Observatoire des tout-petits

Cinq ans, pour toute une vie

Portrait de Julie Cailliau
Julie Cailliau
Directrice de l’Observatoire des tout-petits
20 novembre 2025

Grandir demande du temps. Comme individu et comme société.

Bien accompagner le développement de l’enfant nécessite de s’adapter à son rythme. Dans le cerveau d’un bébé, ce sont d’abord les zones sensorielles et motrices qui se mettent en place. Puis, des millions de connexions neuronales plus tard, se structurent les zones d’identification et d’analyse des stimuli de l’environnement. Ensuite émergent les fonctions cognitives comme le langage, la mémoire et le raisonnement. Au moment de son entrée à l’école, vers 5 ans, plus de 90% du développement structurel de son cerveau sera déjà réalisé.

En cette Journée internationale des droits de l'enfant et alors que nous sommes au cœur de la 10e édition de la Grande semaine des tout-petits, c’est l’occasion toute désignée pour se rappeler que l’enfant franchit ces étapes grâce aux interactions avec son milieu et son entourage. Et que, collectivement, nous avons le pouvoir de façonner des environnements qui soutiennent pleinement le développement de chaque tout-petit au Québec. 

Observer, comprendre, agir 

En tant qu’observatoire, nous sommes aux premières loges pour suivre l’évolution des connaissances en matière de petite enfance. Nous avons la chance, au Québec, de pouvoir compter sur plusieurs générations de grandes études pour guider l’action publique et communautaire, afin d’intervenir au bon moment et de la bonne façon.

Ces études au long cours nous permettent de mieux comprendre comment les conditions de vie et les expériences vécues pendant la petite enfance se répercutent sur la trajectoire scolaire, sociale et émotionnelle des individus.

À titre d’exemple, l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ) a permis de comprendre les liens entre le développement périnatal et la santé mentale à long terme, le rôle fondamental de la qualité des services éducatifs, de la stabilité familiale et du soutien parental.

Certaines expériences agissent positivement; on parle alors de facteurs de protection. D’autres, au contraire, deviennent des facteurs de risque. Plus ces derniers s’accumulent, plus l’enfant risque d’être vulnérable sur le plan du développement.

Or, plus du quart des enfants sont considérés comme vulnérables dans au moins un domaine (physique, cognitif, langagier, affectif ou social) à leur arrivée à la maternelle 5 ans. Préoccupante, cette proportion a d’ailleurs augmenté à chaque édition de l’Enquête sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM), passant de 25,6% en 2012 à 27,7% en 2017 puis 28,7% en 2022. 

Pas tous de la même ligne de départ 

Cette proportion est encore plus élevée pour les tout-petits exposés à davantage d’adversité, comme ceux qui vivent dans une famille à faible revenu. En effet, le risque qu’un ou une enfant présente des vulnérabilités quant à son développement augmente selon les conditions dans lesquels l’enfant grandit. Or, déjà en 2022, environ le quart (25,4%) des parents d’enfants de 0 à 5 ans1 considérait qu’il n’avait pas les moyens de subvenir aux besoins de base de sa famille, soit l’alimentation, le logement et les vêtements.

Il reste donc du chemin à faire. Ce qui est encourageant, c’est de constater que la mobilisation collective pour concevoir et améliorer des programmes adaptés aux besoins des familles avec tout-petits porte réellement fruit. 

Des mesures collectives qui portent fruit 

Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) en témoigne. Depuis sa refonte en 2021, on a observé que la proportion des familles qui partagent les prestations parentales entre les deux parents après la naissance de leur enfant a nettement augmenté, passant de 27% en 2020 à 40% en 2022. En permettant aux parents de passer davantage de temps auprès de leur enfant pendant sa première année de vie tout en assurant une sécurité financière, le RQAP contribue à la santé mentale et au développement des tout-petits.

Autre exemple, les mesures d’aide financière temporaire pendant la pandémie, comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU), ont atténué les difficultés financières de nombreuses familles. La proportion d’enfants de 0 à 5 ans vivant dans une famille à faible revenu a alors diminué à 8,7% en 2020, avant de remonter à un niveau prépandémique en 2023, à 12,1%.

De telles mesures conçues en réponse aux besoins des familles permettent de changer les trajectoires de vie de nombreux tout-petits.

Et soutenir le développement des enfants, c’est grandir comme société. 



Julie Cailliau
Directrice de l'Observatoire des tout-petits 

 

Note
1. Les parents qui avaient uniquement un ou des enfants de moins de 6 mois étaient exclus de l’enquête.

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