Observatoire des tout-petits

Le chaos constructif de l’enfance

Portrait de Julie Cailliau
Julie Cailliau
Directrice de l’Observatoire des tout-petits
23 janvier 2025

Qu’est-ce qui est petit, fait du bruit et se salit facilement ? Un enfant. 

La petite enfance est un mélange bouillonnant d'éclats de rire, de chansons, de chicanes, de pleurs, de mains collantes et d'éclaboussures, de chutes maladroites, d’objets qui tombent, se brisent, de tours qui s’érigent et qui, patatras, s’effondrent.  

Et pour plusieurs adultes, ce chaos dérange. On se plaint ici d’une garderie, là d’une cour d’école, ou même de la petite famille qui habite à côté. Les hôtels réservés aux adultes connaissent un succès sans précédent, et on se marie sans inviter les enfants à la noce. Pourtant, le chaos de l’enfance, c’est le terreau fertile d'un développement sain et harmonieux. Nous avons tout intérêt, comme société, à lui faire de la place. 

Jouer dehors, côtoyer la nature et prendre des risques 

Le cerveau des jeunes enfants se développe grâce aux interactions qu’ils ont avec leur environnement et les personnes qui les entourent. Entre 0 et 5 ans, le cerveau est en pleine construction, au rythme d’un million de connexions par seconde entre les neurones.  

Jouer, grimper, courir stimulent le développement moteur et renforcent les connexions neuronales essentielles à la prise de décisions et à la gestion des émotions. S’aventurer dans des jeux risqués comme escalader un arbre ou marcher sur un muret, ou même tomber, leur permet de tester leurs limites et de développer leur confiance en soi ainsi que leur autonomie. Être actif en interaction avec la nature permet notamment de développer leur curiosité et leurs sens, en touchant, en observant et en sentant ce qui les entoure. De plus, les habitudes de vie acquises durant la petite enfance, telles qu’être physiquement actif, ont tendance à perdurer à l’adolescence et à l’âge adulte et peuvent contribuer à la santé globale. 

Jouer dehors est donc essentiel pour les tout-petits, pour leur développement, leur santé et leur bien-être général, et est associé à leur réussite scolaire.  

Notons au passage que le temps qu’un tout-petit passe devant un écran, c’est du temps perdu pour ces expériences qui stimuleraient réellement son développement. Or, l’Institut de la statistique nous apprenait en décembre que le quart des tout-petits d’environ un an et demi passent en moyenne une heure ou plus par jour de semaine devant un écran. Ça ne fait pas de bruit, un enfant rivé à un écran. Devrait-on s’inquiéter de ce silence ? 

Valoriser le chaos 

Le tourbillon émotionnel des tout-petits est aussi un terrain d’apprentissage. Quand un enfant pleure, rit ou se fâche, il explore ses émotions et apprend à les réguler. Les adultes jouent un rôle fondamental en lui offrant du soutien. L’empathie et la régularité dans les interactions renforcent l’attachement nécessaire à un développement équilibré. Les relations positives avec l’entourage de l’enfant favorisent ainsi son développement socioaffectif. 

Alors oui, les enfants, c’est « du trouble ». Ça marche lentement, ça pose des questions, ça nous distrait de ces choses si importantes que nous, les adultes, devons ou voulons faire. Mais ce trouble, c’est la source de leurs compétences. Rappelons-nous qu’il est normal, redonnons toute leur place aux tout-petits dans notre société. Et valorisons ce chaos constructif, cet univers d’exploration et d’interaction, qui leur permettra de devenir des adultes confiants, créatifs et résilients. 

Partager :