Soutenir les mères qui décident d’allaiter, une responsabilité collective


Il existe un consensus scientifique sur les effets positifs de l’allaitement, tant en ce qui concerne la santé publique que le développement durable et l’économie. Alors que cette pratique relève d’une décision personnelle, soutenir les femmes qui veulent allaiter est un devoir collectif. Dans cette optique, les services de soutien en allaitement contribuent à améliorer l’expérience des mères et à amenuiser les difficultés qu’elles pourraient rencontrer.
L’allaitement présente de nombreux bienfaits – tant à court qu’à long terme – pour les nourrissons et les jeunes enfants. L’allaitement a également des bénéfices pour la santé de la mère, en plus de comporter des avantages environnementaux et économiques.
À la lumière de ces avantages, les différentes instances de santé publique provinciales et fédérales, en accord avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), recommandent un allaitement exclusif pendant les six premiers mois de vie, suivi de la poursuite de l’allaitement jusqu’à l’âge de deux ans ou plus, accompagné d’aliments complémentaires appropriés.
Selon des experts américains1, les femmes qui bénéficient d’un soutien adéquat dès la grossesse auraient non seulement plus de chances d’allaiter, mais également d’allaiter plus longtemps. En plus de leur permettre de prendre une décision éclairée, ce soutien les aiderait à atteindre leurs objectifs personnels d’allaitement.
C’est ici qu’entrent en jeu les services de soutien en allaitement, qui visent à soutenir les mères dans leur volonté d’allaiter leur bébé. Ces services peuvent être prodigués par des professionnels de la santé, des consultantes en lactation ou des marraines d’allaitement.
Les avantages de l’allaitement sont nombreux et diversifiés
Les bienfaits de l’allaitement pour la santé des enfants et des mères sont nombreux.
Les bienfaits de l’allaitement peuvent également perdurer à long terme. Par exemple, il offre une protection contre l’obésité plus tard dans la vie. Plus l’allaitement est exclusif pendant les 6 premiers mois de vie et plus il dure longtemps au-delà de cette période, plus ses bienfaits sont importants.
Chez la mère, l’allaitement réduit les risques de développer un cancer du sein, un cancer de l’ovaire, ainsi que certaines maladies chroniques comme le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Les bénéfices de l’allaitement sont également d’ordre économique et environnemental. En plus de réduire les dépenses familiales, il permet de diminuer les coûts en soins de santé. Par ailleurs, l’allaitement constitue le moyen le plus écologique de nourrir son bébé. En effet, il ne génère aucun déchet et ne nécessite aucune utilisation de ressources ou d’eau.
Portrait de l’allaitement au Québec
Selon de récentes données du rapport La santé, l’alimentation et le sommeil des bébés, publié en novembre 2024 par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et tiré de l’étude longitudinale Grandir au Québec, en 2021-2022, la majorité (91,2%) des bébés d’environ 5 mois avaient reçu du lait maternel au moins une fois. Une plus petite proportion (65,6%) des bébés d’environ 5 mois avaient été allaités pendant leurs 4 premiers mois de vie, et une proportion encore plus faible (28,8%) l’avaient été de manière exclusive durant cette période.
Si certaines conditions médicales peuvent nuire à la production de lait, le manque de lait peut également être induit par certaines pratiques.
« Plus on stimule les seins, plus ils vont produire de lait, car la production de lait s’ajuste à la demande, explique Anny-Pier Tremblay, consultante en lactation et vice-présidente du conseil d’administration du Mouvement allaitement du Québec (MAQ), dont la mission est de contribuer à rendre les environnements favorables à l’allaitement. Ainsi, l’introduction d’autres aliments, de la suce ou du biberon dans les premières semaines peuvent faire baisser la production de lait chez la mère. »
Des difficultés à allaiter, une intolérance ou une allergie du bébé, le fait que le bébé refusait le sein et une fatigue physique ou psychologique de la mère sont d’autres raisons évoquées par les mères pour expliquer pourquoi elles ont décidé de mettre fin à l’allaitement de leur enfant.
Les ressources communautaires en allaitement, des ressources importantes
« La mission du MAQ, c’est de rendre le geste d’allaiter plus facile, partout et en tout temps, précise Anny-Pier Tremblay. Nous avons la responsabilité collective de poser des actions concrètes pour que les personnes qui allaitent puissent le faire quand elles veulent et où elles veulent, sans jugement. »
Selon un récent sondage mené par le MAQ auprès de 586 femmes québécoises ayant un enfant âgé entre 2 mois et 5 ans, les mères qui ont eu recours aux services d’une ressource communautaire en allaitement (RCA) sont plus nombreuses à rapporter avoir eu une expérience d’allaitement positive.
Les RCA comprennent les groupes et organismes d’entraide et de soutien en allaitement, les centres de ressources périnatales et les maisons de la famille qui offrent au moins un service gratuit en allaitement. Elles visent à encourager, protéger et soutenir l’allaitement au sein de la population.
Toujours selon le sondage, pour environ les deux tiers (66%) d’entre elles, la première prise de contact avec une RCA a eu lieu après l’accouchement, particulièrement après avoir rencontré des difficultés avec l’allaitement. Or, les résultats montrent que les mères qui ont approché ce type de ressource en période prénatale allaitent plus longtemps leur enfant, en comparaison aux femmes qui rapportaient ne pas connaître leur existence.
« C’est pour cette raison qu’on insiste sur l’importance d’accompagner les femmes dès la grossesse, précise Anny-Pier Tremblay. Il y a alors un lien de confiance qui est déjà créé, ce qui facilite la consultation lorsqu’une difficulté ou une question se présente avec l’allaitement. On se met aussi dans une posture de prévention, qui va permettre d’aborder des problèmes mineurs qui, sans intervention rapide, peuvent devenir des problèmes complexes d’allaitement. »
La réalité des ressources communautaires en allaitement
Selon une récente enquête du MAQ menée auprès de 81 RCA en 2023 et 2024, ces ressources font face à divers enjeux :- Sous-financement. Près de la moitié (49%) des RCA estiment que leurs moyens financiers sont insuffisants pour répondre adéquatement aux besoins des familles.
- Manque de personnel. Environ 20% des RCA ne comptent aucune employée à temps plein.
- Couverture du territoire québécois. Des trous de services ont été observés dans 8 régions administratives du Québec (sur un total de 17 régions).
- Accessibilité. Les mères issues de l’immigration sont moins nombreuses, en proportion, à connaître l’existence des RCA.
Afin que les RCA puissent rejoindre davantage de familles et assurer la pérennité de leur offre de services, le MAQ a émis les recommandations suivantes :
- Augmenter le financement des RCA et renforcer leurs liens avec le réseau de la santé et des services sociaux
- Mettre en œuvre des actions spécifiques pour rejoindre les mères issues de l’immigration et les informer de l’existence et de l’efficacité des RCA
- Sensibiliser les professionnel.les de la santé à l’importance de diriger les femmes enceintes vers les RCA
- Accroître la visibilité et l’accessibilité des RCA au Québec
L’allaitement, une préoccupation de santé publique
L’allaitement est un enjeu qui préoccupe les différentes instances gouvernementales, tant à l’échelle locale qu’internationale. Au Québec, l’Initiative des amis des bébés (IAB), qui relève du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), vise à assurer le meilleur départ possible pour chaque enfant, en misant sur la création de milieux de soins où l’allaitement constitue la norme.
Au Québec, une centaine d’établissements ont la certification « Amis des bébés ». Ils comprennent des maisons de naissance, des hôpitaux et des CLSC, situés dans plusieurs régions administratives du Québec. Au sein de ces établissements, les femmes enceintes et les nouvelles mères, qu’elles allaitent ou non, reçoivent les informations nécessaires pour qu’elles puissent prendre une décision éclairée quant à la manière de nourrir leur enfant. Le personnel est également formé pour soutenir toutes les mères, peu importe leur décision.
Selon l’OMS, l’Initiative des amis des bébés, qui est reconnue à travers le monde, a des effets positifs sur la durée de l’allaitement ainsi que sur son exclusivité pendant les 6 premiers mois de vie.
Afin de soutenir, de protéger et d’encourager l’allaitement, le MSSS, via son Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028, planifie la poursuite de la mise en œuvre de l’Initiative des amis des bébés dans l’ensemble des services du réseau de la santé et des services sociaux. Il vise également l’accompagnement des gestionnaires, dans chaque région de la province, afin de les soutenir dans l’implantation et l’amélioration des pratiques liées à l’allaitement.

Par Mélissa Khadra
Titulaire d’un doctorat en sciences biologiques, Mélissa Khadra œuvre dans le milieu du journalisme et de la vulgarisation scientifique depuis près de 3 ans. Avant de rejoindre l’équipe de l’Observatoire des tout-petits à titre de rédactrice scientifique, elle a collaboré avec plusieurs médias, dont La Presse, Québec Science et La Conversation Canada. Armée de son bagage de connaissances en sciences et de son amour des mots, elle s’amuse à décortiquer les sujets les plus complexes.
Références
1. US PREVENTIVE SERVICES TASK FORCE. « Primary Care Interventions to Support Breastfeeding : US Preventive Services Task Force Recommendation Statement », JAMA, vol. 316, no 16, 2016, p. 1688-1693.
Pour aller plus loin
Consulter le Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028 du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)
Visiter le site Web du Mouvement allaitement Québec (MAQ) et son Portail des ressources communautaires en allaitement
Parcourir la liste des établissements « Amis des bébés »
Accéder à l’entièreté des données du rapport La santé, l’alimentation et le sommeil des bébés de l’ISQ
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