éternisent et qui ont des conséquences négatives sur les enfants (ils se sentent négligés et abandonnés par les figures d’attachement importantes).
La notion de temps a un poids particulier dans le développement d’un enfant. Lorsque l’intervention ne vient pas à temps, c’est une occasion manquée qui ne se rattrape pas.
- Régine Laurent, lors de la clôture des audiences le 29 mai
Partie 2: Enjeux, défis et pistes de solution
Les membres de la CSDEPJ ont identifié quatre enjeux sur lesquels ils souhaitaient se pencher pour réviser adéquatement la situation de la protection de la jeunesse au Québec : la gouvernance et les conditions de pratique, la prévention, le parcours des jeunes et le cadre légal et le processus judiciaire. Voici les principaux constats sur les enjeux du système de protection de la jeunesse.Les conditions de pratique
- Il y a une surcharge de travail des intervenants, un manque de concertation entre les personnes impliquées et un manque de reconnaissance (ex. rémunération et formation insuffisantes).
Au fil du temps, la loi de la protection de la jeunesse est devenue la porte d’entrée pour l’accès aux services d’accompagnement face à des passages plus difficiles pour les familles. (…) Les commentaires des citoyens et des professionnels mettent en lumière les mailles qui ont échappé du côté de l’offre de services à la famille, à l’enfance et à la jeunesse.
- Régine Laurent, lors de la clôture des audiences le 29 mai
La prévention
- Les organismes communautaires et les services de première ligne doivent être renforcés, entre autres via un meilleur financement, afin de leur permettre d'agir tôt;
- Les services de première ligne (DPJ, CLSC, organismes communautaires) doivent se concerter davantage;
- Les écoles et les CPE doivent être mis à profit et les services sociaux doivent y être réintégrés (travailleuses et travailleurs sociaux, infirmières et infirmiers, etc.).
Le parcours des enfants
- Il doit y avoir une continuité de services peu importe l’âge des enfants et tout au long de son parcours;
- Les centres jeunesse manquent cruellement d’activités (sportives, sociales, culturelles), ce qui nuit au développement et à l’épanouissement des enfants;
- Les familles d’accueil sont mal accompagnées (manque de formation, de soutien psychologique, etc.).
Nos recommandations seront majoritairement faites en lien avec la prévention car il est clair pour nous qu’il faut agir en amont. Il faut que ce soit une petite portion d’enfants qui se ramassent à la DPJ et donc, qui seront pris en charge par l’État.
- Régine Laurent, lors de la clôture des audiences le 29 mai