Observatoire des tout-petits

Chroniques
16 mai 2023

Vieillissement de la population : un défi pour les tout-petits?

	Vieillissement de la population : un défi pour les tout-petits?
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Photo de Geoffroy Boucher
Geoffroy Boucher
Économiste à l'Observatoire québécois des inégalités et consultant en politiques publiques

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) projette que, d’ici 2030, une personne sur quatre au Québec aura plus de 65 ans. Quelles seront les répercussions de ce vieillissement de la population sur les tout-petits? Nous en discutons avec le démographe Jonathan Purenne.

En 2021, le Québec comptait 512 083 enfants âgés de 0 à 5 ans, soit 5,9% de la population. Alors que l’on prévoit que cette proportion demeurera stable au cours des 30 prochaines années, la part des personnes âgées de plus de 65 ans augmentera considérablement. Selon les projections de l’ISQ, elle passera de 20% en 2021 à 27% en 2051.

Les tout-petits grandiront donc dans un Québec marqué par le vieillissement de la population. Selon Jonathan Purenne, ce phénomène s’explique par l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, une chute des naissances et une augmentation de l’espérance de vie chez les personnes plus âgées.

Figure 1. Évolution du groupe d’âge en proportion de la population totale,
Québec, 2021-2051

Source : Institut de la statistique du Québec,
Population selon le groupe d'âge et le sexe, scénario Référence A2022, Québec, 2021-2051

 

Une pression croissante sur le marché du travail

Le vieillissement de la population continuera ainsi d’augmenter la pression sur le marché du travail québécois au cours des prochaines décennies. Cette pression peut être illustrée par le rapport de dépendance démographique. Cet indicateur mesure le rapport entre le nombre de personnes qui dépendent des autres pour leur revenu – tels que les jeunes et les personnes âgées – et les personnes typiquement en âge de travailler et de produire des richesses.

Selon l’ISQ, ce rapport augmentera de manière significative au cours des prochaines années :

  • En 2021, pour chaque tranche de 100 personnes en âge de travailler, il y avait 34 personnes de 65 ans et plus et 35 personnes de moins de 20 ans, soit 69 personnes considérées comme n’étant pas typiquement en âge de travailler.
  • En 2051, pour chaque tranche de 100 personnes en âge de travailler, il est projeté qu’il y aura 50 personnes de 65 ans et plus et 37 personnes de moins de 20 ans, soit 87 personnes considérées comme n’étant pas typiquement en âge de travailler.

Les membres de la population active feront alors face à une importante pression financière. 

Figure 2. Rapport de dépendance démographique, Québec, 2021-2051

Rapport de dépendance démographique, Québec, 2021-2051

Source : Institut de la statistique du Québec,
Mise à jour 2022 des perspectives démographiques du Québec et des régions, 2021-2066.

Le démographe souligne toutefois que cet indicateur a des limites. Par exemple, il explique que le rapport de dépendance se base uniquement sur l’âge des personnes. Or, certaines personnes de 65 ans et plus travaillent, alors que plusieurs personnes âgées entre 20 et 64 ans ne travaillent pas. Néanmoins, la hausse de cet indicateur témoigne de la pression supplémentaire qui pourrait s’exercer sur un marché du travail déjà tendu.

« On vit présentement des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs de l’économie et des difficultés de recrutement dans de nombreuses industries. [...] Si rien ne change, on va avoir des problèmes dans le futur. Il n’y aura pas suffisamment de gens pour combler tous les postes. » - Jonathan Purenne.

 

Des répercussions pour les tout-petits

À moyen terme, cette pression accrue sur le marché du travail pourrait entraîner une augmentation du nombre d’heures travaillées des parents. Déjà, une augmentation du nombre d’heures moyennes travaillées des mères d’enfants âgés de 0 à 5 ans s’observe depuis une dizaine d’années.

Figure 3. Moyenne des heures effectivement travaillées durant la semaine de référence
des ménages avec enfant de 0 à 5 ans, Québec, Janvier 2009-2019

Moyenne des heures effectivement travaillées durant la semaine de référence des ménages avec enfant de 0 à 5 ans, Québec, Janvier 2009-2019

Note : Le nombre d’heures effectivement travaillées des parents a chuté en 2020, 2021 et 2022 en raison des répercussions de la pandémie de COVID-19.
Source : Statistique Canada, fichier de microdonnées à grand diffusion de l’Enquête sur la population active, mois de janvier, 2009-2019.

 

Selon Jonathan Purenne, cette augmentation probable des heures travaillées chez les parents nécessitera, entre autres, d’améliorer l’accès aux services de garde éducatifs à l’enfance. « Les femmes sont de plus en plus actives sur le marché du travail. Les employeurs devront faire preuve de flexibilité pour accommoder ces travailleuses, mentionne-t-il. D'où l'importance d’un réseau de service de garde éducatif à l’enfance cohérent et accessible. »

 

Des investissements nécessaires

Lorsque les tout-petits entreront sur le marché du travail, dans une vingtaine d'années, il y aura déjà 84 personnes qui ne seront typiquement pas en âge de travailler pour chaque tranche de 100 personnes âgées de 20 à 64 ans, alors que le ratio est de 69 pour 100 aujourd’hui.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire d’investir dès maintenant afin de développer le plein potentiel de ces futurs travailleurs. Investir massivement en petite enfance et en périnatalité constitue une excellente stratégie pour s’assurer que les tout-petits disposent des outils nécessaires pour faire face aux défis de demain. Le vieillissement de la population constitue certainement l’un de ces défis!

Photo de Geoffroy Boucher

Par Geoffroy Boucher

Titulaire d’une maîtrise en économie publique et politiques sociales de la London School of Economics, Geoffroy Boucher a œuvré au sein de plusieurs ministères aux niveaux provincial et fédéral. À titre d’économiste principal au ministère des Finances du Canada, il a notamment contribué au développement du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Depuis peu, il a rejoint l’Observatoire québécois des inégalités et agit également comme consultant en politiques publiques.

Pour aller plus loin 

Consulter la page Agir tôt qui reprend les constats du mémoire Investir en petite enfance, c’est agir pour l’avenir, déposé par le Collectif petite enfance dans le cadre des consultations prébudgétaires 2023-2024

Lire la précédente chronique de Geoffroy Boucher Pourquoi investir en petite enfance?