Les changements apportés au RQAP corrigent plusieurs inégalités et offrent davantage de flexibilité en ce qui concerne l’utilisation des prestations
Ce texte est écrit par Sophie Mathieu et est tiré du magazine Policy Options
Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) a récemment subi plusieurs modifications qui lui donnent davantage de flexibilité et le rendent plus équitable. Sanctionnée le 29 octobre 2020, la Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d’assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail, communément appelée « loi 51 », corrige certaines inégalités de ce programme.
Au Québec, près de 90 % des familles reçoivent des prestations parentales sous une forme ou une autre, une proportion bien supérieure à ce que l’on observe dans les autres provinces canadiennes, surtout parce que les conditions d’admissibilité à un congé payé sont faciles à remplir et que les prestations sont généreuses. Les parents qui se qualifient pour ces prestations ont le choix entre le régime de base ― plus long, mais dont les prestations sont moins élevées — et le régime particulier — plus court, qui offre des prestations plus importantes. Le RQAP comprend essentiellement quatre catégories de prestations : les prestations de maternité, les prestations de paternité, les prestations parentales partageables (que peuvent réclamer la mère, le père ou le deuxième parent, à leur convenance) et les prestations d’adoption. Les prestations peuvent être utilisées au cours d’une certaine période, dont la durée est fixée par la loi (la « période d’utilisation »), qu’il faut distinguer des semaines de prestations proprement dites.
Une flexibilité accrue
Certaines dispositions de la loi 51 contribuent à rendre le RQAP plus flexible, notamment en ce qui concerne la durée d’utilisation des prestations et le revenu de travail obtenu durant le congé.
Depuis le 1er janvier 2021, la période pendant laquelle les prestations de paternité, parentales partageables ou d’adoption peuvent être utilisées est prolongée et passe de 52 semaines à 78 semaines, alors qu’on peut désormais toucher les prestations de maternité à l’intérieur d’une période de 20 semaines au lieu de 18. Le gouvernement n’a pas augmenté le nombre de versements, mais allongé la période d’utilisation des prestations. Ces modifications visent à donner davantage de flexibilité aux parents qui souhaitent alterner entre des périodes de travail rémunéré et des périodes de congé parental. Les parents auront donc 18 mois pour se prévaloir des prestations du RQAP.
Depuis le 29 octobre 2020, le montant des exemptions relatives à un revenu de travail durant la période de prise de prestations est aussi modifié : le RQAP permet maintenant qu’un prestataire gagne un revenu égal à la différence entre son revenu hebdomadaire moyen (revenu ayant servi au calcul de sa prestation) et le montant de sa prestation sans que celle-ci soit réduite. Au-delà de ce montant, chaque dollar de revenu de travail diminue la prestation du RQAP.
Des inégalités corrigées
La loi 51 atténue également les inégalités de genre. Ainsi, afin d’inciter les hommes à utiliser davantage le congé parental, elle bonifie le nombre de semaines de prestations parentales ou d’adoption partageables pour les couples dont le deuxième parent utilise une grande partie du congé parental (voir le tableau ci-dessous). Les couples qui ont choisi le régime de base peuvent partager quatre semaines de prestations additionnelles (à 55 % du revenu) dès que chacun des parents utilise huit semaines de prestations parentales, alors que ceux qui ont opté pour le régime particulier ont droit à trois semaines additionnelles (à 75 % du revenu) lorsque chacun des parents utilise au moins six semaines de prestations.
Jusqu’au moment de sa réforme, le RQAP n’accordait aucune semaine de prestation additionnelle aux couples vivant des naissances ou des adoptions multiples, considérant ces situations comme un seul événement. Le gouvernement a maintenant ajusté le tir. Pour tenir compte de ces situations particulières, le RQAP a introduit un nouveau type de prestations parentales dites « exclusives », qui allonge la durée des prestations : le régime de base prévoit que chacun des parents a désormais droit à cinq semaines additionnelles (à 70 % du revenu) et le régime particulier, à trois semaines additionnelles (à 75 % du revenu). Cette bonification est aussi accordée aux familles monoparentales pour les naissances qui surviendront à partir du 1er janvier 2022.
Le changement le plus spectaculaire du RQAP a trait à la structure des congés d’adoption (voir le tableau ci-dessous). Désormais, les parents adoptants peuvent bénéficier de prestations d’accueil et de soutien partageables entre les parents (de 13 ou 12 semaines, selon le régime choisi), de prestations exclusives à chacun des parents (de 5 ou 3 semaines) et de prestations d’adoption partageables (de 32 ou 25 semaines). Le nombre de semaines de prestations pour adoption passe donc de 37 à 55 semaines sous le régime de base et de 28 à 43 semaines en vertu du régime particulier.
Le Québec, chef de file incontestable
Les modifications qu’apporte la loi 51 confirment la position du Québec comme chef de file dans l’univers des régimes de congés parentaux payés, car les inégalités à l’égard des familles monoparentales et adoptantes contenues dans le programme original ont été éliminées. Ainsi, les parents adoptants peuvent désormais bénéficier de 55 semaines de prestations, comme c’était déjà le cas pour les autres couples ; il en sera bientôt de même pour les parents seuls grâce aux nouvelles prestations exclusives auxquelles ils auront droit à partir du 1er janvier 2022.
Le Québec évite aussi les écueils du programme de congé parental fédéral, en vertu duquel le retrait des mères du marché du travail pendant une période pouvant s’étaler sur 18 mois risque de fragiliser leur position sur le marché de l’emploi. En augmentant la période pendant laquelle les prestations peuvent être utilisées, mais en évitant d’allonger le nombre de semaines au cours desquelles les prestations sont versées, le RQAP assouplit la structure de son programme sans compromettre une égalité déjà fragile entre les genres.
C’est d’ailleurs pour atteindre une meilleure égalité entre les genres que la loi 51 récompense les couples qui partagent les prestations parentales en leur offrant des semaines additionnelles de prestations. À première vue, le Québec semble s’éloigner du principe du droit individuel, puisqu’il bonifie le congé parental si le deuxième parent utilise un certain nombre de semaines de prestations. Toutefois, ce n’est pas le cas, car le Québec offre depuis 2006 des prestations de paternité qui sont un droit individuel et ne sont pas transférables à la mère. L’accès des pères à des prestations n’est donc pas conditionnel à la participation de leur conjointe au régime, comme c’est le cas dans le programme fédéral.
Les prestations de paternité sont d’ailleurs très populaires : 80 % des pères les réclament, mais le pourcentage de ceux qui utilisent les prestations parentales en plus de leurs prestations de paternité n’est pas très élevé encore. Dans les couples où les deux parents participent au RQAP, moins de 30 % des hommes utilisent au moins une semaine de prestations parentales. En invitant les couples à un plus grand partage de ces prestations, le Québec incite les pères à s’investir davantage dans les soins de leurs enfants, une initiative qui pourrait avoir des résultats à long terme sur leur implication parentale et même sur la stabilité de leur couple.
Par Sophie Mathieu, PhD, chercheuse postdoctorale, Université Téluq
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